Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 16 avril 2021 par lesquels le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et d'autre part, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2105324 du 30 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Dodier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105324 du 30 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 16 avril 2021;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle a été prise sans respect du principe du contradictoire en méconnaissance de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la menace qu'il constituerait pour l'ordre public ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Dodier, avocate de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 27 août 1992, est entré en France en octobre 2015 selon ses déclarations. Il a été interpellé le 16 avril 2021 par les services de police pour vol en réunion et n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français ou de son droit au séjour. Par deux arrêtés du 16 avril 2021, le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans lui octroyer de délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par jugement du 30 juin 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites en appel, que M. C... est marié avec une ressortissante française depuis le 26 avril 2019, la communauté de vie ayant débuté en 2018, soit depuis un peu moins de trois ans à la date de la décision attaquée. M. C... justifie par ailleurs exercer une activité professionnelle de coursier en qualité d'auto-entrepreneur régulièrement enregistrée. Le préfet de police indique dans son mémoire d'appel que M. C... a fait l'objet d'une " interdiction judiciaire du territoire " sous le nom de D... E... mais le rapport édité le 14 avril 2021 qu'il produit en annexe de son mémoire en défense mentionne seulement que cet étranger a été " signalé " pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants. Par ailleurs, et en admettant même que M. C... ait été connu des services de police sous d'autres identités, il a fait l'objet d'une unique condamnation pénale à trois mois d'emprisonnement pour vol, qui ne suffit pas à faire regarder sa présence en France comme constituant une menace pour l'ordre public. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. C... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, des décisions fixant le pays de destination pour son éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, qui en procèdent.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. C.... Il incombe en revanche au préfet territorialement compétent, en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer à nouveau sur le cas de M. C..., ainsi que de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu en conséquence, sous réserve d'un changement de domicile de M. C..., de prescrire au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de la somme de 1 500 euros à verser à M. C..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105324 du 30 juin 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et les arrêtés du préfet de police du 16 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au préfet de police, au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2022.
La rapporteure,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04172 2