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16/11/2021 | FRANCE | N°20PA03882

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 novembre 2021, 20PA03882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Jorevale a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1821024 du 13 octobre 2020, le Trib

unal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Jorevale a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1821024 du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2020, la société Jorevale, représentée par Me Tachnoff-Tzarowsky, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1821024 du 13 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que l'administration a écarté sa comptabilité comme non probante ;

- ce faisant, l'administration fiscale a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-CF-JOR-10-20 du 12 septembre 2012 et la documentation de base 4-G-3341 du 25 juin 1998 ;

- la méthode de reconstitution utilisée par l'administration aboutit à une exagération de ses bases imposables ;

- c'est à tort que l'administration a considéré comme un passif injustifié la somme de 30 241,45 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Jorevale, qui exploite un fonds de commerce de vente au détail de vêtements féminins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Après que ces impositions ont été réduites, à la suite de l'entretien, le 16 octobre 2012, avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 11 avril 2013, la société Jorevale a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des impositions restant à sa charge. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. [...] ". Aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition [...] ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

4. La proposition de rectification en date du 29 mai 2012 adressée à la société Jorevale, qui comporte la désignation des impôts concernés, le montant des bases d'imposition, et mentionne les dispositions du code général des impôts qui fondent en droit les impositions contestées, indique les motifs du rejet de la comptabilité et détaille la méthode de reconstitution des recettes. Si la société requérante fait valoir que l'administration fiscale n'a pas suffisamment explicité les modalités de calcul du coefficient de marge qu'elle a retenu, il résulte des énonciations suffisamment claires et précises de la proposition de rectification que l'administration fiscale, après avoir déterminé le coefficient de marge brute ressortant d'un relevé de prix, l'a réduit de 25 % pour tenir compte des réductions proposées dans le cadre des soldes. Dans ces conditions, la proposition de rectification en date du 29 mai 2012 doit être regardée comme suffisamment motivée au sens des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce concerne la reconstitution de recettes :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

5. Le service a relevé, au cours de la vérification de comptabilité de la société Jorevale, que les brouillards de caisse de la société, laquelle n'utilisait pas de caisse enregistreuse, présentaient de nombreuses anomalies. En particulier, elle a indiqué que les brouillards de caisse n'étaient pas établis chronologiquement, au fur et à mesure des ventes, qu'ils n'avaient pas été présentés pour certains jours alors que des bordereaux de détaxe avaient été établis pour ces mêmes jours, qu'il existait des incohérences entre les ventes figurant sur les bordereaux d'export et les brouillards de caisse, que les ventes réglées par chèques étaient enregistrées dans les brouillards de caisse, non pas à la date des ventes correspondantes, mais à l'occasion du dépôt des chèques à la banque, enfin qu'aucun encaissement en espèces n'apparaissait sur les brouillards de caisse, alors que plusieurs bordereaux de vente en détaxe faisaient apparaître des ventes en espèces. L'administration fiscale a également indiqué qu'aucune preuve d'achat n'avait été remise aux clients, que des règlements par carte bancaire de montants très élevés avaient été effectués en dehors des heures normales d'ouverture du magasin et que les stocks présentaient des incohérences au regard des inventaires effectués à la clôture des exercices. Dans ces conditions, et eu égard aux graves irrégularités ainsi relevées dans la proposition de rectification, l'administration fiscale était fondée à estimer que la comptabilité de la société Jorevale n'était ni sincère ni probante et, après l'avoir écartée, à procéder à la reconstitution de ses recettes et de son chiffre d'affaires.

6. La société Jorevale n'est pas fondée à se prévaloir, pour contester le rejet de sa comptabilité, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-JOR-10-20 du 12 septembre 2012 reprenant la documentation de base 4-G-3341 du 25 juin 1998, qui ne donne pas d'interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application.

S'agissant de la charge de la preuve :

7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission [...] ".

8. Compte tenu des graves irrégularités entachant la comptabilité, analysées au point 5, et alors que les impositions contestées ont été établies conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 11 avril 2013, c'est à la société Jorevale qu'incombe la tâche de démontrer que les impositions mises à sa charge seraient exagérées.

S'agissant de la méthode de reconstitution :

9. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Jorevale, le service s'est appuyé sur les montants correspondant aux achats revendus de marchandises au cours des exercices clos en 2009 et en 2010, calculés sur la base de la somme des montants correspondant aux achats de marchandises et aux stocks initiaux, à laquelle il a soustrait les montants correspondant aux stocks finaux. Il a ensuite appliqué aux montants des achats revendus ainsi évalués, à hauteur de 183 632 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et de 172 220 euros au titre de l'exercice clos en 2010, un coefficient de marge brute pondéré, déterminé à partir d'un relevé de prix effectué au cours du mois de mars 2012, en tenant compte des réductions de prix consenties, durant les périodes réglementaires de soldes, d'une durée de dix semaines, et chiffrées, en moyenne, à 25 % du prix initialement proposé. Ce coefficient de marge brute, d'abord fixé, dans la proposition de rectification, à 2,82, a été ensuite, par un courrier du 19 novembre 2012 adressé à la société Jorevale à la suite d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, réduit à 2,70, afin de tenir compte d'une durée de soldes de dix-huit semaines incluant les ventes dites " privées ", et enfin, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 11 avril 2013, ramené à 2,40, eu égard en particulier à certaines erreurs comptables ainsi qu'au taux de marge relativement bas appliqué aux ventes de produits provenant du fournisseur Zapa. Si la société Jorevale fait valoir que les réductions octroyées au cours des périodes de soldes s'élèvent en moyenne à 50 % du prix de vente initialement fixé, elle ne produit aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. Par ailleurs, si la société Jorevale fait valoir que le coefficient de marge brute doit se fonder sur une période de soldes de dix-huit semaines, et qu'il doit tenir compte des erreurs comptables apparaissant dans la comptabilité ainsi que du taux de marge spécifique appliqué aux ventes de produits provenant du fournisseur Zapa, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'administration fiscale a, sur la base des précisions apportées par la société Jorevale sur ces points, déjà accepté d'ajuster le taux de marge appliqué par la société, laquelle n'apporte aucun élément permettant d'établir que le coefficient de marge fixé en dernier lieu à 2,40 serait excessif au regard des conditions effectives de son activité. Enfin, si la société Jorevale soutient que le service aurait dû tenir compte d'une période de fermeture de deux semaines au mois d'août, elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations, alors que l'administration fiscale fait valoir, sans être contredite, que la société a indiqué dans le cadre de la vérification de comptabilité, qu'elle n'avait procédé à aucune fermeture annuelle au cours des années 2009 et 2010. Par suite, la société Jorevale n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution appliquée par l'administration fiscale, qui repose sur des données propres à celle-ci, serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

En ce qui concerne le passif injustifié :

10. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l'actif net à la clôture de l'exercice, toutes les dettes qui sont mises à la charge de la société envers des tiers si ces dettes sont, à la date de la clôture de l'exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Il appartient au contribuable de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

11. L'administration fiscale a estimé qu'une somme de 30 241,45 euros figurant au crédit du compte courant d'associé 455 au titre de l'exercice clos en 2009 devait être regardée comme un passif injustifié, qu'elle a réintégré aux résultats imposables de la société requérante. Si la société Jorevale, qui avait initialement indiqué, dans le cadre de la vérification de sa comptabilité, que cette somme correspondait à un remboursement intervenu à la suite de l'achat du fonds de commerce, soutient désormais que cette somme correspondrait en réalité à une dette due à la société Sarah, qui aurait été compensée par une créance salariale détenue par l'épouse de son gérant, Mme A..., sur cette société, elle ne l'établit pas, en tout état de cause, en se bornant à produire, d'une part, un protocole d'accord avec la société Sarah qui n'a pas été enregistré auprès du service des impôts, d'autre part, une convocation adressée à Mme A... pour assister à une audience de référés devant le conseil des prud'hommes de Paris, concernant un litige l'opposant à la société Sarah relatif à un montant de 26 715,13 euros, soit un montant substantiellement différent de la somme en cause. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme en cause dans le résultat imposable de la société Jorevale.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jorevale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Jorevale est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jorevale et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (SCAD).

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2021.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03882
Date de la décision : 16/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : TACHNOFF TZAROWSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-16;20pa03882 ?
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