Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Le Nickel-SLN a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la restitution de la taxe de solidarité sur les services acquittée sur les intérêts payés au titre du prêt consenti par l'Etat pour le quatrième trimestre 2017 et les trois premiers trimestres 2018, soit la somme de 35 799 520 francs CFP.
Par un jugement n° 2000297 du 17 mai 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 18 juillet et 28 septembre 2021, la société Le Nickel-SLN, représentée par Me Fabien Chambarlhac, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la décision du directeur des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie du 30 juillet 2020 en ce qu'elle a rejeté partiellement sa demande tendant à la restitution de la taxe de solidarité sur les services autoliquidée sur les intérêts du prêt consenti par l'Etat pour la période antérieure au 1er octobre 2018, et d'ordonner au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de procéder à la restitution de la somme litigieuse augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête introductive d'instance, soit le 29 septembre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Le Nickel-SLN soutient que :
- l'Etat a agi en tant qu'autorité publique investie d'une mission d'intérêt général, compte tenu de l'objet du prêt, de ses conditions de tirage, des clauses de résiliation, des taux du prêt et de la situation de la société ;
- le prêt n'a pas provoqué de distorsion des conditions de concurrence ;
- il convient de transposer les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée en métropole ;
- la prise en compte de la notion d'autorité publique ne s'impose pas.
Par des mémoires en défense enregistrés les 20 janvier et 18 mars 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Buk Lament-Robillot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Le Nickel-SLN le versement d'une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la société Le Nickel-SLN ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Afin de faire face aux difficultés financières créées par la chute du cours du nickel, la société Le Nickel-SLN a emprunté à l'Etat la somme de 200 millions d'euros par contrat du 20 juillet 2016. En qualité de preneur professionnel du prêt établi en Nouvelle-Calédonie, elle a acquitté, par voie d'autoliquidation, la taxe de solidarité sur les services afférente aux intérêts facturés par l'Agence des participations de l'Etat, en application de l'article Lp. 918 B du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Par réclamation du 14 mai 2020, elle a demandé le remboursement de la taxe acquittée au titre des années 2017, 2018 et 2019. L'administration fiscale a partiellement fait droit à sa demande, s'agissant de la taxe versée après le 1er octobre 2018. La société Le Nickel-SLN relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande en restitution de la taxe de solidarité sur les services, payée au titre du quatrième trimestre 2017 et des trois premiers trimestres 2018, pour un montant total de 35 799 520 francs CFP.
2. Aux termes de l'article Lp. 918 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie relatif à la taxe de solidarité sur les services, alors en vigueur : " Sont soumises à la taxe, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) III. Sont notamment considérés comme des prestations de services, cette liste n'étant pas limitative : (...) les opérations bancaires et financières (...) ". Aux termes de l'article Lp. 918 A du même code, alors en vigueur : " I. Sont assujetties à la taxe les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au quatrième alinéa du présent article quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) III. Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraine pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ". Aux termes de l'article Lp. 918 B de ce code, alors en vigueur : " (...) IV. Par dérogation aux dispositions du II de l'article Lp. 918 B, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en Nouvelle-Calédonie, lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de la Nouvelle-Calédonie et lorsque le preneur est un professionnel exerçant une activité indépendante qui a en Nouvelle-Calédonie le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) 6° opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance (...) V. En ce qui concerne les prestations de services désignées aux III et IV de l'article Lp. 918 B, le paiement de la taxe est effectué par le bénéficiaire du service lorsque le preneur est un professionnel exerçant une activité indépendante, selon les modalités prévues au V de l'article Lp. 919 H (...) ".
3. Par contrat du 20 juillet 2016, l'Etat a accordé à la société Le Nickel-SLN un prêt d'un montant de 200 millions d'euros, somme remboursable moyennant un taux d'intérêt fixé à 4 % par an, assorti d'un taux complémentaire applicable en fonction d'objectifs de performance. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que, dès lors que le taux d'intérêt est normal, la prestation de prêt doit être regardée comme consentie à titre onéreux au sens de l'article Lp. 918 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie précité. Par ailleurs, en application de l'article Lp. 918 A du même code, l'Etat a exercé, de manière indépendante, une activité économique de prestataires de service, relative à une activité financière, le faisant ainsi regarder comme un assujetti à la taxe de solidarité sur les services au sens du I de cet article.
4. Si, en application du III de l'article Lp. 918 A du code des impôts de Nouvelle-Calédonie précité, les personnes de droit public ne sont pas assujettis à la taxe pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraine pas de distorsions dans les conditions de la concurrence, il ne résulte pas de l'instruction que le prêt en cause ait été accordé dans le cadre de ces activités. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées, qui sont claires, n'ont pas à être interprétées, comme c'est le cas en matière de taxe sur la valeur ajoutée en métropole, à la lumière des directives européennes relatives à cette taxe, dès lors que ces directives ne sont pas applicables à la taxe litigieuse. Ainsi et à supposer même que le prêt n'aurait pas provoqué de distorsion des conditions de concurrence compte tenu de l'objet du prêt, de ses conditions de tirage, des clauses de résiliation, des taux du prêt et de la situation de la société emprunteuse et qu'il aurait été accordé par l'Etat en tant qu'autorité publique dans un but d'intérêt général, la prestation en cause ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue au III de l'article Lp. 918 A du code des impôts.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Le Nickel-SLN n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande en restitution de la taxe de solidarité sur les services payée au titre du quatrième trimestre 2017 et des trois premiers trimestres 2018, pour un montant de
35 799 520 francs CFP. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement d'une somme au profit du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Le Nickel-SLN est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Nickel-SLN et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Copie sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04055