Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2117063 du 17 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, et des pièces produites le 2 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Masilu, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 17 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a méconnu son office et entaché son jugement d'irrégularité en se fondant, pour rejeter ses moyens, sur des arguments qui n'étaient pas soulevés en défense ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait dès lors notamment que ne mentionne pas le PACS qu'il a conclu avec un ressortissant français ;
- le défaut de mention de ce PACS révèle également un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- pour le même motif la décision est entachée d'erreur de fait quant à sa situation personnelle ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la circulaire du 30 octobre 2004 dès lors qu'il justifie de plus d'une année de vie commune avec son compagnon, de nationalité française, qu'un retour dans son pays romprait cette communauté de vie, que son orientation sexuelle, mal acceptée au Nigéria, rendrait impossible la poursuite de sa vie privée et familiale dans son pays, que sa famille au Nigéria n'accepte pas son orientation sexuelle et qu'il parle et comprend la langue française ;
- pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est également entachée d'erreur de fait car en raison de son homosexualité il est exposé dans son pays à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision a également été prise sans examen sérieux de sa situation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui s'est, à tort, cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- cette décision est également entachée d'erreur de droit.
Par mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le préfet de police conclut au rejet de cette requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Masilu pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité nigériane, né le 13 avril 1981, est entré en France le 13 décembre 2018, muni d'un visa C valable du 26 novembre au 26 décembre 2018. Il a sollicité le bénéfice de l'asile mais cette demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 février 2019, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 août 2019. Il a sollicité le réexamen de sa demande, mais cette demande a, à son tour, été rejetée, par décision de l'OFPRA du 9 juin 2020 dont il a saisi la CNDA. Alors, qu'il entendait solliciter la régularisation de sa situation administrative en se prévalant d'une communauté de vie depuis mars 2020 avec un ressortissant français rencontré l'année précédente sur un site de rencontres, il a fait l'objet, le 30 novembre 2021, d'un contrôle d'identité à la suite duquel le préfet de police, par arrêté du même jour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Il a dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande d'annulation de cet arrêté, mais cette demande a été rejetée par jugement du 17 février 2022 dont il interjette appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Si, à l'exception des moyens d'ordre public qu'il lui incombe de soulever d'office, le juge administratif doit statuer sur les conclusions d'une demande au vu des seuls moyens soulevés devant lui, il lui appartient, pour répondre à chacun de ces moyens, de forger sa conviction au vu de l'ensemble des faits et des pièces qui lui sont soumis et en se livrant à sa propre appréciation sur ceux-ci, sans avoir à se limiter aux observations produites par les différentes parties. Ainsi, si M. B... fait valoir que le préfet de police, dans ses écritures en défense devant les premiers juges, n'avait pas invoqué le caractère récent de son pacte civil de solidarité, ni son absence d'intégration socio-professionnelle, et n'avait pas répondu à son moyen sur les risques personnels encourus en cas de retour dans son pays d'origine, c'est sans méconnaitre la portée de son office, et sans entacher son jugement d'irrégularité, que le tribunal, en se fondant sur les pièces qui lui étaient soumises, a évoqué ces différents éléments pour répondre aux moyens soulevés devant lui. Au surplus, et dès lors qu'il est tenu de répondre à l'ensemble des moyens soulevés devant lui, le tribunal devait répondre à celui relatif aux risques allégués en cas de retour du requérant dans son pays d'origine, et ce même en l'absence d'observations du représentant de l'Etat sur ce point.
3. Par ailleurs, à supposer que le requérant ait entendu invoquer l'insuffisance de motivation du jugement attaqué en ce que, comme la décision querellée, il n'aurait pas fait état du pacte civil de solidarité qu'il a conclu avec un ressortissant de nationalité française, il ressort des termes même dudit jugement que les premiers juges ont mentionné ses allégations sur sa vie commune depuis mars 2020 avec son compagnon, dont la nationalité française est expressément indiquée, et qu'ils ont fait état de ce pacte de civil de solidarité en indiquant très précisément qu'il a été conclu le 10 septembre 2020, avant d'en déduire que cette circonstance, très récente, ne permettrait pas de démontrer qu'il aurait effectivement fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal, qui a bien répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant lui, ne se serait pas prononcé sur ce point, ou aurait entaché son jugement d'insuffisance de motivation, manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. Si la décision obligeant un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, elle n'a pas pour autant à faire mention de l'ensemble des éléments avancés par l'intéressé. Or, il ressort de l'arrêté querellé, dont il n'est pas contesté qu'il est suffisamment motivé en droit, qu'il rappelle toutes les démarches entreprises par M. B... auprès de l'OFPRA et de la CNDA, indique que l'intéressé n'est pas titulaire d'un titre de séjour ou d'un document provisoire et ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, avant de retenir que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, et qu'il n'établit pas par ailleurs être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, alors même qu'il ne fait pas état du pacte civil de solidarité conclu par le requérant avec un ressortissant français le 10 septembre 2020, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en fait. Par ailleurs le seul défaut de mention de cette union civile, alors que la décision litigieuse décrit notamment toutes les démarches du requérant et son absence de titre de séjour valide, ne permet pas d'établir que le représentant de l'Etat n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.
5. De plus, il ne ressort pas des termes de l'arrêté querellé que le préfet de police n'aurait pas mentionné ce pacte civil de solidarité en raison d'une " erreur de fait " comme le soutient le requérant, mais il en ressort seulement qu'il ne l'a pas jugé suffisant pour considérer que l'obligation de quitter le territoire porterait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, en l'absence de toutes autres attaches en France.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il résulte des pièces versées au dossier que M. B... n'établit ni même n'allègue avoir d'autres attaches familiales ou personnelles en France que son compagnon, ressortissant français rencontré sur un site de rencontre en 2019, avec qui il indique vivre depuis mars 2020, et avec qui il a conclu un pacte civil de solidarité le 10 septembre 2020, soit quatorze mois seulement avant l'intervention de la décision attaquée. Et s'il fait état de ce qu'une communauté de vie d'une année suffirait pour justifier de l'intensité des liens des deux signataires d'un pacte civil de solidarité, en se fondant sur la circulaire NOR INTD0400134C adressée aux préfets le 30 octobre 2004 par le ministre chargé de l'intérieur, qui a pour objet les " conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ", cette circulaire, qui est dépourvue de caractère règlementaire et se borne à fixer des orientations générales, ne peut être utilement invoquée. Par ailleurs, il est constant que M. B... n'avait pas, à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, d'activité professionnelle ni ne justifie d'aucun élément de nature à établir son intégration en France, où il ne vit d'ailleurs que depuis le mois de décembre 2018. Dès lors, la seule circonstance qu'il ait conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français quatorze mois avant l'intervention de la décision attaquée ne suffit pas, en l'absence de tout autre élément, à établir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, et ce quelles que soient les difficultés qu'il allègue rencontrer avec sa famille demeurée dans son pays d'origine en raison de ses orientations sexuelles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, de même que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait la décision contestée.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tel qu'issu de l'ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020 : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. Si le requérant fait valoir que l'administration n'était pas liée par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, il était néanmoins possible à celle-ci, de même qu'aux premiers juges, de prendre en compte ces décisions pour déterminer s'il était exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Or, la demande d'asile présentée par l'intéressé a été rejetée à deux reprises par l'OFPRA, dans ses décisions des 26 février 2019 et 9 juin 2020, et par la CNDA dans sa décision du 30 août 2019. De plus, ces décisions se fondent sur des contradictions, incohérences ou invraisemblances sur lesquelles il ne s'explique pas davantage devant le tribunal et la Cour. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en fixant le Nigéria comme pays de destination, de même que ceux tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés, ainsi que l'a, à juste titre, jugé le tribunal sans se croire lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA et en procédant au contrôle qui lui incombait.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.
La rapporteure,
M-I. D...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22PA01258