Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2114100/8-1 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Eisenbeth, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114100/8-1 du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2021 du préfet de police portant refus de délivrance d'un titre de séjour, et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Eisenbeth, avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien, né le 29 octobre 2000, est entré en France en juin 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, pour y rejoindre sa sœur. Il y a été scolarisé à compter de l'année scolaire 2017/2018 en lycée professionnel en classe de seconde et jusqu'en terminale pour l'année scolaire 2019/2020. Le 17 novembre 2020, ayant entamé une première année de brevet de technicien supérieur en production-travaux publics, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 2 juin 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. C... fait appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, la décision contestée, après avoir visé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. C... n'était pas en possession d'un visa de long séjour exigé pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Ainsi, la décision en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. La circonstance que cette décision ne comporte pas de précision sur la scolarité de l'intéressé, ne révèle pas, par elle-même, que celle-ci serait insuffisamment motivée ni ne traduit un défaut d'examen de la situation personnelle de ce dernier. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant à compter du 1er mai 2021 les dispositions de l'article L. 313-7 du même code : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut accorder une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " sans que la condition de visa de long séjour soit exigée, en cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures.
5. S'il est constant que M. C... n'était pas en possession d'un visa de long séjour lorsqu'il est entré en France, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il est entré en juin 2017 et y a été scolarisé dès septembre de la même année, alors qu'il était encore âgé de 16 ans. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a obtenu un brevet d'études professionnelles en études du bâtiment en juillet 2019, puis un baccalauréat professionnel dans cette spécialité en juillet 2020, et qu'il était inscrit, lors de sa demande de titre de séjour, pour ses études supérieures en brevet de technicien supérieur en production-travaux publics en septembre 2020. Contrairement à ce qu'a estimé le préfet de police dans sa décision du 2 juin 2021, il remplissait donc les conditions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour que ce dernier puisse lui accorder une carte de séjour, au vu de son entrée régulière, sans que lui soit opposable l'absence de visa de long séjour. Dès lors, le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en considérant que M. C... n'en remplissait pas les conditions pour prétendre à un titre de séjour étudiant dans la mesure où il n'avait pas de visa de long séjour.
6. En troisième lieu, si le requérant soutient que la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, ces stipulations sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation par l'administration de la réalité et du sérieux des études poursuivies lors de l'instruction de sa demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations invoquées à l'encontre du refus de séjour doit être écarté comme inopérant.
7. En dernier lieu, M. C... se prévaut de quatre années de présence en France, où vivent son frère et sa sœur de nationalité française, ainsi que de sa bonne intégration et de sa réussite scolaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où résident ses parents. Ainsi, et en dépit de son parcours d'études, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Le refus de titre de séjour opposé à M. C... étant entaché d'illégalité pour les motifs exposés au point 5, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti doit, par voie de conséquence, également être annulée.
9. Il résulte de ce qui précède, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".
11. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu, et au regard des autres conditions posées par les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour " étudiant ", le présent arrêt implique seulement que le préfet de police réexamine la demande de M. C... et lui délivre une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à M. C....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2114100/8-1 du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 2 juin 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, et obligation de quitter le territoire français à l'égard de M. C... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06540 2