Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte.
Par un jugement n° 2115413 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021, M. A... représenté par Me Donazar, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, en violation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est illégale faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour dès lors qu'il établit notamment par de nouvelles pièces produites en appel qu'il réside en France depuis plus de 10 ans et qu'il contribue à l'entretien et l'éducation de ses deux enfants ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° et 5° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Donazar, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 6 mai 1976, est entré en France en 2002 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un titre de séjour dont il a sollicité le renouvellement sur le fondement des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 juin 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Il relève appel du jugement du 25 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision litigieuse :
En ce qui concerne la légalité de décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, si M. A... soutient que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, il résulte de cette décision qu'elle mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, sans que le préfet soit tenu de mentionner tous les éléments de fait dont se prévaut le demandeur. Si elle ne mentionne pas le second enfant de M. A..., cette omission n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme insuffisamment motivée dès lors que le préfet y indique, avec suffisamment de précision pour que M. A... puisse utilement le contester, le motif de rejet de la demande de titre de séjour, tiré de ce qu'il ne remplit plus les conditions prévues aux articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne produit aucune pièce justifiant de sa contribution effective et régulière à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Par suite, le moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 dudit code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ".
4. Si M. A... soutient qu'il établit désormais contribuer à l'entretien de ses deux enfants nés en 2014 et 2016 en versant une pension alimentaire, les pièces qu'il produit attestant qu'il verse depuis le mois d'août 2021 une somme de 210 euros en exécution d'un engagement à rembourser sa dette à la CAF et à verser une pension alimentaire, et qui sont en tout état de cause postérieures à la décision litigieuse, ne permettent pas d'établir qu'il remplirait les conditions fixées par les dispositions précitées. En outre, ni la copie des carnets de santé des enfants, ni un courrier non daté présenté comme émanant de son ex-épouse et demandant qu'il reste en France, ne permettent à eux seuls d'établir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de ses enfants.
5. En troisième lieu, si M. A... soutient que le préfet de police aurait dû, préalablement à l'examen de sa demande, saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de cet article que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions de délivrance de plein droit des cartes de séjour citées audit article auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. En l'espèce, M. A..., qui n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ne justifie pas entrer dans le champ des dispositions de l'article
L. 423-7 dont il se prévaut. Le préfet de police n'était donc pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande de carte de séjour. Par ailleurs,
M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il établit résider en France depuis plus de dix ans dans la mesure où il n'a pas sollicité son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'il n'établit pas résider habituellement sur le territoire français depuis dix ans à la date de la décision litigieuse, dès lors qu'il ne produit au titre des années 2011 et 2012 que quelques bulletins de salaires, aucune déclaration de revenus et quelques documents dépourvus de valeur probante. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ne peut donc qu'être écarté.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France où il soutient résider depuis 2002, de la présence de ses frères et sœur, de nationalité française, de celle de ses parents, titulaires d'un titre de séjour et de ses deux enfants de nationalité française. Toutefois, il n'établit pas la continuité de sa présence en France, ni l'existence d'une vie privée et familiale en France dès lors qu'il est divorcé, qu'il n'établit aucunement l'existence de liens avec ses deux enfants avec lesquels il ne réside pas, et que le concubinage dont il se prévaut est postérieur à la décision en litige. Enfin, la circonstance qu'il travaille depuis 2015 et qu'il a bénéficié de plusieurs contrats de travail, ne suffit pas à établir son intégration professionnelle. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé doit être également écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux
ans ; ".
10. En deuxième lieu, si M. A... se prévaut de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4-4° et 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises à l'article L. 611-3 du même code, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 4, qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'il établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dans les conditions prévues à l'alinéa 5 de l'article L. 611-3. D'autre part, il n'est pas davantage fondé à se prévaloir des dispositions des alinéas 3° et 4° de cet article dès lors qu'il n'établit sa résidence régulière en France qu'au titre des années 2018-2020. Ce moyen ne peut qu'être rejeté.
11. En troisième lieu, pour les motifs précédemment énoncés aux points 7 et 8 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A..., ne peuvent qu'être rejetés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.
La présidente-rapporteure,
M. C...L'assesseure la plus ancienne,
M.D. JAYER
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA05977