Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1712354 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer à concurrence, au titre de l'année 2010, du dégrèvement de la totalité des impositions supplémentaires et pénalités mises à leur charge, et, au titre de l'année 2011, du dégrèvement, d'un montant total, de 9 263 euros, en droits et pénalités, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance, et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 janvier 2020, le 24 juillet 2020 et le 11 mai 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Siriez puis par Me Modicom, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712354 du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il leur est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration fiscale aurait dû notifier une proposition de rectification à la SCI Sorm ;
- l'administration a ce faisant méconnu la doctrine référencée D. adm 13 L-1513 n° 24, 1-7-2002, BOI-CF-IOR-10-30 ;
- un contrôle préalable de la SCI Sorm était nécessaire ;
- la SCI Sorm a été privée des garanties de la procédure contradictoire ;
- la proposition de rectification du 14 février 2014 n'est pas suffisamment motivée ;
- l'administration a méconnu le délai de reprise dès lors qu'elle leur a adressé la proposition de rectification, au lieu de l'adresser à la SCI Sorm ;
- la compensation ne saurait en l'espèce être admise dès lors que le crédit inscrit sur leur compte courant d'associé a été constaté par l'administration dès la vérification de comptabilité de la société Cassagnon ;
- l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- les sommes en cause ne pouvaient être imposées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- ils n'ont pu disposer des sommes en cause en raison des agissements d'un des autres associés et de l'état de trésorerie de la société.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juin 2020 et le 22 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme C... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... possédait, aux côtés de son épouse et de ses deux enfants, la totalité des parts de la SCI Sorm, laquelle détenait 16,665 % du capital de la société Cassagnon, société à responsabilité limitée exerçant une activité de lotisseur qui a, le 10 octobre 2003, opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes sur le fondement de l'article 239 bis AA du code général des impôts. À l'issue de la vérification de comptabilité de la société Cassagnon, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette option et a soumis à l'impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés par la société au titre des exercices clos en 2010 et 2011. Elle a également estimé que ces bénéfices devaient être regardés comme des revenus distribués entre les mains des associés. Elle a donc mis à la charge de M. et Mme C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à raison de la quote-part de 16,665 % détenu par la SCI Sorm dans le capital de la société Cassagnon, ainsi que les pénalités correspondantes. M. et Mme C... ont demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Paris. Par deux décisions du 1er février 2018, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a procédé au dégrèvement de la totalité des impositions supplémentaires et pénalités mises à la charge de M. et Mme C... au titre de l'année 2010, et d'une partie des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'année 2011. Par un jugement du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer portant sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, à concurrence de ce dégrèvement, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de leurs conclusions en décharge. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il leur est défavorable.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ".
3. En vertu des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, l'administration peut à tout moment de la procédure demander la compensation entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées au cours de l'instruction dans l'assiette ou le calcul de l'imposition contestée.
4 Il résulte de l'instruction que l'administration a imposé, dans la proposition de rectification du 14 février 2014, la quote-part du bénéfice de la société Cassagnon revenant à la SCI Sorm au titre de l'année 2011, à concurrence de la quote-part détenue par cette SCI dans le capital de la société Cassagnon, à savoir 46 044 euros, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Dans le mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 31 juillet 2017, l'administration fiscale a indiqué qu'elle procédait à une compensation, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, entre les droits et pénalités résultant de ces distributions, au titre de l'année 2011, qu'elle a abandonnés, et les droits et pénalités dus par M. et Mme C..., selon elle, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 au titre des sommes créditées le 1er janvier 2011 sur le compte courant d'associés des requérants dans les écritures de la société Cassagnon, soit 42 688 euros. Or, l'administration fiscale, qui disposait, à la suite de la vérification de comptabilité de la société Cassagnon, de l'ensemble des éléments propres à lui permettre de constater cette écriture de crédit de 42 688 euros, et qui a elle-même indiqué, dans ses écritures de première instance, qu'elle a constaté cette écriture dans le cadre de ce contrôle, soit avant que M. et Mme C... n'introduisent leur action contentieuse, ne l'a alors pas imposée. Par suite, la non-imposition de cette somme doit être regardée comme résultant d'une volonté délibérée de l'administration exprimée antérieurement à la réclamation contentieuse et ne peut donc être regardée comme une insuffisance ou omission constatée au cours de l'instruction de celle-ci. Par suite, l'administration fiscale n'était pas fondée à effectuer la compensation entre l'insuffisance résultant du défaut d'imposition, au titre de l'année 2011, de la somme de 42 688 euros, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et le dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 à la suite de l'abandon de la taxation de la somme de 46 044 euros, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurées à leur charge au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions de M. et Mme C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1712354 du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurées à leur charge au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2022.
Le rapporteur,
K. B... La présidente,
H. VINOT La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00123 2