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11/03/2022 | FRANCE | N°20PA02518

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 mars 2022, 20PA02518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer d'une part, l'annulation " pour excès de pouvoir " de la décision du 15 mars 2019 de la direction régionale des finances publiques refusant sa demande en décharge de responsabilité solidaire présentée au titre des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013 avec son ex-époux et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer

résultant de la mise en jeu de sa responsabilité solidaire avec son ex-époux.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer d'une part, l'annulation " pour excès de pouvoir " de la décision du 15 mars 2019 de la direction régionale des finances publiques refusant sa demande en décharge de responsabilité solidaire présentée au titre des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013 avec son ex-époux et, d'autre part, la décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en jeu de sa responsabilité solidaire avec son ex-époux.

Par un jugement n° 1911258 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2020, Mme B..., représentée par Me Cechman, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911258 du 1er juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à hauteur de la décharge prononcée par l'administration le 30 janvier 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête D... B... ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation solidaire au paiement des impositions en cause ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur office en statuant sur l'existence éventuelle d'une fraude fiscale alors même qu'une procédure pénale est en cours ;

- elle remplit les conditions fixées par l'article 1691 bis du code général des impôts dès lors qu'elle n'a commis aucune manœuvre frauduleuse ;

- l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve de telles manœuvres frauduleuses ;

- l'administration a méconnu sa propre doctrine, référencée BOI-CTX-DRS-10-20151014 n° 120.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport D... Boizot,

- les conclusions D... Jimenez, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Fedida, substituant Me Cechman, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ex-épouse A..., a demandé le 22 novembre 2018 sur le fondement de l'article 1691 bis du code général des impôts la décharge de sa responsabilité solidaire s'agissant de l'obligation de payer résultant des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge des époux A... pour les années 2010 à 2013 le 30 novembre 2016 et le 31 mars 2017. Par décision en date du 15 mars 2019, l'administration a refusé de faire droit à cette demande. Mme B... a demandé, devant le tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision précitée et la décharge de l'obligation solidaire au paiement des impositions en cause. Le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à hauteur de la décharge prononcée par l'administration le 30 janvier 2020, à raison des prélèvements sociaux afférents aux revenus autres que ceux propres de la requérante, et a rejeté le surplus de la demande D... B... par un jugement n° 1911258 du 1er juillet 2020 dont elle fait régulièrement appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme B... soutient qu'en estimant qu'il relevait de l'office du juge administratif d'examiner si les manœuvres qui lui sont reprochées étaient caractérisées, les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur office. Cependant, il appartenait au tribunal d'examiner si la décision attaquée était entachée d'inexactitude matérielle, d'erreur de droit ou d'erreur manifeste. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement de première instance serait irrégulier pour ces motifs ne peut être accueilli.

Sur les conclusions en décharge de responsabilité solidaire :

3. Aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune (...) II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé (...) / c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; / d) L'un ou l'autre des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune. / 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. (...) / 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune. / La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement de l'impôt ".

Sur le terrain de la loi fiscale :

4. Les dispositions précitées du II de l'article 1691 bis du code général des impôts créent un droit à décharge de la solidarité au bénéfice des contribuables qui remplissent les conditions qu'elles énoncent. La décision de l'administration à laquelle est présentée la demande de décharge est prise après une appréciation de la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur, rapportée à sa dette fiscale, quelles que soient les impositions qui la composent. S'agissant de la condition relative au 3 de l'article précité, les manœuvres frauduleuses visées sont celles dont le contribuable se rend auteur et destinées à se soustraire au paiement des impositions en cause, soit en organisant son insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manœuvres, au paiement des impositions supplémentaires mises à la charge du foyer fiscal. Il résulte par ailleurs de ces dispositions que le juge, qui exerce son contrôle sur l'appréciation ainsi portée par l'administration sur la situation du contribuable, doit se placer, s'agissant de cette situation, non pas à la date à laquelle il statue, mais à la date à laquelle le contribuable a présenté sa demande de décharge à l'administration et au regard des faits et des pièces justificatives qui ont été invoqués dans cette demande et soumis à cette dernière.

5. Mme B... soutient que c'est à tort que le service, a estimé, pour refuser de prononcer la décharge de solidarité de paiement sollicitée, qu'elle ne satisfaisait pas à la condition tenant à l'absence d'organisation par les contribuables de leur insolvabilité et à l'absence de manœuvres faisant obstacle au paiement de l'impôt.

6. Il résulte de l'instruction que M. A... détenait en 2010 des titres de participation des sociétés Sandro, Storenext et Maje. Le 16 septembre 2010, M. A... et Mme B... ont conclu un accord avec les actionnaires de ces sociétés, convenant d'apporter et de céder l'intégralité de leurs titres à la société SAS SCMP Groupe. A cet effet, le 14 octobre 2010, les époux A... ont créé la société de personnes Iade au capital de 2 euros qu'ils détenaient en intégralité. Le 15 octobre de la même année, M. A... a fait don de 260 actions de la société Sandro aux quatre enfants du couple ainsi qu'à Mme B... et a également apporté, le 25 octobre 2010, 240 titres de la société Maje à la société Iade portant ainsi le capital de cette dernière à 3 417 602 parts sociales d'un euro. Par un acte réitératif et de cession en date du 4 novembre 2010, les titres de la société Maje ont été transférés au profit de la SAS SCMP Groupe, tout comme les 240 titres Maje dont disposait la société Iade ainsi que les 52 titres dont disposaient Mme B... et chacun des quatre enfants du couple échappant ainsi à l'impôt sur la plus-value. Les montants de ces transactions ont été perçus sur cinq comptes bancaires ouverts à cet effet le 26 octobre 2010 au sein de la Banque Neuflize OBC, au nom des quatre enfants et D... B.... En 2012, M. A... a bénéficié de donations de la part de ses enfants (2 600 000 euros) et de son épouse (580 000 euros), permettant à ce dernier de se réapproprier la quasi-totalité du produit de la cession des titres objet de la donation du 15 octobre 2010. Dans ces conditions, Mme B... et M. A... doivent être regardés comme ayant tenté de se soustraire frauduleusement au paiement de l'impôt en réduisant la valeur de leur patrimoine saisissable. En outre, Mme B... a quitté le territoire français dès 2012, ainsi que son ex-époux. Par ailleurs, l'administration fiscale a engagé, après avis favorable de la commission des infractions fiscales du 11 mai 2017, deux plaintes pour fraude fiscale, le 27 juillet 2017 contre M. A... et le 26 février 2018 contre M. A... et Mme B.... Dès lors, c'est à bon droit, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune juridiction pénale n'a condamné la requérante ou son ex-époux du chef de fraude fiscale, que le service a pu considérer que Mme B... et son ex-époux s'étaient frauduleusement soustraits au paiement de l'impôt par manœuvre ou par organisation de leur insolvabilité. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle doit bénéficier du dispositif spécifique de décharge de responsabilité solidaire prévu par les dispositions précitées de l'article 1691 bis du code général des impôts. Sa demande doit, en conséquence être rejetée sans qu'il soit besoin de rechercher s'il existe une disproportion marquée de ses revenus et le montant de la dette fiscale au paiement de laquelle elle est tenue. Enfin, Mme B... n'est pas fondée sur le fondement de l'article 1691 bis du code général des impôts à demander la décharge du paiement solidaire des prélèvements sociaux déjà acquittés.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

7. Enfin, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

8. Le litige portant sur une demande de décharge de l'obligation de paiement d'impositions auxquelles la contribuable est tenue solidairement, il ne peut être regardé comme se rapportant à des rehaussements d'imposition antérieure, au recouvrement de l'impôt ou à des pénalités fiscales. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu sa propre doctrine, référencée

BOI-CTX-DRS-10-20151014, doit être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

10. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par Mme B... devant la Cour sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B... une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête D... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au directeur général des finances publiques (service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal).

Délibéré après l'audience du 7 février 2022 , à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02518
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt. - Solidarité entre époux.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL LAURENCE CECHMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-11;20pa02518 ?
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