Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet de police a retiré sa carte de séjour temporaire, valable du 26 avril 2018 au 25 avril 2019 et son récépissé de demande de carte de séjour, valable du 26 avril 2019 au 6 juin 2019, et a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.
Par un jugement nos 2021009, 2100596 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Meriau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 2021009, 2100596 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il porte sur ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet de police a retiré sa carte de séjour temporaire et son récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour, et a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle de deux ans ou, à défaut, une carte de séjour temporaire d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer un récépissé de demande de renouvellement de carte de séjour avec autorisation de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet de police n'établit pas l'existence de la fraude dont il se prévaut ;
- la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de droit en s'abstenant d'analyser sa situation au regard du respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de son enfant ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-17 et L. 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le décret n° 2019-141 du 27 février 2019 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 10 janvier 1984, qui a obtenu une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions alors codifiées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 26 avril 2018 au 25 avril 2019, a sollicité, le 6 juin 2019, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des mêmes dispositions. Par un arrêté du 9 octobre 2020, le préfet de police a, d'une part, procédé au retrait de la carte de séjour temporaire attribué à Mme B... au titre de la période comprise entre le 26 avril 2018 et le 25 avril 2019, et du récépissé de demande de carte de séjour valable du 26 avril 2019 au 6 juin 2019, et d'autre part, a rejeté sa demande de renouvellement de carte de séjour. Mme B... relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de retrait de la carte de séjour délivrée à Mme B... au titre de la période comprise entre le 26 avril 2018 et le 25 avril 2019 et du récépissé de demande de carte de carte de séjour valable du 26 avril 2019 au 6 juin 2019 :
2. Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du courrier du 8 septembre 2020, cosigné par Mme B... et par une coordinatrice juridique de l'association Ordre de Malte France, que l'intéressée a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour valable du 26 avril 2018 au 25 avril 2019, un passeport n° A00526231, mentionnant une période de validité comprise entre le 13 février 2018 et le 12 février 2023, qu'elle a obtenu, ainsi qu'elle l'a indiqué elle-même dans ses écritures, non par l'intermédiaire des services de l'ambassade du Nigéria en France, mais en s'adressant à une personne " susceptible d'éditer son passeport ", après paiement d'une somme d'argent, par le biais de sa sœur vivant au Nigéria. Par ailleurs, le préfet de police fait valoir qu'il résulte de la vérification de la régularité du passeport de Mme B..., réalisée par le moyen du logiciel " COMBO ", que la véritable identité de la titulaire du passeport produit par Mme B... est celle d'une autre ressortissante nigériane. Si elle soutient qu'elle n'avait pas d'intérêt à produire un faux passeport, Mme B..., qui admet elle-même les circonstances dans lesquelles elle a obtenu le passeport litigieux, ne pouvait ignorer son caractère frauduleux. Si Mme B... soutient également que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyait, en ses dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2, que l'étranger qui demande la délivrance d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil, sans qu'il soit précisé qu'un passeport doit être fourni, il n'est pas contesté qu'elle a produit le passeport regardé comme frauduleux dans le cadre de sa demande. Dès lors, c'est à bon droit que le préfet de police a estimé qu'elle avait obtenu le titre de séjour valable entre le 26 avril 2018 et le 25 avril 2019 par fraude. A cet égard, la circonstance que le préfet de police n'avait pas opposé cette fraude lors de la délivrance de ce titre de séjour ne faisait pas obstacle à ce qu'il se prévale ultérieurement d'une telle fraude, comme il l'a fait en l'espèce par l'arrêté contesté. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dont les dispositions sont reprises aux articles L. 423-7 et L. 423-8 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant [...] ". Il résulte des dispositions combinées du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 et du I de l'article 52 du décret du 27 février 2019 pris pour son application que les dispositions citées ci-dessus s'appliquent aux demandes postérieures au 1er mars 2019.
5. Mme B..., qui soutient qu'elle est la mère d'un enfant français, prénommé Segun, né le 27 avril 2013 à Paris, reconnaît elle-même dans ses écritures ne plus entretenir de relations avec le père de cet enfant et ne pas pouvoir, pour ce motif, solliciter de sa part une contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Si la requérante se prévaut d'avoir accompli les diligences nécessaires auprès du juge aux affaires familiales afin de fixer les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et être dans l'attente de l'intervention d'une décision de justice, ces circonstances ne permettent pas d'établir que le père de son enfant contribuait à son entretien et à son éducation à la date de la décision attaquée. Ainsi, c'est à bon droit que le préfet de police a estimé que Mme B... n'établissait pas que le père de son enfant contribuait à son entretien et à son éducation.
6. Toutefois, Mme B... soutient que le préfet de police aurait dû, en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, examiner son droit au séjour au regard de l'intérêt supérieur de son enfant. Si le préfet de police fait valoir, dans ses écritures en défense, que l'enfant Segun ne serait pas celui de Mme B..., celle-ci a produit l'acte de naissance de cet enfant, sur lequel son nom est mentionné, l'acte de reconnaissance de cet enfant, daté du 18 février 2013, le formulaire qu'elle a adressé, le 21 octobre 2019, au juge aux affaires familiales, afin de fixer les modalités d'exerce de l'autorité parentale, ainsi qu'une convocation devant le juge aux affaires familiales, le 13 octobre 2020. La seule circonstance que Mme B... a produit un passeport obtenu frauduleusement ne saurait remettre en cause le lien de parenté avec cet enfant, que le préfet de police avait d'ailleurs admis dans les motifs de l'arrêté contesté. Or, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier, que le préfet de police aurait examiné le droit au séjour de Mme B... au regard de l'intérêt supérieur de son enfant français, alors que l'intéressée avait évoqué la situation de cet enfant dans son courrier du 8 septembre 2020, adressé à la préfecture de police, mentionnant en particulier sa scolarisation en CE1 ainsi que ses démarches auprès du juge aux affaires familiales. Ainsi, la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour est entachée d'illégalité et doit être annulée.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés au soutien des conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de statuer à nouveau sur la situation de Mme B... après avoir examiné son droit au séjour, notamment au regard de l'intérêt supérieur de son enfant de nationalité française, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 2021009, 2100596 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant seulement qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2020 du préfet de police rejetant sa demande de renouvellement de de titre de séjour.
Article 2 : La décision du préfet de police du 9 octobre 2020 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
K. C...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04996 2