Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison des rehaussements des résultats de la SNC Veuve C... et Fils, ainsi que de la majoration au taux de 80 % dont ces compléments ont été assortis.
Par un jugement n° 1602768/1-3 du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18PA00439 du 5 décembre 2018, la Cour a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre le jugement n° 1602768/1-3 du 6 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris.
Par une décision n° 427719 du 29 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi de M. et Mme C..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, et des mémoires enregistrés les 7 février, 28, 29 et 30 juin 2018 et 12 août 2021, M. et Mme C..., représentés en dernier lieu par Me Vey, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602772/1-3 du 6 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal.
Ils soutiennent que :
- les rehaussements des recettes et des résultats de la SNC Veuve C... et fils opérés par l'administration sont intervenus à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- la sauvegarde informatique de la mémoire des caisses, lors du contrôle opiné a été opérée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui ne permet que des constatations matérielles ;
- les données de caisse de la société n'étaient pas connectées au logiciel comptable et ne pouvaient donc être regardées comme une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés au sens du deuxième alinéa de l'article L. 13 et du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- l'instruction référencée BOI-CF-IOR-60-40-10 n° 80 et 90 exclut de la notion de comptabilité " les fichiers informatiques contenant les pièces justificatives " et retient une interprétation stricte de la notion de " comptabilité ;
- en méconnaissance des droits de la défense et de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration s'est appuyée sur des postulats techniques que la société vérifiée et eux-mêmes n'ont pas été en mesure de vérifier ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que l'administration s'est abstenue d'indiquer l'origine et la teneur de ces spécifications techniques et de les communiquer ;
- les effacements de recettes des caisses allégués et l'existence d'un logiciel de suppression de recettes par l'administration ne sont pas établis ;
- l'existence de problèmes techniques est due au caractère très ancien du matériel de caisse de la société ;
- le rejet de la comptabilité de la société est injustifié dès lors qu'il repose sur des postulats techniques invérifiables ;
- la méthode de reconstitution de recettes est viciée et excessivement aléatoire, l'administration n'ayant pas fourni la liste précise des tickets " RAZ " sans anomalie, ni le détail du calcul lui ayant permis d'aboutir au taux d'espèces retenu ;
- les pénalités ne sont pas justifiées ni proportionnelles compte tenu du caractère aléatoire de la méthode de reconstitution et de l'absence de preuve d'un effacement volontaire de recettes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2018, le 3 décembre 2020 et le 29 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 étendue jusqu'au 31 mai 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de la SNC Veuve C... qui exploite une brasserie à Paris, des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux ont été notifiées à cette société et à M. D... C..., qui en est le gérant et associé à hauteur de 25 %. En conséquence le foyer fiscal de M. C... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à hauteur de la quote-part qu'il détient dans les parts de la société, au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre le jugement du 6 décembre 2017 par lequel Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. Par une décision du 29 juillet 2020 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi de M. et Mme C..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition de la SNC Veuve C... et Fils :
2. B... premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment des propositions de rectification du 19 décembre 2013 et du 22 mai 2014 qui ont été notifiées à la société et annexées aux propositions du 20 décembre 2013 et du 26 mai 2014 notifiées à M. C..., que la SNC Veuve C... et Fils disposait d'un système de caisses dont les données étaient produites et enregistrées dans la mémoire de la caisse puis collectées et conservées sur un ordinateur au moyen d'un logiciel de caisse permettant d'éditer des états journaliers ou mensuels faisant notamment apparaître le chiffre d'affaires global, le chiffre d'affaires hors taxes, la ventilation du chiffre d'affaires par taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable ainsi que les règlements selon les différents modes de paiement et que c'est à partir de ces données que le comptable enregistrait les écritures comptables relatives aux recettes de la société. Dans ces conditions, ce logiciel, même s'il n'est pas connecté au logiciel de comptabilité de la société, faisait office de logiciel de caisse et concourait à la formation des résultats comptables. Par suite la comptabilité de la SNC Veuve C... et Fils doit être regardée comme ayant été tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, la circonstance que la société ne disposait pas d'un logiciel comptable et que l'enregistrement des écritures comptables ait été assuré par un cabinet extérieur étant à cet égard sans incidence.
4. En deuxième lieu, le deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. ". Le quatrième alinéa de l'article L. 47 du même livre dispose que : " En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ".
5. Il est constant que la SNC Veuve C... et fils a fait l'objet, le 10 juillet 2013, d'un contrôle inopiné au cours duquel le service a demandé au représentant de la société d'effectuer une sauvegarde des fichiers des bandes de caisse présentes dans le dossier du logiciel de caisse de la société, en les enregistrant sur une clé USB que le service lui a fournie. Ladite clé a ensuite été placée dans une enveloppe scellée remise au représentant de la société, aucune copie de ces données n'ayant été emportée hors de l'entreprise. Ces bandes de caisse, qui justifient du détail des recettes de la société enregistrées en comptabilité, constituent des " documents comptables " entrant dans les prévisions du quatrième alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité, leur présentation sur un support informatisé étant à cet égard sans incidence.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a, par une lettre du 17 juillet 2013, remise en mains propres au gérant de la société, informé celle-ci que les traitements informatiques envisagés consistaient à " s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des ventes et règlements enregistrés ", à " contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ", et à " contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ", et faisait également référence à " tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses. ". Alors même que l'éventualité d'une reconstitution des recettes n'est pas mentionnée dans ce courrier, eu égard aux caractéristiques du système informatisé dont disposait la société, en lui fournissant, à ce stade, de telles indications le vérificateur l'a, en l'espèce, suffisamment informée sur la nature des investigations souhaitées pour lui permettre d'effectuer, en toute connaissance de cause et avec un délai de réflexion de 7 jours qui était suffisant et n'a donné lieu à aucune demande de prolongation, son choix entre les trois options A, B et C prévues par l'article L. 45 A précité du livre des procédures fiscales.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". L'article R. 57-1 du même livre précise que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de l'instruction que les deux propositions de rectification du 19 décembre 2013 et du 22 mai 2014 annexées aux propositions notifiées à M. et Mme C... comportaient une synthèse des constats effectués à partir des traitements informatiques réalisés par l'administration, qu'elles étaient accompagnées d'une annexe décrivant de façon détaillée les traitements informatiques auxquels a procédé l'administration et d'un CD-Rom comportant les fichiers informatiques que l'administration a exploités. Par suite, elles étaient suffisamment motivées.
8. En cinquième lieu aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, cette obligation ne s'imposant à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
9. Si les requérants soutiennent que l'administration se serait nécessairement fondée sur des renseignements obtenus de tiers pour effectuer les traitements informatiques mis en œuvre, sans indiquer à la SNC l'origine et la teneur de ces informations, qui ne se trouvaient pas toutes dans le " Guide sur la procédure de lecture de caisse " communiqué à la société, il résulte de l'instruction que l'administration a fondé ses constatations sur l'analyse des fichiers de la société, notamment pour déterminer la règle d'évolution normale du " compteur général de lignes " des bandes de contrôle des données de caisse, dont elle a donné des exemples d'application dans les tickets reproduits dans les propositions de rectification. Il ne résulte pas de l'instruction, ni du courrier de l'expert informatique du 27 octobre 2014 produit par les requérants, que l'administration, qui pouvait disposer en son sein des compétences pour analyser les fonctionnalités du logiciel utilisé, le vérificateur étant assisté d'un inspecteur A... la cellule de contrôle informatisé de la direction spécialisée du contrôle fiscal d'Ile-de-France Est, aurait nécessairement exercé son droit de communication pour avoir accès aux spécifications techniques et fonctionnelles de ce logiciel ou au code source de celui-ci, ou à tout autre élément obtenu de la société éditant le logiciel de caisse ou d'un tiers. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne leur aurait pas communiqué de telles informations et aurait, ce faisant, méconnu les droits de la défense, les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ainsi que son obligation de loyauté.
10. Enfin, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation d'un texte fiscal par l'administration pour critiquer la régularité de la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
11. Pour contester le rejet de la comptabilité de la SNC Veuve C... et Fils et la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle l'administration a procédé, les requérants reprennent en appel les moyens soulevés en première instance et tirés de ce que le vérificateur aurait écarté à tort comme non probante la comptabilité de la société en se fondant sur l'existence de procédés de dissimulations de recettes non établis, et aurait indûment procédé à la reconstitution de ses recettes au moyen d'une méthode radicalement viciée et trop approximative. Il y a lieu, pour la Cour, d'écarter ces moyens comme non fondés, par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal administratif aux points 9 à 16 de son jugement.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (..) ".
13. Il résulte de ce qui précède que la vérification de comptabilité a mis en évidence une minoration délibérée des recettes de la SNC sur chacun des exercices vérifiés, mise en œuvre par l'utilisation délibérée et récurrente d'un procédé informatique permettant l'annulation de tickets ciblés en fonction du mode d'encaissement. L'administration apporte ainsi la preuve que la société a délibérément modifié un nombre notable de données de caisse au moyen d'un outil informatique, afin de minorer ses recettes et de dissimuler cette omission en donnant toutes les apparences de la sincérité à sa comptabilité pour égarer les pouvoirs de contrôle de l'administration. En faisant état de ces éléments, et de la qualité de gérant de M. D... C..., l'administration justifie que ce dernier a personnellement participé à ces manœuvres frauduleuses et, par suite, du bien-fondé de l'application à M. C... A... la majoration au taux de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2021.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02096