Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Crédit municipal de Paris à lui verser la somme totale de 205 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des manquements de son employeur à son obligation de sécurité et de protection des agents. Par un jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné le Crédit municipal de Paris à verser à Mme D... une somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février et 4 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Cier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) de réformer le jugement n° 2005901 du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité, à la somme de 20 000 euros, l'indemnité due par le Crédit municipal de Paris au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents ; 2°) de rejeter le recours incident du Crédit municipal de Paris ; 3°) de porter le montant de la condamnation du Crédit municipal de Paris à la somme de 205 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis ; 4°) de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 5°) de condamner le Crédit municipal de Paris aux entiers dépens. Elle soutient que : - la responsabilité pour faute du Crédit municipal de Paris est engagée à raison de la dégradation de ses conditions de travail et de l'insuffisance des mesures de protection mises en place pour prévenir les risques d'inhalation de substances chimiques auxquels elle a été soumise ; son employeur a méconnu l'obligation de sécurité définie à l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ainsi qu'aux articles 2 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 et L. 4121-1 du code du travail en l'exposant à des produits chimiques dans le cadre de ses missions d'analyse et de poinçonnage de bijoux et d'objets en métaux précieux ; les pathologies physiques et psychiques qu'elle a contractées sont en lien direct avec le service, ainsi que l'a estimé la commission de réforme départementale lors de sa séance du 4 mai 2017 ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public est engagée ; - elle a subi divers chefs de préjudices en lien direct avec la faute commise par son employeur : elle est ainsi fondée à demander la somme de 15 000 euros au titre du pretium doloris et du préjudice d'anxiété ; son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ; elle a subi un préjudice de 75 000 euros en raison de la perte de rémunération subie durant sa période de disponibilité ; le préjudice résultant du manquement de son employeur à son obligation de protection et de sécurité doit être évalué à la somme de 35 000 euros ; le préjudice de carrière et d'absence d'avancement doit être évalué à la somme de 60 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2022, le Crédit municipal de Paris, représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy, demande à la Cour : 1°) de rejeter les demandes de Mme C... ; 2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 en tant qu'il le condamne à verser à Mme D... la somme de 20 000 euros au titre des manquements à ses obligations en matière de protection et de sécurité des agents et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné et de réformer dans cette mesure le jugement ; 3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que : - c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il a pris toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à son obligation de sécurité et pour assurer la protection de la santé de la requérante en application des dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière ; - la requérante a commis une faute de nature à exonérer l'établissement public de toute responsabilité ; - la responsabilité sans faute de l'établissement public ne saurait être engagée dans la mesure où la pathologie de l'intéressée n'a pas été déclarée imputable au service et où, à supposer même que les pathologies présentent un lien direct avec l'exercice des fonctions, la requérante a adopté un comportement fautif ; - dans l'hypothèse où la responsabilité de l'établissement serait retenue, celui-ci doit en être exonéré partiellement au regard de la faute de la requérante qui a contribué à la survenance et l'aggravation de ses souffrances et de son préjudice moral ; il convient d'en limiter le montant à 8 000 euros ; - en tout état de cause, Mme D... n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur les préjudices subis. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Coudray pour le Crédit municipal de Paris. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., agent de constatation à la direction générale des douanes et droits indirects, a été recrutée en 2005 par le Crédit municipal de Paris en qualité d'adjoint administratif, par la voie du détachement, puis intégrée en 2007 dans le corps des secrétaires administratifs des administrations parisiennes. Ses missions comprenaient notamment l'analyse et le poinçonnage de bijoux et objets en métaux précieux destinés à la vente par le Crédit municipal de Paris et pour le compte d'opérateurs extérieurs. Par un arrêté du 26 décembre 2016, le directeur général du Crédit municipal de Paris l'a placée en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée d'un an, à compter du 1er février 2017. Le 4 mai 2017, la commission de réforme du département de Paris a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies d'agueusie (perte de goût) et d'anosmie (perte de l'odorat) développées par l'intéressée, dues à son exposition répétée à des produits chimiques dans le cadre de ses fonctions. Par un courrier du 27 octobre 2017, elle a sollicité sa réintégration dans les effectifs du Crédit municipal de Paris. Toutefois, après qu'elle a refusé le poste de coordinatrice des prêts sur gages qui lui avait été proposé, elle a été placée en disponibilité d'office par un arrêté du directeur général du Crédit municipal de Paris du 14 mai 2018. Le 10 décembre 2018, elle a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite et a été radiée des cadres à compter du 1er avril 2019. Estimant que le Crédit municipal de Paris avait commis divers manquements à ses obligations de protection et de sécurité de ses agents, notamment en ne procédant pas à un aménagement suffisant de son poste de travail, elle a formé, le 28 novembre 2019, une demande indemnitaire préalable d'un montant de 170 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis qui a été implicitement rejetée. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du 30 novembre 2021 visé ci-dessus, en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une indemnité de 20 000 euros en réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et demande à la Cour de porter ce montant à 205 000 euros. Par la voie de l'appel incident, le Crédit municipal de Paris demande à titre principal l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris et, à titre subsidiaire, de ramener à la somme globale de 8 000 euros l'indemnité à laquelle il a été condamné. Sur la responsabilité du Crédit municipal de Paris : En ce qui concerne la responsabilité pour faute : 2. D'une part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 136-1 du code général de la fonction publique : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurés aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, visé ci-dessus : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes. ". Aux termes de l'article 2-1 de ce même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, rendu applicable aux agents publics relevant de la fonction publique territoriale par l'article 3 du décret du 10 juin 1985 susmentionné et l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus, désormais codifié à l'article L. 811-1 du code général de la fonction publique : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels (...) ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 3. D'autre part, selon l'article L. 4121-2 du code du travail : " l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 114 -2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. ". L'article R. 4412-15 du code du travail précise que : " le risque que présente un agent chimique dangereux pour la santé et la sécurité des travailleurs doit être supprimé. Lorsque la suppression de ce risque est impossible, ce dernier est réduit au minimum par la substitution d'un agent chimique dangereux par un autre agent chimique ou par un procédé non dangereux ou moins dangereux ". Enfin l'article R. 4412-16 dudit code indique que : " lorsque la substitution d'un agent chimique dangereux n'est pas possible au regard de la nature de l'activité et de l'évaluation des risques, le risque est réduit au minimum par la mise en œuvre, par ordre de priorité, des mesures suivantes : 1° Conception des procédés de travail et contrôles techniques appropriés ; 2° Utilisation des équipements et des matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus possible la libération d'agents chimiques dangereux sur le lieu de travail ; 3° Application, à la source du risque, des mesures efficaces de protection collective, telles qu'une bonne ventilation et des mesures appropriées d'organisation du travail ; 4° Utilisation' si l'exposition ne peut être réduite par d'autres moyens, de moyens de protection individuelle, y compris d'équipements de protection individuelle. ". 4. Tout d'abord, il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 précité. A ce titre, il leur incombe notamment de veiller au respect des dispositions des articles L. 4121-1, R. 4412-15 et R. 4412-16 du code du travail mentionnés aux points 2 et 3. Dès lors, l'agent public qui fait valoir que l'exposition à des produits toxiques sur son lieu de travail serait à l'origine de ses problèmes de santé, mais dont l`affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle serait essentiellement et directement causée par son travail habituel, peut néanmoins rechercher la responsabilité de sa collectivité en excipant de la méconnaissance fautive par cette dernière de ses obligations. 5. En outre, si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu'ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact' et d'arrêter, en l'état des connaissances scientifiques, au besoin à l'aide d'études ou d'enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers. L'employeur est donc tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, dès lors que le risque est connu de lui. 6. En l'espèce, Mme C... fait valoir que, dans le cadre de son obligation de sécurité et de protection de ses agents, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les différentes préconisations d'aménagement de son poste de travail émises par le médecin de prévention dès 2005 ce qui a conduit à une détérioration de son état de santé et plus particulièrement à des pathologies d'agueusie et d'anosmie d'origine séquellaire en raison d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son travail. Il résulte de l'instruction que, lors d'une première visite sur le lieu de travail de la requérante, le 25 novembre 2005, le médecin du travail a relevé, à cette occasion, que Mme C... utilisait régulièrement différents produits toxiques (acide chlorhydrique, acide nitrique, sulfate d'argent, iodate de potassium, perchlorure de fer et de l'eau de touche (mélange d'acide chlorhydrique et d'acide nitrique) dans un environnement bruyant et a notamment recommandé l'achat de lunettes de protection ainsi que l'installation d'un système de ventilation. Ces conditions de travail ont conduit le médecin à prescrire très régulièrement des bilans sanguins ainsi que des explorations fonctionnelles respiratoires. 7. Par ailleurs, face à la détérioration de l'état de santé de la requérante, le médecin du travail a demandé, lors des visites médicales des 24 janvier 2013 et 25 février 2014, que lui soient communiquées les fiches techniques des produits utilisés et qu'une étude du poste de Mme C... soit réalisée afin de contrôler les points suivants : ventilation, bruit et confinement. Lors de la visite de l'établissement, le 18 mars 2014, il est apparu que, dès le matin, une odeur nette de produits chimiques était présente, que le système d'aspiration des vapeurs chimiques émises lors des analyses était très bruyant et qu'il ne pouvait, en conséquence, être utilisé de manière continue, l'évacuation des vapeurs chimiques résiduelles devant être réalisée par l'ouverture de la fenêtre lorsque les conditions climatiques le permettaient. Au regard des conditions de travail de Mme C..., le médecin de prévention a estimé qu'il était nécessaire de déplacer la centrale d'aspiration dans un local attenant pour supprimer la nuisance sonore existante, de s'assurer de la maintenance périodique du système de ventilation en changeant régulièrement les filtres, d'installer également une ventilation mécanique de type VMC pour éliminer les vapeurs résiduelles ainsi qu'un point d'eau avec douchette et rince-œil pour assurer les premiers soins en cas de projections accidentelles sur la peau et les yeux des produits chimiques utilisés. 8. En l'absence de mesures prises pour mettre en œuvre les préconisations mentionnées au point précédent, Mme C..., qui a transmis à sa hiérarchie une déclaration de maladie professionnelle le 13 janvier 2015, lui a adressé divers courriels en date des 20 mai, 15 juin et 16 juin 2015 dans lesquels elle faisait part de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, ainsi que de son souhait de se consacrer uniquement aux ventes du Crédit municipal de Paris et non plus aux ventes d'opérateurs extérieurs. Cet état de fait est corroboré par le médecin de prévention qui constatant, lors d'une nouvelle visite du bureau de l'intéressée le 1er décembre 2015, que les travaux prescrits n'étaient toujours pas réalisés, a décidé de limiter à deux heures en fin de journée l'utilisation de produits chimiques, l'a exemptée de port de charges lourdes et de positions contraintes prolongées et a prescrit un bilan complémentaire. Cette préconisation a été renouvelée le 12 avril 2016. Une expertise médicale en date du 16 décembre 2016 a permis de confirmer que la requérante présentait une réelle perte de l'odorat et du goût ainsi que le caractère professionnel et irréversible des lésions des muqueuses constatées. L'expert a conclu à la pertinence du classement en maladie professionnelle de l'affection dont souffre Mme C... et considère que le début de la maladie remonte au début de l'exposition aux produits toxiques soit le 1er octobre 2005. A cette occasion, il a estimé qu'il convenait d'attribuer à la requérante une IPP de 40 % (10 % au titre de l'anosmie sévère, 5 % de la rhinite sévère, 5 % de l'agueusie, 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associées et 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. Ces conclusions médicales sont corroborées par le certificat médical du 4 décembre 2017 établi par le médecin responsable de l'unité odorat du service oto-rhinolaryngologie de l'hôpital Georges Pompidou qui relève que Mme C... présente des seuils olfactifs indétectables avec une absence de discrimination et une absence de reconnaissance et de perception des odeurs au test qualitatif. Il considère que cette anosmie est probablement séquellaire d'une inhalation chronique de vapeurs toxiques dans le cadre de son activité professionnelle. 9. Si le Crédit municipal de Paris fait valoir que les différentes préconisations du médecin du travail ont été appliquées, que l'efficacité du dispositif de ventilation n'a pas été remise en cause, et que Mme C... n'a jamais été reconnue inapte à son activité professionnelle, les diverses pièces produites dans le cadre de la présente instance ne permettent pas de s'assurer que les travaux d'aménagement du système de ventilation demandés dans le local où Mme C... exerçait son office (déplacement de l'équipement et installation d'une ventilation mécanique contrôlée) aient été réalisés avant le début de l'année 2017, seule l'installation d'une armoire de stockage pour les produits utilisés par la requérante ayant eu lieu dans le courant de l'été 2016 après une nouvelle visite du service de la médecine de prévention le 9 mai 2016. Une analyse similaire peut être faite s'agissant de l'achat d'une paire de lunettes de protection. 10. De même, si le Crédit municipal de Paris met en avant le comportement fautif de Mme C... qui n'aurait pas porté les équipements de sécurité mis à sa disposition en produisant notamment une attestation rédigée par la responsable des ressources humaines en date du 22 septembre 2021 qui précise qu'il a été rappelé à plusieurs reprises à l'intéressée qu'elle devait porter les équipements de protection mis à sa disposition mais que cette dernière aurait systématiquement répondu qu'elle était dans l'incapacité de réaliser correctement les missions qui lui étaient dévolues en les portant, aucune pièce du dossier ne permet de s'assurer que les phases d'information et de formation de la salariée au port des équipements de protection individuelle ont bien été mises en œuvre, la fiche de poste de l'intéressée ne mentionnant notamment pas le port obligatoire des lunettes de protection. De même, il ne résulte pas de l'instruction qu'un masque de protection ait été effectivement mis à sa disposition. 11. Ainsi, il apparaît qu'en dépit des préconisations régulières du médecin de prévention et des alertes régulières de Mme C... sur les conséquences néfastes de ses conditions de travail sur son état de santé, le Crédit municipal de Paris a tardé à mettre en œuvre les mesures nécessaires, a minima à compter du 1er décembre 2015, date des préconisations du médecin de prévention mentionnées au point 8 du présent arrêt, et jusqu'au début de l'année 2017, pour satisfaire à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En ce qui concerne la responsabilité pour risque : 12. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et le I° de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 désormais abrogé, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 13. Par ailleurs, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 14. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale en date du 16 décembre 2016, mentionné au point 8 du présent arrêt, que Mme C... qui, dans le cadre de son activité professionnelle, a analysé, pendant plus de dix ans, des métaux aux moyens de substances chimiques, et réalisé leur poinçonnage, présente une réelle perte de goût et d'odorat liée à l'absence de réelles protections contre les gaz et aérosols lors de la manipulation de produits hautement toxiques. L'expert considère que la pathologie est irréversible et que le caractère professionnel de l'atteinte est certain, son origine pouvant être fixée au 1er octobre 2005, date de son affectation dans le poste en cause. Cet avis est corroboré par la commission de réforme du département de Paris qui a émis le 4 mai 2017 un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances particulières la détachant du service, ressortant de l'instruction, Mme C... est fondée à soutenir que sa pathologie présente un lien direct avec le service et caractérise dès lors une maladie professionnelle. Par suite, la requérante est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, que la responsabilité sans faute du Crédit municipal de Paris est engagée.
Sur l'indemnisation des préjudices : En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant de la perte de gains professionnels : 15. Mme C... sollicite le versement d'une indemnité de 75 000 euros en réparation des préjudices résultant de son placement en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er février 2017, puis en disponibilité d'office à compter du 14 mai 2018. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que les aménagements rendant la poursuite de son activité à temps plein compatible avec son état de santé avaient été réalisés, cette mise en disponibilité pour convenances personnelles est la conséquence d'un choix personnel de la requérante. Une analyse similaire doit être faite pour le maintien en disponibilité, Mme C... ayant refusé le poste offert par son employeur à son retour de disponibilité alors que les fonctions proposées de " coordinatrice des prêts sur gages " correspondaient à son cadre d'emploi. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée, l'intéressée n'établissant pas l'existence d'un lien direct et certain entre les manquements commis par son employeur et les mesures précitées. S'agissant des incidences professionnelles : 16. Si Mme C... sollicite la réparation des préjudices résultant de l'absence d'avancement dans sa carrière et de sa mise en retraite de façon anticipée, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'elle ne démontre pas d'une part, une chance sérieuse d'obtenir une promotion et, d'autre part, avoir été contrainte de demander son placement en position de retraite pour carrière longue en raison des manquements de son employeur à ses obligations de protection. Ce préjudice n'est donc pas indemnisable, tant au titre de la responsabilité pour faute qu'au titre de la responsabilité pour risque mentionnée. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux : S'agissant des souffrances endurées : 17. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant plusieurs années et a minima à compter du début de l'année 2013, sans réelle protection, à des acides forts qui ont altéré de manière irrémédiable son goût et son odorat. L'expert a estimé que l'intéressée était atteinte d'une incapacité permanente partielle de 40 % se décomposant à hauteur de 10 % au titre de l'anosmie sévère, de 5 % pour l'agueusie, de 5 % pour la rhinite sévère, de 10 % pour la fragilité broncho-pulmonaire et la dyspnée permanente associée et de 10 % pour les troubles psychologiques secondaires. 18. Par ailleurs, cette situation a généré un préjudice d'anxiété qui est né de la conscience prise par la requérante qu'elle courrait un risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition prolongée à des produits toxiques.
19. Au regard de ces éléments et nonobstant la circonstance qu'il ne résulte pas de l'instruction que le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme C... devrait s'aggraver, il n'en demeure pas moins qu'elle est soumise à une surveillance médicale régulière de son état de santé, qui a pu générer de l'inquiétude. Dans ces circonstances, il y a lieu de porter l'indemnité réparant ces chefs de préjudice à la somme globale de 20 000 euros. S'agissant du préjudice moral : 20. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été exposée pendant au moins quatre ans à des produits toxiques qui ont altéré de manière irrémédiable sa santé en dépit des préconisations récurrentes du médecin de prévention et de ses alertes répétées auprès de sa hiérarchie. Au regard de la durée particulièrement longue d'exposition quotidienne au risque d'inhalation de produits toxiques pendant ses périodes d'activité, il sera fait une juste appréciation suffisante du préjudice moral subi par l'intéressée en fixant sa réparation à la somme de 10 000 euros. Sur le préjudice résultant du manquement à l'obligation de prévention des risques : 21. Si la requérante demande l'indemnisation du " préjudice résultant du manquement du Crédit municipal de Paris au titre de l'obligation de prévention des risques ", elle ne précise pas la consistance de ce chef de préjudice. En tout état de cause, il ne saurait constituer par lui-même un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence. Par suite, la demande d'indemnisation présentée à ce titre doit être rejetée. 22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris dans la mesure prévue aux points 19 et 20 du présent arrêt. Sur l'appel incident du Crédit municipal de Paris : 23. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le Crédit municipal de Paris n'est pas fondé à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué. Sur les frais liés au litige : 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le Crédit municipal de Paris en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Crédit municipal de Paris une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme C..., en application de ces dispositions. En revanche, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés, les conclusions de la requérante au titre des dispositions de l'article R. 761-1 doivent être écartées.
D E C I D E :Article 1er : La somme que le Crédit municipal de Paris a été condamnée à verser à Mme E... le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est portée de 20 000 (vingt mille) euros à 30 000 (trente mille) euros.Article 2 : Le Crédit municipal de Paris versera à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté. Article 5 : Les conclusions du Crédit municipal de Paris sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au directeur général du Crédit municipal de Paris.Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président,- Mme Boizot, première conseillère,- Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 octobre 2022. La rapporteure, S. A...Le président, S. CARRERELa greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA00461 2