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17/12/2021 | FRANCE | N°20PA00973

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 décembre 2021, 20PA00973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) NMTL a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 3l décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1706085 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Melun a rej

eté la demande de la SARL NMTL.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) NMTL a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 3l décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1706085 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la SARL NMTL.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2020, la SARL NMTL, représentée par Me Borie-Doucède, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706085 du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des périodes d'imposition 2011 et 2012 ;

2°) de prononcer les décharges sollicitées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition et les impositions en litige établies en conséquence sont dépourvues de fondement en raison de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 21 janvier 2020 de la Cour d'appel de Paris qui a condamné son comptable, M. B..., pour abus de confiance, exercice illégal de la profession de comptable et escroquerie, à raison de son rôle dans la tenue de sa comptabilité ;

- c'est à tort que la taxe sur la valeur ajoutée a été taxée d'office, dès lors qu'elle résulte de la souscription hors délai par M. B... des déclarations relatives à cette taxe ;

- l'administration ne pouvait écarter comme fictif l'apport en capital de M. C..., son gérant, sans recourir à la procédure de répression des abus de droit ;

- ce faisant, elle a méconnu son interprétation de la loi fiscale exprimée par l'instruction du 20 septembre 2010, BOI 13 L-9-10 ;

- les manquements qui lui sont reprochés sont imputables aux agissements de son comptable et ne sauraient donner lieu à l'application de majoration pour manquement délibéré ;

- ces majorations été infligées en méconnaissance du paragraphe 85 de l'instruction 13 N-1-07- 43 du 19 février 2007, et du BOl-CF-lNF-10-20-20 n°40,12-9-2012 n°40 ;

- il en va de même pour les manœuvres frauduleuses, et la majoration à laquelle elles ont donné lieu.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 3l décembre 2012, la société à responsabilité limitée (SARL) NMTL, qui a pour activité le transport de marchandises et la location de véhicule avec ou sans chauffeur, a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de taxation d'office, au titre des périodes d'imposition 2011 et 2012, et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, selon la procédure de rectification contradictoire, au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Sa réclamation ayant été rejetée, elle a présenté une demande en décharge devant le tribunal administratif de Melun qui a été également été rejetée par un jugement n° 1706085 du 23 janvier 2020, dont appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le gérant de la SARL NMTL a sollicité que la vérification de comptabilité se déroule dans les locaux du cabinet Depin, dont son comptable, M. B..., était salarié, et que la société requérante a, par courrier du 15 octobre 2013, donné mandat à ce dernier pour la représenter pendant ce contrôle fiscal. Si la SARL NMTL fait valoir que M. B... a été reconnu coupable, par un jugement du tribunal correctionnel de Melun du 26 novembre 2018, confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 janvier 2020, d'abus de confiance et d'escroquerie à son encontre et d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, à raison de son rôle dans la tenue de la comptabilité de la société requérante, il ne s'ensuit pas que le mandat dont il bénéficiait était nul en application des dispositions de l'article 1110 du code civil, en raison de l'erreur commise par le mandant sur la qualité du mandataire. En outre, alors même que le juge pénal a reconnu que, par son comportement au cours de la vérification de comptabilité, M. B... a " a nui à l'ensemble de la procédure de vérification ", il n'est pas établi, et il ne ressort pas davantage de l'instruction ou des pièces du dossier, que ce comptable ait commis une faute précise au cours des opérations de vérification, relevant d'une circonstance de force majeure ou d'une méconnaissance du mandat de représentation qui lui avait été donné, de nature à avoir privé la société requérante d'une garantie au titre de cette procédure de vérification. Par suite, le moyen tiré de la nullité de cette procédure doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la SARL NMTL expose qu'en s'abstenant de souscrire dans les délais les déclarations de chiffre d'affaires destinées à l'établissement de la taxe sur la valeur ajoutée, M. B... a entraîné l'imposition d'office à cette taxe. Toutefois, si la société requérante se prévaut de la méconnaissance des obligations comptables reconnues imputables à son comptable par le juge pénal, cette reconnaissance est sans incidence sur la qualification de ces manquements au regard des obligations fiscales de la société requérante. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition d'office la taxe sur la valeur ajoutée, doit être écarté.

4. En troisième lieu, si la SARL NMTL soutient que le défaut de comptabilisation régulière des achats de carburants ou de cessions de fonds de commerce, objet des redressements et rappels en litige, résulte des manquements de son comptable dont le juge pénal a tiré les conséquences en le condamnant, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 janvier 2020 mentionné au point 2 du présent arrêt, à raison de son rôle dans la tenue de sa comptabilité, l'autorité absolue de la chose jugée pénale qui s'attache à la constatation de ces manquements est sans incidence sur leur qualification au regard de la législation fiscale, s'agissant de l'absence de justification du caractère déductible de ces achats au regard de l'impôt sur les sociétés ou de la taxe sur la valeur ajoutée, et de l'absence d'inclusion des éléments de fonds de commerce en cause pour la détermination de l'actif taxable de la société requérante. Par suite, le moyen tiré du défaut de fondement des impositions et rappels en litige ne peut qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui notamment déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus, ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. En pareil cas, l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse.

6. Il résulte de l'instruction que, par procès-verbal d'assemblée générale ordinaire en date du 31 décembre 2011, la SARL NMTL a entériné un apport en capital de son associé gérant, M. A... C..., sous forme de trois tracteurs et d'une remorque Renault, et s'est engagée à rembourser cet apport avant le 3l décembre 2012. Il est constant que la société a versé à ce titre à M. C... et à son associé la somme de 123 000 euros au cours de l'exercice clos en 2012 par des virements et des retraits en espèces. Il est apparu, par la confrontation de ces factures avec celles obtenues dans l'exercice du droit de communication auprès de tiers, que les justificatifs d'achat de ces véhicules par le gérant avaient été falsifiés, et que ces véhicules n'ont jamais été acquis par cet actionnaire de la société requérante et qu'ils ont été cédés à d'autres sociétés. En se bornant à établir le caractère falsifié de ces factures, l'administration a écarté un faux en écriture, dont elle a tiré la conséquence que l'acte d'apport en cause n'avait reçu aucune exécution, et non un acte fictif qu'elle aurait requalifié au regard de son objet et de l'intention des parties. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 rappelé ci-dessus du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écarté.

7. De même, si la SARL NMTL doit être regardée comme se prévalant, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 20 septembre 2010, BOI 13 L-9-10, qui qualifie d'acte fictif tout document ou fait qui manifeste l'intention de son auteur et produit des effets de droit, ces dispositions ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale, contraire aux principes énoncés au point 4 du présent arrêt. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur les majorations :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré; (...) ; c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ".

9. En premier lieu, les manquements reprochés à la SARL NMTL consistent en factures établies à l'ordre de clients et en la cession de fonds de commerce de la société SETG, qui n'ont été ni comptabilisées ni déclarées, ainsi qu'en la déduction, de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés, d'achats de carburant en 2011 et 2012 qui n'ont pas été justifiés. L'administration établit que le montant des factures non comptabilisées concerne la totalité de son chiffre d'affaires réalisé durant les 9 premiers mois de l'exercice clos en 2011, et que la taxe sur la valeur ajoutée déduite correspond à des achats de carburant non comptabilisés régulièrement représentant un tiers de son chiffre d'affaires hors taxes en 2011 et 74,55 % en 2012, soit une surévaluation par rapport au taux constaté dans le secteur du transport de marchandises. Dans ces conditions, en sa qualité de professionnelle de ce secteur, la requérante ne pouvait ignorer ses obligations d'enregistrement et de déclaration des recettes, et de justifier des charges, découlant de ses actes de gestion. Ainsi, alors même que M. B... a été reconnu par le juge pénal responsable du redressement, l'administration rapporte la preuve de la participation de la requérante aux manquements ayant donné lieu à la majoration en cause et, partant, de son intention propre d'éluder l'imposition.

10. La doctrine exprimée au paragraphe n°85 de l'instruction 13 N-1-07- 43 du 19 février 2007 BOl-CF-lNF-10-20-20 et au paragraphe n°40 du BOI 12-9-2012, dont se prévaut la SARL NMTL sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale.

11. En second lieu, à l'appui de la majoration pour manœuvres frauduleuses infligée sur le fondement du c) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration argue de la falsification de factures d'achats de véhicules établis au nom de M. C... et de l'absence de d'existence d'un apport en capital à la SARL NMTL, objet de l'acte mentionné au point 6 du présent arrêt, devant donner lieu à remboursement. La requérante, qui ne conteste pas ces faits et le caractère frauduleux de ces actes, ne peut utilement invoquer la responsabilité de son comptable dans cette fraude, dès lors en tout état de cause qu'elle n'établit pas qu'il soit l'auteur de cette falsification et que la reconnaissance de l'apport en capital litigieux résulte de la seule délibération de ses associés réunis en assemblée générale ordinaire le 31 décembre 2011. Par suite, le moyen tiré de l'application injustifiée de la majoration en cause doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL NMTL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL NMTL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Ancel, liquidateur de la SARL NMTL, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Île-de-France et à la société à responsabilité limitée (SARL) NMTL.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président-assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

J.-E. SOYEZ Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°20PA00973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00973
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BORIE-DOUCEDE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;20pa00973 ?
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