Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2116870/1-2 du 2 novembre 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 16 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Elachi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), n'a pas fait un examen approfondi de son état de santé ; elle n'a notamment pas été reçue par un médecin dans le cadre de cette procédure ;
- l'arrêté contesté méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2022, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2022 à 10h15.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise, née en 1992, est entrée régulièrement en France le 12 septembre 2017 sous couvert d'un visa de long séjour valable jusqu'au 11 septembre 2018, en qualité d'étudiante. Elle a ensuite été pourvue d'un titre de séjour d'un an en qualité d'étranger malade en février 2019. Le 18 septembre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 16 mars 2021, le préfet de police lui a refusé ce renouvellement de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Paris, lequel par un jugement du 2 novembre 2021, dont elle fait appel, a rejeté sa requête.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 16 mars 2021 du préfet de police :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne résulte pas de ses termes que la situation de Mme A..., au regard de l'objet de sa demande, soit sa prise en charge médicale en France, n'aurait pas fait l'objet d'un examen complet par le préfet de police, qui s'est approprié l'avis émis le 15 janvier 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont il mentionne la teneur. Au demeurant, le préfet n'avait pas à mentionner les informations existantes sur la disponibilité des traitements appropriés à l'état de santé de Mme A... au Cameroun. La décision contestée mentionne également la situation de Mme A... à l'égard de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle doivent donc être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. (...) ". Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 313-22 du même code: " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé dispose que : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. (...) ". L'article 3 de cet arrêté dispose que : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 4 de ce même arrêté : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. (...) Le complément d'information peut être également demandé auprès du médecin de l'office ayant rédigé le rapport médical. (...) Le collège peut convoquer le demandeur. Dans ce cas, le demandeur peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix. (...) Le collège peut faire procéder à des examens complémentaires. (...) ".
4. Si Mme A... soutient qu'elle n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi de son état de santé par le collège de médecins de l'OFII, n'ayant pas été reçue par un médecin de cet office, il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, que la faculté, pour l'auteur du rapport médical préalable ou pour les membres du collège, de procéder à une convocation du demandeur ainsi qu'à des vérifications complémentaires, ne présente pas un caractère obligatoire. Ainsi, nonobstant la circonstance qu'elle n'a pas été convoquée pour un examen par un médecin de l'OFII, le collège des médecins de cet office a été suffisamment informé de son état de santé.
5. En troisième lieu, il ressort de l'avis émis le 15 janvier 2021 par le collège de médecins de l'OFII, qu'il a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Cameroun. Il est constant que Mme A..., souffre depuis son enfance d'un kératocône des deux yeux, pour lequel elle a été opérée au Cameroun en 2011, puis au décours de ses études en France, le 25 octobre 2019 au Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts et le 5 décembre 2019, pour une reprise chirurgicale, restant hospitalisée jusqu'en février 2020. Si Mme A... verse au dossier le compte-rendu de l'opération de greffe de cornée de l'œil gauche, qu'elle a subie le 25 octobre 2019, ainsi qu'un compte-rendu d'hospitalisation du 11 février 2020 dans le cadre des suites de cette greffe, aucun élément n'y est indiqué relativement à l'absence alléguée de soins appropriés au Cameroun. Au demeurant, le compte-rendu d'hospitalisation du 11 février 2020 relate que sa première intervention dans ce pays à l'âge de 20 ans a stabilisé la maladie, et le certificat du 15 janvier 2015 du " Presbyterian Eye Services " de Bafoussam relatant l'opération qui y a été effectuée en 2011 fait également état de la stabilité de la maladie en décembre 2014, et invite Mme A... à s'y faire suivre tous les trois mois. Si elle soutient qu'elle aura besoin à l'avenir d'une greffe de cornée pour son œil droit et produit un certificat établi le 11 octobre 2021 de cette même clinique de Bafoussam, indiquant qu'une transplantation de la cornée n'est pas faisable au Cameroun, cette seule attestation ne suffit pas à démontrer que ces affirmations sont fondées. Les éléments produits par Mme A... ne suffisent donc pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII du 15 janvier 2021. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de police en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées alors en vigueur du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2021 du préfet de police. Par suite ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06096