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09/12/2021 | FRANCE | N°19PA01509

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 décembre 2021, 19PA01509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la qualification erronée de son contrat et de sa non déclaration auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice a

dministrative.

Par un jugement n° 1706481/2-3 du 7 mars 2019, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la qualification erronée de son contrat et de sa non déclaration auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706481/2-3 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2019, M. B... représenté par Me Icard, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706481 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il a pu être recruté en qualité de professeur d'enseignement artistique territorial au sein des conservatoires de la ville de Paris, sur un emploi permanent et de façon continue, pendant 28 ans ;

- sa situation contractuelle ouvrait droit à l'affiliation obligatoire au régime de retraite de l'Ircantec, pour un emploi d'agent non titulaire concomitant à un emploi de fonctionnaire, que ce soit avant ou après le 1er janvier 2005, sous réserve que ces activités n'aient pas été retenues par un régime spécial ;

- la responsabilité de l'administration est engagée en raison de l'omission de cette affiliation ;

- quand bien même serait-il retraité, il peut être indemnisé du préjudice constitué par le manque à gagner sur sa retraite, généré par le défaut d'affiliation à l'Ircantec ;

- la prescription quadriennale de la demande d'affiliation ne peut lui être opposée dès lors que son délai ne commence pas à courir à compter de l'année au titre de laquelle les cotisations sont dues, mais à compter de celle au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire celle au cours de laquelle il a cessé son activité et a fait valoir ses droits à la retraite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de

M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. B..., qui se trouvait en situation de cumul d'activités, exerçait une activité accessoire au sein des conservatoires de la ville de Paris sur autorisation de l'adjointe au maire d'Auxerre, valable pour des périodes limitées dans le temps, renouvelables chaque année, relevait du statut de vacataire ;

- sa demande d'indemnisation pour défaut de versement des cotisations au régime de sécurité sociale au titre de l'activité accessoire qu'il exerçait au sein des conservatoires municipaux n'est pas fondée dès lors que la rémunération accessoire versée était soumise à la CSG et la CRDS qui sont par nature des impositions et non des cotisations ;

- si la ville de Paris devait être regardée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité en qualifiant les engagements de M. B... de vacations et non de contrats d'agent public non titulaire, le préjudice financier et de carrière invoqué par M. B..., d'un montant de 200 000 euros, n'est pas établi dans son principe et son montant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988,

- le décret du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Froger représentant la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur d'enseignement artistique territorial, employé au conservatoire municipal de la ville d'Auxerre, a été recruté par la ville de Paris en qualité de professeur de musique vacataire au sein des conservatoires de Paris, à compter de 1990 et jusqu'en 2018, pour y dispenser des cours de trompette. Cette activité exercée à titre accessoire auprès de la ville de Paris a fait l'objet, chaque année, d'une décision d'engagement prise dans le cadre d'une autorisation de cumul d'emplois et de rémunérations émanant de son employeur, la ville d'Auxerre. Le 19 mars 2016, avant la cessation de ses fonctions, il a saisi la ville de Paris d'une demande de requalification de l'ensemble de ses contrats de vacataire en contrat à durée indéterminée. En l'absence de réponse de la ville de Paris, par une lettre du 29 novembre 2016, il a adressé à cette dernière une demande préalable d'indemnisation afin d'obtenir la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la qualification selon lui erronée de ses contrats de travail, de sa non déclaration auprès de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) et du non versement des cotisations correspondantes. Faute de réponse, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme totale de 250 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de la qualification erronée de son contrat par la ville de Paris et de sa non déclaration auprès de l'Ircantec. Il relève appel du jugement du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité de la ville de Paris :

2. L'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, fixe les cas dans lesquels les emplois permanents des collectivités territoriales peuvent par exception être pourvus par des agents non titulaires. L'article 136 de cette loi fixe les règles d'emploi de ces agents et précise qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cet article. Il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de l'article 136 et rendu applicable aux personnels des administrations parisiennes par les articles 4 et 6 du décret du 24 mai 1994 portant elles-mêmes dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes, que ces règles d'emploi s'appliquent aux agents contractuels sauf s'ils ont été " engagés pour un acte déterminé ". Un agent vacataire a ainsi droit à la requalification de son contrat en contrat d'agent non titulaire s'il a occupé de manière continue un emploi à caractère permanent correspondant à un besoin permanent de la collectivité.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été recruté chaque année, de 1990 à 2018 soit pendant 28 ans, comme professeur de musique vacataire au sein des conservatoires de Paris pour une quotité variable de cours hebdomadaires, établie à 12 heures à partir de 2006 jusqu'au 30 décembre 2016, date à laquelle il avait atteint la limite d'âge légale d'activité. Chaque année, la ville établissait une décision d'engagement que l'intéressé transmettait à la ville d'Auxerre, afin de bénéficier d'une autorisation de cumul d'activités. Il s'en infère que, quelles qu'aient été les désignations de son mode de recrutement et de sa rémunération,

M. B... ne saurait être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte ponctuel et déterminé. Dès lors qu'il occupait un emploi correspondant à un besoin permanent de la ville, il ne pouvait être regardé comme ayant la qualité de vacataire, mais devait être considéré comme un agent non titulaire de la ville de Paris depuis son recrutement en 1990, son recrutement dans le cadre d'un cumul d'activités étant sans incidence sur la continuité de sa relation professionnelle avec la ville de Paris. Par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la ville de Paris a commis une faute en recrutant M. B... comme vacataire et en le maintenant dans ce statut.

Sur les préjudices :

4. Le maintien du requérant dans la situation de vacataire depuis 1990 lui a causé un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 1 000 euros.

5. M. B... demande, par ailleurs, la réparation du préjudice financier résultant de son absence d'affiliation par la ville de Paris au régime de retraite Ircantec et de versements des cotisations afférentes à hauteur de la somme de 200 000 euros. Pour autant, à supposer l'existence d'un tel préjudice établi, et alors même que l'absence de production au dossier de justificatifs de l'évaluation de la somme réclamée lui a été expressément opposée par son contradicteur, il n'établit pas l'étendue de son préjudice. M. B... n'apportant pas d'éléments de nature à établir l'existence d'un préjudice résultant de l'absence d'affiliation au régime de l'Ircantec, il n'y a par conséquent pas lieu d'indemniser ce chef de préjudice allégué.

Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... dans le cadre de la présente instance. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier la somme que demande la ville de Paris au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La ville de Paris est condamnée à payer à M. B... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Article 2 : La ville de Paris versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre des frais d'instance et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions de la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le jugement du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Ivan Luben, président,

Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

M-D. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

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N° 19PA01509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01509
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux - Fonctionnaires et agents de la ville de paris.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;19pa01509 ?
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