Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2007460 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 25 mai et 12 juin 2021 sous le n° 21PA02839 Mme C... D..., représentée par Me Mafoua-Badinga, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007460 du 9 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 11 de la convention conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la circulation et au séjour des personnes, signée à Brazzaville le 31 juillet 1993 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du même code ;
- elle méconnaît les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a produit aucune observation.
Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
II. Par ordonnance de renvoi n°21VE01373 du 25 mai 2021, enregistrée à la cour administrative d'appel de Paris le jour même sous le n° 21PA02915, la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour la requête, enregistrée le 17 mai 2021, par laquelle Mme C... D... demande d'annuler le jugement n° 2007460 du 9 avril 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République du Congo Brazzaville relative à la circulation et au séjour des personnes du 31 juillet 1993 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante congolaise (République du Congo) née le 11 octobre 1964, a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour, enregistrée le 3 avril 2015. Par arrêté du 21 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme C... D... fait appel du jugement du 9 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur la requête n° 21PA02915 :
2. Les deux requêtes n° 21PA02839 et 21PA02915 de Mme C... D... sont dirigées contre le même jugement et comportent des conclusions et des moyens identiques, la requête n° 21PA02915 constituant en réalité le doublon de la requête n° 21PA02839. Il y a lieu, en conséquence, de radier la requête n° 21PA02915 des registres du greffe et de verser les productions des parties enregistrées sous ce numéro au dossier de la requête enregistrée sous le n° 21PA02839.
Sur la requête n° 21PA02839 :
3. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 24 juin 2019, que si l'état de santé de Mme C... D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié et pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Pour contester cet avis, la requérante produit deux certificats médicaux des 4 mai et 13 août 2015, établis par deux praticiens du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois, selon lesquels Mme C... D... souffre d'un état dépressif franc, caractérisé et majeur réactionnel à une lombosciatique hyperalgique non déficitaire ainsi que d'un état de stress chronique post-traumatique et de troubles anxieux avec agoraphobie. Les praticiens soulignent que son état de santé nécessite un suivi au long cours et qu'une hospitalisation est prévue en cas d'absence d'amélioration de son état mental. La requérante produit également un compte rendu d'hospitalisation en date du 25 septembre 2015 mentionnant qu'elle a été hospitalisée pour une hémiparésie droite d'apparition brutale liée à une hypertension mal contrôlée et précisant qu'elle souffre également d'une hépatite C. Elle communique, enfin, une ordonnance en date du 19 décembre 2020, postérieure à la date de l'arrêté attaqué, qui permet uniquement de confirmer qu'elle est suivie pour plusieurs affections de longue durée reconnues (dépression majeure, problèmes de tension artérielle et cardiaques) et qui détaille le traitement médicamenteux suivi composé d'un antidépresseur (rilménidine), de bétabloquants (bétaxolol chlorhydrate), d'antihypertenseurs (urapidil, nicardipine chlorhydrate), et de diurétiques (hydrochlorothiazide et fénotérol bromhydrate) pour traiter les syndromes obstructifs des voies aériennes. Si la requérante soutient que son traitement n'est pas accessible en République démocratique du Congo, en raison notamment de la disponibilité ou du coût des médicaments qui lui sont actuellement prescrits, ni les certificats médicaux ou comptes-rendus produits au dossier par Mme C... D..., qui se bornent à mentionner sa pathologie et la nécessité d'un suivi médical sans se prononcer sur la disponibilité des molécules ou médicaments en cause dans son pays d'origine, ni davantage les indications de l'intéressée sur le prix en République du Congo (RDC) des médicaments qui lui sont nécessaires, ne permettent d'établir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier en RDC d'un traitement approprié à sa pathologie, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que certains documents mentionnent son nom d'état-civil et non son nom marital. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il est constant que Mme C... D... a conclu plusieurs contrats à durée déterminée à temps partiel pour la période comprise entre le 16 janvier 2018 et le 13 mai 2019 en qualité d'agent de service et d'entretien et deux contrats de travail à durée indéterminée le 26 décembre 2017 ainsi que, en dernier lieu, un contrat à durée indéterminée à temps partiel le 2 juin 2019 en qualité d'assistante de vie après avoir obtenu un certificat d'auxiliaire de vie le 23 mai 2017. Si ces éléments démontrent, comme elle le soutient, un effort pour son intégration professionnelle afin de subvenir à ses besoins, ils ne sont pas de nature à traduire des considérations humanitaires ou des circonstances exceptionnelles. Par ailleurs, si la requérante se prévaut également de la durée de son séjour en France, soit pendant un peu plus de cinq ans sans toutefois le démontrer, à la supposer même établie, cette circonstance ne constitue pas une circonstance exceptionnelle au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en refusant de le faire bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En troisième lieu, Mme C... D... fait valoir que, résidant en France depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté contesté et justifiant d'un contrat de travail et d'une ancienneté de travail de plus de huit mois, elle remplit les conditions énoncées par la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, en vue de la régularisation de sa situation au regard du droit au séjour. Toutefois, cette circulaire n'a pas été publiée sur le site mentionné à l'article R. 312-10 du code des relations entre le public et l'administration. Si elle a fait l'objet d'une mise en ligne sur le site Légifrance le 1er avril 2019, elle ne figure toutefois pas parmi la liste des documents opposables. Sa publication ne comporte ainsi aucune date de déclaration d'opposabilité. Dès lors, la requérante ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire qui ne comporte, d'ailleurs, que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. En conséquence, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... D... qui est veuve, ne justifie pas, alors même qu'elle exerce une activité professionnelle, d'une insertion particulière dans la société française. La durée de son séjour en France n'est pas établie. En outre, si elle se prévaut de la présence en France de sa famille, elle ne l'établit pas. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette décision. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que Mme C... D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la convention franco-congolaise signée le 31 juillet 1993 susvisée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 11 de cette convention est inopérant et ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision obligeant Mme C... D... à quitter le territoire, et de celle fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite, doivent être écartés.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... D... enregistrée sous le n° 21PA02915 est rayée des registres de la Cour et rattachée à celle enregistrée sous le n° 21PA02839.
Article 2 : La requête de Mme C... D... enregistrée sous le n° 21PA02839 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.
Le rapporteur,
S. B...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 21PA02839 et 21PA02915