Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013, et, à titre subsidiaire, de juger que le prix de revient des manuscrits cédés était de 1 162 500 euros, qu'elle bénéficiait du régime du forfait en 2013, et que le bénéfice industriel et commercial rectifié ne pouvait excéder le montant de 560 138,77 euros, et enfin de prononcer le dégrèvement de la taxe forfaitaire sur les objets d'art acquittée à tort, soit un montant de 99 236 euros.
Par un jugement n° 1918230/1-2 du 20 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge sollicitée à titre principal par Mme B..., mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et des mémoires enregistrés les 5 août 2021, 14 janvier 2022 et 2 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1918230/1-2 du 20 avril 2021 et de remettre à la charge de Mme B... les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge.
Il soutient que :
- les manuscrits en cause ont été acquis et revendus dans le cadre de l'activité professionnelle de Mme B... ;
- elle supporte la charge de la preuve ;
- elle n'apporte pas la preuve du rattachement des manuscrits à son patrimoine privé ;
- il se réfère, pour le surplus, aux observations qu'il a présentées en défense au cours de l'instance devant les premiers juges.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 octobre 2021, 4 février 2022 et 17 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Armelle Abadie, Me Richard Foissac et Me Hélène Brin, conclut à titre principal au rejet du recours du ministre, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcée la décharge des rappels d'impôt sur le revenu, de contributions exceptionnelles et de cotisations sociales pour un montant global de 1 279 261 euros, ainsi que des intérêts de retard pour un montant de 127 927 euros et de la majoration de 40 % d'un montant de 511 703 euros, soit un montant total de 1 918 891 euros, à titre encore plus subsidiaire, à ce que le bénéfice industriel et commercial rectifié soit fixé à 560 138,77 euros et que soient prononcés les dégrèvements correspondants, et enfin à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre à l'encontre du jugement attaqué ne sont pas fondés ;
- par ailleurs, le ministre ne peut être regardé comme ayant valablement contesté les autres moyens qu'elle avait soulevés en première instance, dès lors qu'il se borne à se référer à ses écritures devant le tribunal, sans les joindre à sa requête d'appel.
Par une ordonnance du 3 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,
- et les observations de Me Foissac et Me Abadie, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé Mme B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
2. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". Aux termes de l'article 256 du même code : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., brocanteuse, a été chargée, le 11 février 1998, par le frère de H..., compagne de l'écrivain F..., de débarrasser complétement l'appartement occupé par cette dernière, G... à Paris, des meubles et objets s'y trouvant, libre à elle ensuite de jeter ou de vendre les biens ainsi débarrassés. Dans la cave, dans laquelle se trouvait " un lot de débarras ne méritant pas description ", selon l'inventaire dressé par le notaire après le passage des commissaires-priseurs et des représentants de la bibliothèque à laquelle les écrits de M. C... ont été légués, Mme B... a trouvé trente-sept cahiers d'écolier manuscrits non signés, sur lesquels figurait le prénom " Simone " et ayant pour titre " De l'inconvénient d'être né ". Après un premier projet de cession n'ayant pas abouti en 2005, elle a vendu ces manuscrits le 22 février 2013 pour un montant total de 2,2 millions d'euros. Il appartient à la requérante, qui a acquis ses biens dans le cadre de son activité professionnelle, qui exerçait encore une activité de brocanteuse à la date de la vente litigieuse, et qui est seule en mesure de le faire, d'établir que les manuscrits en cause avaient été intégrés dans son patrimoine personnel et que les ventes susmentionnées relevaient de la simple gestion de ce patrimoine. Elle ne fournit pas suffisamment d'éléments à cet effet, en se bornant à faire valoir qu'elle ignorait avoir vidé l'appartement où avait vécu l'écrivain roumain dont le nom n'était apparu ni dans ses échanges avec le commissaire-priseur ni dans ceux avec M. A..., et qu'elle a conservé les cahiers en cause à son domicile, contrairement à d'autres objets débarrassés chez Mme A..., jusqu'à leur vente, s'en servant, ainsi que l'établiraient plusieurs témoignages, comme support de plateau à thé. Les attestations produites à l'appui de ces affirmations, rédigées pour les besoins de l'instance, sont à cet égard dépourvues de valeur probante. Dans ces conditions, et alors même qu'un entrepreneur individuel dispose de la liberté d'affecter un bien à son patrimoine professionnel ou à son patrimoine personnel, que les manuscrits n'ont pas été vendus directement par Mme B... en sa qualité de brocanteuse selon les modalités habituelles adoptées pour la commercialisation des objets qu'elle vendait, mais indirectement, par le recours lors d'un premier projet de cession, en 2005, à une salle de vente et, en 2013, à une librairie spécialisée, et que sur la note d'honoraires de cette librairie, seul son nom apparaît sans que son numéro SIRET ne soit mentionné, Mme B..., qui ne tenait pas de registre des objets détenus dans le cadre de son activité et qui n'a pas été en mesure de produire de comptabilité sincère et probante au titre des années vérifiées, doit être regardée comme ayant cédé un bien inclus dans son actif professionnel. Par suite les gains de cette cession constituaient des bénéfices industriels et commerciaux issus de l'exercice, par la requérante, de son activité professionnelle au sens de l'article 34 du code général des impôts et la transaction était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle a été effectuée par une assujettie agissant en tant que telle. C'est par suite à tort que les premiers juges ont estimé que le gain de cette cession ne constituait pas un revenu professionnel imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et passible de la taxe sur la valeur ajoutée.
4. Il y a lieu par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme B... devant le tribunal administratif et devant la Cour, le ministre, contrairement à ce qui est soutenu, étant en droit de se référer à cet égard aux observations qu'il a présentées en défense au cours de l'instance devant les premiers juges.
5. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Il résulte de l'instruction que Mme B... a expressément convenu, par courrier du 12 avril 2016, de se rendre le 26 avril suivant dans les bureaux de l'administration pour le premier entretien prévu dans le cadre de la vérification de comptabilité, et qu'elle s'y est effectivement rendue, ainsi qu'aux autres rendez-vous qui y ont été organisés par la suite dans ce cadre. Elle ne s'est ainsi pas opposée à la poursuite des opérations de contrôle dans les locaux de l'administration. Il suit de là que dans les circonstances particulières de l'espèce, l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ne peut être regardé comme ayant été méconnu.
6. En second lieu, dès lors que la vérification a régulièrement eu lieu, ainsi qu'il a été dit, dans les locaux de l'administration, Mme B... ne saurait utilement se plaindre de ce qu'elle a été invitée à s'y rendre avec les relevés bancaires nécessaires à cette vérification et que ceux-ci y ont été conservés jusqu'à leur restitution le 18 mai 2016. Le moyen tiré de l'existence d'un emport de documents irrégulier ne peut par suite qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aucune disposition légale et réglementaire ne faisait obstacle à ce que le 20 avril 2016, soit avant le commencement des opérations de vérification, l'administration fiscale fasse usage de son droit de communication auprès de la banque de Mme B.... Aucune irrégularité ne peut par suite être constatée de ce fait, alors même que les documents demandés ne seraient pas des comptes bancaires mixtes au sens de l'article L. 47 B du livre des procédures fiscales ou des copies de documents originaux au sens de l'article L. 13 du même livre.
8. En quatrième lieu, si Mme B... soutient qu'il convient de prendre en compte, pour le calcul de la base d'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, le prix de revient des manuscrits, et que ce prix de revient doit être estimé au montant de sa rémunération, elle-même égale à la valeur vénale des biens, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les biens ont été acquis pour une valeur nulle, les biens revendus par l'entreprise de Mme B... ayant simplement été collectés dans le cadre de son activité de débarras. La valeur vénale des manuscrits en cause ne saurait par suite être prise en compte dans leur prix de revient ni dans l'estimation, par ce prix de revient, de la valeur des stocks à l'ouverture de l'exercice au cours duquel ces manuscrits ont été revendus.
9. En dernier lieu, s'il résulte des dispositions de l'article 50-0 du code général des impôts que le régime des micro-BIC demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre des deux premières années au cours desquelles les chiffres d'affaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont dépassés, le b du 2 de cet article prévoit que sont exclus de ce régime les contribuables qui ne bénéficient pas des dispositions du I de l'article 293 B relatif au bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de ce qui a été dit au point 3. que Mme B... ne peut valablement soutenir qu'elle n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, dès lors qu'elle a réalisé, au cours de l'année 2013, un chiffre d'affaires supérieur au seuil prévu pour l'application des dispositions du I de l'article 293 B, elle ne peut faire valoir qu'elle était soumise au régime des micro-BIC. Il suit de là qu'elle ne saurait se prévaloir de ce régime pour soutenir que la majoration de 25 % prévue par l'article 158-7-1 du code général des impôts ne pouvait pas être appliquée, qu'un abattement doit s'appliquer au chiffre d'affaires estimé, et que, n'étant pas tenue au dépôt d'une déclaration de ses revenus professionnels, la pénalité de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts ne pouvait lui être appliquée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé Mme B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013. Il y a lieu de remettre à la charge de l'intéressée les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1918230/1-2 du 20 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2013, et dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remis à la charge de l'intéressée, ainsi que les majorations et intérêts correspondants.
Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme D... B....
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022.
Le rapporteur,
F. E...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
7
2
N° 21PA04520