Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2114088 du 19 octobre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Garcia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114088 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des décisions contestées dans leur ensemble :
- elles méconnaissent son droit d'être entendu et le caractère contradictoire de la procédure préalable ;
- elles méconnaissent son droit d'être assisté par un avocat ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors que le risque objectif de fuite n'est pas établi ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors que les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont plus restrictives que celles fixées par la directive.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne, ensemble la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais né en octobre 1978, est entré en France en janvier 2010 selon ses déclarations. Par un arrêté du 12 octobre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. M. B... relève du jugement du 19 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions contestées prises dans leur ensemble :
2. En premier lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui est une composante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, assortie d'une décision de refus d'un délai de départ volontaire et d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal établi par les services de police, que M. B... a été entendu le 12 octobre 2021 sur sa situation administrative et familiale et a été mis en mesure de présenter des observations préalablement aux mesures prises à son encontre. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu et du caractère contradictoire de la procédure préalable doit être écarté.
3. En second lieu, si M. B... soutient qu'il a été privé du droit d'être assisté par un avocat durant la procédure de vérification de son droit au séjour, il ne justifie pas, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité l'assistance d'un avocat, ni que cette assistance lui aurait été refusée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et décrit, en particulier, le parcours individuel et administratif du requérant ainsi que les éléments d'ordre personnel susceptibles de faire obstacle à la mesure d'éloignement envisagée à son égard. Elle comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen doivent être écartés.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B... se prévaut de ses efforts d'intégration, notamment par le travail. Toutefois il ne justifie pas d'une insertion professionnelle significative en se bornant à produire un contrat de travail et quelques bulletins de paie pour un emploi d'agent d'entretien. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il est présent en France depuis 2010, les pièces qu'il produit, y compris à hauteur d'appel, sont insuffisantes pour établir l'ancienneté de son séjour sur le territoire français. Enfin, l'intéressé est célibataire, sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches au Sénégal où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 32 ans. Par suite, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
7. D'une part, aux termes de l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : / (...) 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette directive : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. / (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ".
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
9. Il ressort des pièces du dossier et des mentions de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire au motif notamment qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il était entré irrégulièrement en France et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il avait déclaré son intention de rester en France, qu'il avait falsifié, contrefait ou fait usage d'un titre de séjour à un autre nom que le sien et qu'il n'établissait pas résider à son lieu de résidence de façon stable et effective. L'intéressé se trouvait ainsi dans les cas prévus au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'aux 1°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 612-3 permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire. Aucune circonstance particulière de nature à remettre en cause ce risque de fuite n'a en outre été invoquée par M. B.... Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement refuser à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Si M. B... soutient que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ses allégations d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. D'une part, aux termes de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. Les décisions de retour sont assorties d'une interdiction d'entrée : / a) si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire, ou / b) si l'obligation de retour n'a pas été respectée. / Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d'une interdiction d'entrée. / 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe (...). ".
12. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écartée.
14. En deuxième lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. B... vise notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris en compte, au vu de la situation de M. B..., l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressé ne justifie pas de l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France et qu'il représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée.
15. En troisième lieu, les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions précitées de l'article 11 de la directive du 16 décembre 2008. Ils respectent, contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions de cette directive selon lesquelles d'autres facteurs que le seul séjour irrégulier doivent être pris en compte. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté.
16. En dernier lieu, M. B... qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français en se bornant à faire valoir que celle-ci méconnaitrait sa vie familiale. En fixant à trente-six mois la durée de cette interdiction, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu notamment des motifs exposés au point 6.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.
Le rapporteur,
S. C...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06091 2