Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2006094 du 8 avril 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021 et des pièces complémentaires enregistrées le 11 février 2022, Mme B..., représentée par Me Fratacci, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que, contrairement à la mention portée sur l'arrêté, elle n'a pas été destinataire d'une demande d'informations complémentaires de la part de la Direccte ;
- elle méconnait le principe du contradictoire ;
- elle méconnait les dispositions de l'article de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est senti en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris en date du 21 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née le 11 mars 1973, est entrée en France le 6 septembre 2015. Elle a sollicité, le 10 juillet 2018, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen personnel de sa situation, de l'erreur de droit, de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence, de l'erreur de fait et de la méconnaissance du principe du contradictoire. Elle ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 devenu L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
4. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Mme B... se prévaut d'une résidence stable en France depuis septembre 2015 et de son intégration professionnelle. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée établit avoir occupé un emploi de garde d'enfants à domicile depuis novembre 2015, d'abord à temps partiel, puis à temps complet à partir d'août 2017. Elle justifie également, par la production d'une attestation de concordance d'identité produite par son employeur, avoir travaillé sous une identité d'emprunt jusqu'en juin 2018 puis sous sa propre identité d'août 2019 à octobre 2020. Toutefois, ces éléments ne constituent pas, eu égard notamment à la nature de l'expérience et des qualifications professionnelles de Mme B... ainsi que des caractéristiques de l'emploi concerné, un motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la situation de Mme B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels.
6. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des critères de régularisation prévus par la circulaire NOR INTK1229185 C du 28 novembre 2012 qui est dépourvue de caractère réglementaire et ne comporte pas de lignes directrices dont les administrés pourraient se prévaloir devant le juge administratif.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...).
8. Mme B... n'établit aucune vie familiale en France. Elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses enfants et ses parents, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, si elle occupe un emploi depuis 2015 et justifie de cinq ans de résidence en France, ces circonstances ne sont toutefois pas de nature à démontrer une intégration particulièrement forte dans la société française. Par suite, le préfet du Val-de-Marne a pu, sans méconnaître les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser le titre de séjour sollicité.
9. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 8, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée pour édicter la mesure d'éloignement en litige.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 8 et 9 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une part, et de l'erreur manifeste d'appréciation d'autre part, doivent être écartés.
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :
13. En premier lieu, il résulte des motifs qui précèdent que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ".
15. D'une part, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde le délai de droit commun de trente jours, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point lorsque, comme en l'espèce, l'intéressée n'a présenté aucune demande tendant à bénéficier exceptionnellement d'un délai plus long en faisant état de circonstances particulières. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
16. D'autre part, Mme B..., qui n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, avoir demandé le bénéfice d'un délai supérieur à trente jours, ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation de ce délai. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 mars 2022.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
V.BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04097 2