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24/03/2022 | FRANCE | N°21PA03409

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 mars 2022, 21PA03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juillet 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom de " E... " en " B... ".

Par un jugement n° 1921022/4-1 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin et 16 novembre 2021, M. D... E..., représenté par Me Roussel-F

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1°) d'annuler le jugement n° 1921022/4-1 du 15 avril 2021 du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juillet 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom de " E... " en " B... ".

Par un jugement n° 1921022/4-1 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 juin et 16 novembre 2021, M. D... E..., représenté par Me Roussel-Filippi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1921022/4-1 du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner, le cas échéant par un arrêt avant dire droit, la production du jugement rendu en chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Bastia le 15 août 2016 prononçant condamnation à l'encontre de M. C... E... ou M. C... E... ;

3°) d'annuler la décision du 29 juillet 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice ;

4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner l'Etat, en application de l'article 695 du code de procédure civile, en tous les dépens qui comprendront notamment le droit de plaidoirie dû en application du décret n° 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente modifié par le décret n° 2011-1634 du 23 novembre 2011.

Il soutient que :

- aucun élément ne permet de vérifier que le jugement a été signé conformément aux dispositions de l'article R. 141-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en n'ordonnant pas la communication du jugement du 25 août 2016 du tribunal de grande instance de Bastia ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ;

- ni le jugement ni la décision contestée n'établissent que la condition de nécessité de la mesure de restriction apportée à son droit à changer de nom, prévue par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, était en l'espèce remplie ;

- il justifie d'un intérêt légitime à demander à changer de nom dès lors que :

. le nom qu'il sollicite, B..., est le nom de sa mère sous lequel il a été déclaré à sa naissance, alors que le nom de E... n'est dû qu'à sa reconnaissance par M. E... lors du mariage avec sa mère, ce dernier ne s'étant jamais occupé de lui et ayant même soutenu sa procédure de contestation de paternité ;

. l'usage du nom E... a sur lui des conséquences psychologiques ;

. le nom de E... est susceptible de lui causer des torts dans sa vie professionnelle.

La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 16 décembre 2021.

Un mémoire a été produit par M. E... le 21 février 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E... a sollicité auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, le changement de son nom en " B... ". Par une décision du 29 juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande. M. E... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 modifié : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : /(...) /2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des affaires civiles et du sceau : " La sous-direction du droit civil comprend quatre bureaux : / - le bureau du droit des personnes et de la famille (...) ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le bureau du droit des personnes et de la famille : (...) Le sceau de France est rattaché au bureau du droit des personnes et de la famille. Il (...) prépare les décrets relatifs aux changements de nom (...) ".

5. Mme G... A..., sous-directrice du droit civil au sein de la direction des affaires civiles et du sceau et signataire de la décision attaquée, a été nommée par un arrêté du 7 mai 2018 publié au Journal officiel de la République française le 10 mai suivant puis renouvelée dans ses fonctions pour une durée de deux ans par décret du 6 juin 2019 paru au journal officiel de la République française du 8 juin 2019. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Les stipulations précitées ne font pas obstacle par principe à ce que le législateur apporte des restrictions à la possibilité de changement de nom au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ".

9. Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

10. M. E... fait d'une part valoir qu'il souhaite porter le nom de B... dès lors que le nom E..., qui est celui de l'époux de sa mère qui s'est désintéressé de lui après le divorce de ces derniers, a sur lui des conséquences psychologiques. La circonstance que l'intéressé porte un nom qui ne serait pas celui de son père biologique est à elle seule insuffisante pour caractériser un intérêt légitime, au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, pour qu'il puisse être dérogé aux principes de dévolution et d'immutabilité du nom de famille. Par ailleurs, un motif d'ordre affectif ne suffit à caractériser un intérêt légitime qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Le requérant, déclaré à sa naissance le 10 novembre 1981 sous le nom de sa mère, " B... ", a été reconnu le 28 février 1986 par M. F... E... et légitimé par le mariage de celui-ci avec sa mère le 5 avril 1986. Si ce dernier a déclaré ne pas s'opposer à l'action en désaveu de paternité introduite par le requérant auprès du tribunal de grande instance d'Epinal en 2006 et s'il ressort des attestations de proches et de sa mère qu'il n'a pas souhaité en assurer la garde au moment de leur divorce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait manqué à ses devoirs parentaux. S'agissant des troubles psychologiques qu'il invoque, il ne produit qu'un seul certificat médical postérieur à la décision attaquée.

11. Le requérant soutient d'autre part que le nom E... risque de lui nuire lorsqu'il cherchera du travail auprès de la collectivité territoriale de Corse du fait du risque de confusion avec son cousin germain, Julien E..., pompier volontaire condamné le 25 août 2016 par le tribunal correctionnel de Bastia à 18 mois d'emprisonnement pour un déclenchement d'incendie.

12. Si le requérant reproche aux premiers juges de ne pas avoir mis en œuvre leurs pouvoirs d'instruction pour obtenir communication du jugement de condamnation, rien ne faisait cependant en l'espèce obstacle à ce que, comme il l'a fait en appel, le requérant, sollicite, au moment de l'introduction de sa requête devant le garde des sceaux puis devant le tribunal administratif de Paris, la communication de la copie de ce jugement. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Paris a méconnu ses pouvoirs d'instruction en s'abstenant de diligenter une mesure d'instruction.

13. S'il ressort des mentions du jugement du tribunal correctionnel de Bastia que la personne condamnée porte bien le nom de E..., le risque de confusion allégué par le requérant, ne se fonde que sur des hypothèses d'une recherche d'emploi auprès de la collectivité de Corse, non établies à la date de la décision attaquée.

14. Dès lors que le jugement du tribunal correctionnel de Bastia du 25 août 2016 a été produit, les conclusions tendant à ordonner, le cas échéant par un arrêt avant dire droit, la production du jugement ne peuvent qu'être écartées.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E..., qui ne justifie pas d'un intérêt légitime au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

16. Les conclusions tendant au remboursement du droit de plaidoirie doivent, par ailleurs et en tout état de cause, être rejetées, dès lors que s'il est au nombre des dépens en vertu du 7° de l'article 695 du code de procédure civile, le droit de plaidoirie ne figure pas sur la liste limitative des dépens telle qu'elle résulte de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 21PA03409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03409
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : ROUSSEL CATHERINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-24;21pa03409 ?
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