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17/12/2021 | FRANCE | N°20PA01145

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 décembre 2021, 20PA01145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limité (SARL) Elfe Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre des périodes d'imposition 2010, 2011 et 2012, et des pénalités et amendes correspondantes.

Par un jugement n° 1817644 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Elfe Taxis.
>Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limité (SARL) Elfe Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre des périodes d'imposition 2010, 2011 et 2012, et des pénalités et amendes correspondantes.

Par un jugement n° 1817644 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Elfe Taxis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril et 18 juin 2020, la SARL Elfe Taxis, représentée par Me Marchesseau, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817644 du 16 mars 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités et amendes correspondantes ;

3°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes d'imposition du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales, et pour insuffisance de motivation dans la réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée de la garantie prévue à l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales à l'occasion de la notification de l'amende pour défaut de désignation des bénéficiaires des sommes réputées distribuées ;

- ayant fourni les noms et adresses des bénéficiaires des revenus distribués avec un degré suffisant de vraisemblance, elle ne pouvait se voir infliger l'amende de l'article 1759 ;

- cette amende, d'un taux confiscatoire, méconnaît le principe de proportionnalité des sanctions au regard des stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des stipulations de l'article 6 de cette convention, lesquelles peuvent être invoquées utilement ;

- elle méconnaît le principe " non bis in idem " en raison de l'application concomitante de la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Elfe Taxis, qui exploite des licences de taxi, a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité selon la procédure de redressement contradictoire, au cours duquel l'administration a écarté sa comptabilité comme non probante et a reconstitué ses chiffres d'affaires et bénéfices taxables, aboutissant à des rappels de taxe à la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, pour un montant de 21 951 euros, pénalités comprises, et à des compléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, pour un montant de 149 134 euros, pénalités comprises. Cette imposition a été assortie d'une amende fiscale de 298 705 euros, infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Par jugement du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de ces rappels. La SARL Elfe Taxis demande à la Cour l'annulation de ce jugement et la décharge des impositions supplémentaires, rappels, pénalités et amendes mentionnés ci-dessus.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SARL Elfe Taxis a soutenu devant le tribunal que la notification de l'amende fiscale devait obéir aux dispositions de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales. Le tribunal a exactement cité les dispositions dudit article pour estimer qu'elles n'avaient pas été violées par l'administration. La circonstance que le tribunal a indiqué citer l'article L. 57 du livre mentionné au lieu de l'article L. 54 B, et a répondu au moyen soulevé par référence à l'article L. 57, relève d'une simple erreur de plume sans influence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". En vertu de ces dispositions, il incombe à l'administration, d'informer, au plus tard avant la mise en recouvrement, le contribuable dont elle envisage de rectifier les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition.

4. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification de comptabilité, l'administration a été conduite à rejeter la comptabilité de la société, qui lui paraissait non probante, et à notifier le 23 décembre 2013 les rappels et rehaussements résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice taxables, assortis de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré. La proposition de rectification, qui ne retenait aucune charge déductible au titre des carburants, mentionne à cet égard que la comptabilité a été écartée, et que la reconstitution a été déterminée notamment sur la base d'éléments recueillis par l'administration auprès de la préfecture de police de Paris, sur le fondement de son droit de communication. Si, en réponse à cette proposition, la société requérante a, le 20 février 2014, indiqué que les pièces correspondant aux achats de carburant, justificatives des charges déductibles, étaient entre les mains de l'administration des douanes, et si le service vérificateur a usé de son droit de communication auprès de cette administration pour recouper les informations ainsi fournies par la société requérante, il est constant qu'il a tenu compte de la totalité des charges de carburant ainsi justifiées et a, dans sa réponse aux observations du contribuable, revu à la baisse l'évaluation du chiffre d'affaires et du bénéfice taxable de la société. Dès lors, les éléments recueillis par l'administration auprès de l'administration des douanes n'ayant été utilisés, ni pour écarter la comptabilité de la société requérante, ni pour fonder les redressements en litige, la SARL Elfe Taxis n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de mentionner dans ses propositions de rectifications ultérieures les informations communiquées par l'administration des douanes, l'administration l'aurait privée d'une garantie en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 54 B du Livre des procédures fiscales : " La notification d'une proposition de rectification doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de rectification ou pour y répondre ".

6. Contrairement à ce que soutient la SARL Elfe Taxis, les dispositions de l'article L. 54 B du livre des procédures fiscales, relatives à l'obligation de mentionner dans la proposition de rectification adressée au contribuable la possibilité d'être assisté d'un avocat, ne visent pas les notifications par lesquelles l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 D du même livre, doit informer le contribuable de son intention de lui appliquer les pénalités ou amendes pouvant assortir les redressements concernés. Dès lors, ni ces dispositions, ni, au demeurant, le principe général des droits de la défense, ne peuvent être invoqués pour soutenir que la SARL Elfe Taxis aurait dû se voir informer de la possibilité d'avoir recours à un conseil à l'occasion de la demande de désignation des bénéficiaires des bénéfices réputés distribués, sous peine de se voir infliger l'amende fiscale prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Le moyen soulevé doit ainsi être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution.//En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".

8. La société a été invitée, par la proposition de rectification du 23 décembre 2013, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, à mentionner, outre les noms et coordonnées des bénéficiaires des revenus distribués dont l'existence a été mise à jour lors des opérations de contrôle, la quote-part individuelle de résultats, ainsi que les dates et modalités d'attribution des résultats. Si la SARL Elfe Taxis a communiqué le 20 février 2014 les noms et adresses de six personnes désignées comme bénéficiaires, elle précisait qu'elle ferait état de cette répartition après accords entre les intéressés. Le 18 avril 2014, l'administration a indiqué prendre acte de cette déclaration et rester en attente de la répartition des revenus distribués, dont le montant annuel était précisé. En l'absence de réponse de la société le 7 octobre 2014, l'administration a informé la société requérante qu'elle lui infligeait la pénalité de l'article 1759. Il résulte toutefois de l'instruction qu'en désignant, avec mention de leurs adresses, le gérant, son épouse et un autre membre de sa famille, dont l'administration connaissait, par ailleurs, le pourcentage de détention des droits dans le capital de la société requérante, ainsi que, dans les mêmes conditions, trois chauffeurs de Taxis dont l'administration avait évalué les recettes, encaissées par eux, à l'occasion de la reconstitution de son chiffre d'affaire, la SARL Elfe Taxis a apporté une réponse suffisamment précise et vraisemblable pour satisfaire aux obligations de l'article 117 précité du code général des impôts. L'administration n'était ainsi pas fondée à infliger la pénalité de l'article 1759 qui doit être déchargée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête.

9. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est, par suite, seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'il a statué sur l'amende fiscale, et à de demander la décharge de ladite amende.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La société à responsabilité limitée (SARL) Elfe Taxis est déchargée de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 1817644 du 16 mars 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé, en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SARL Elfe Taxis au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la SARL Elfe Taxis est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Elfe Taxis et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA01145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01145
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARLU MARCHESSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;20pa01145 ?
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