Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Générale Calédonienne de Banque a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :
1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services qui lui ont été réclamés à l'issue d'un redressement en base pour un montant de 15 721 652 francs CFP au titre de l'année 2015, de 1 892 041 francs CFP au titre de l'année 2016 et de 6 144 916 francs CFP au titre de l'année 2017 ;
2°) de procéder à la compensation des rappels de taxe de solidarité sur les services qu'elle ne conteste pas, à hauteur d'un montant total en droits de 66 229 248 francs CFP, avec la taxe de solidarité sur les services qu'elle a perçue à tort pour un montant de 88 493 980 francs CFP pour les années 2015 à 2017 ;
3°) de prononcer la restitution de la taxe de solidarité sur les services qu'elle a acquittée pour un montant de 29 286 297 francs CFP ou à titre subsidiaire d'ordonner le remboursement de la taxe de solidarité sur les services indûment acquittée pour un montant de 27 950 019 francs CFP ;
4°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui ont été réclamées au titre des années 2015, 2016 et 2017 pour des montants de 13 184 006 francs CFP, 43 119 000 francs CFP et 40 500 900 francs CFP ;
5°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt au titre de la contribution sociale additionnelle pour des montants de 1 318 410 francs CFP, 1 367 663 francs CFP et 1 219 386 francs CFP au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;
6°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt au titre de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour des montants de 6 592 003 francs CFP, 21 559 500 francs CFP, et 20 250 450 francs CFP au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2100030 du 25 novembre 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 février et 4 juillet 2022, la Société Générale Calédonienne de Banque, représentée par Me Loïc Pieux, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100030 du 25 novembre 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de prononcer la réduction de la base des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) sur les prestations de service effectuées par des prestataires non établis en Nouvelle-Calédonie pour un montant de 15 721 652 francs CFP au titre de 2015, de 1 892 041 francs CFP au titre de 2016, et de 6 144 916 francs CFP au titre de 2017 ;
3°) de prononcer la compensation des rappels de TSS non contestés par la société SGCB pour un montant total en droit de 66 229 248 francs CFP sur la TSS indument facturée par la SGCB pour un montant de 88 493 980 francs CFP sur la période allant de 2015 à 2017 ;
4°) d'ordonner le remboursement du surplus de TSS indument acquitté par la société SGCB pour un montant de 29 286 297 francs CFP ;
5°) de prononcer le dégrèvement des rappels d'impôt sur les sociétés s'élevant à 13 184 006 francs CFP au titre de 2015, à 43 119 000 francs CFP au titre de 2016 et à 40 500 900 francs CFP au titre de 2017 ;
6°) de prononcer le dégrèvement des rappels de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS) s'élevant à 1 318 410 francs CFP au titre de 2015, à 1 367 663 francs CFP au titre de 2016 et à 1 219 386 francs CFP au titre de 2017 ;
7°) de prononcer le dégrèvement des rappels de contribution sociale additionnelle (CSA) s'élevant à 6 592 003 francs CFP au titre de 2015, à 21 559 500 francs CFP au titre de 2016 et à 20 250 450 francs CFP au titre de 2017 ;
8°) subsidiairement de prononcer le remboursement du surplus de TSS indument acquitté par la société SGCB pour un montant de 27950 019 francs CFP ;
9°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de
500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la TSS ne s'applique pas aux prestations de maintenance informatiques délivrées par des prestataires non établis en Nouvelle-Calédonie ;
- la maintenance informatique n'est pas réalisée par des conseillers, des ingénieurs ou des bureaux d'études ;
- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ;
- il y a lieu de lui accorder la compensation avec la TSS indument facturée à des prestataires extérieurs ;
- le vérificateur aurait dû, lors de son contrôle, opérer spontanément cette compensation en constatant l'erreur commise par la société vérifiée ;
- elle a appliqué à tort de la TSS sur un certain nombre de factures émises à destination des sièges des sociétés SOGECAP et CASDEN, tous deux établis en France métropolitaine ;
- en application de l'article Lp. 918 B ces prestations facturées par un prestataire établi en Nouvelle-Calédonie à un preneur professionnel établi hors de Nouvelle-Calédonie font partie des prestations qui ne donnent pas lieu à de la collecte de TSS ;
- l'article 21 V du code des impôts ne renverse pas de plein droit la charge de la preuve, qui repose sur l'administration fiscale ;
- l'administration fiscale n'a jamais apporté la preuve d'un transfert indirect de bénéfices ;
- les frais que le service réintègre en application de la présomption simple de l'article 21 V du code des impôts ne constituent pas un transfert indirect de bénéfices, mais la contrepartie d'un service calculé sur le coût effectif du service augmenté d'une marge ;
- les deux postes de charges déduits sont par nature des charges de production et donc leur déductibilité n'est pas plafonnée ;
- les services en cause sont refacturés à la clientèle ;
- il résulte des intentions du législateur que les charges techniques et charges de production ne peuvent entrer dans le mécanisme de plafonnement de la déductibilité des frais généraux, en dépit de ce que peut avancer l'arrêté d'application adopté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
- la réintégration opérée au titre des frais généraux informatiques étant illégale, il y a lieu d'annuler la réintégration des charges litigieuses à l'assiette de la CAIS et de la CSA.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SARL Cabinet Briard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2015-5/GNC du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 relatif au plafonnement de la déductibilité des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Société Générale Calédonienne de Banque (SGCB), qui exerce en Nouvelle-Calédonie une activité d'établissement de crédit, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services qui lui ont été réclamés, décharge correspondant à des réductions en base à hauteur de 15 721 652 francs CFP au titre de 2015, de 1 892 041 francs CFP au titre de 2016 et de 6 144 916 francs CFP au titre de 2017, à la compensation des rappels de taxe de solidarité sur les services non contestés pour un montant en droits de 66 229 248 francs CFP avec la taxe de solidarité sur les services indûment perçue pour un montant de 88 493 980 francs CFP au titre des années 2015 à 2017, à la restitution de la taxe de solidarité sur les services qu'elle a acquittée pour un montant de 29 286 297 francs CFP ou à titre subsidiaire au remboursement de la taxe de solidarité sur les services indûment acquittée pour un montant de 27 950 019 francs CFP, à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour un montant total de 96 803 906 francs CFP et de contribution sociale additionnelle pour un montant total de 48 401 953 francs CFP dont elle s'est acquittée au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, ainsi qu'à la restitution des cotisations supplémentaires de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés acquittées pour un montant de 3 905 459 francs CFP au titre des mêmes années.
Sur la taxe de solidarité sur les services :
2. Aux termes de l'article Lp. 918 B du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " II. Le lieu des prestations de services est réputé se situer en Nouvelle-Calédonie lorsque le prestataire a, en Nouvelle-Calédonie, le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. (...) IV. Par dérogation aux dispositions du II de l'article Lp. 918 B, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en Nouvelle-Calédonie, lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de la Nouvelle-Calédonie et lorsque le preneur est un professionnel exerçant une activité indépendante qui a en Nouvelle-Calédonie le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) 4°) prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables (...) 6°) opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance (...) ". Enfin, aux termes de l'article 116 du même code : " I. Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration fiscale peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. II. Les compensations de droits prévues au I sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition ".
En ce qui concerne les prestations de maintenance informatique :
3. La société SGCB a été imposée à la taxe de solidarité sur les services au titre des prestations de maintenance informatique sur logiciel fournies par des prestataires établis hors de la Nouvelle-Calédonie, en application du 4° du IV de l'article Lp. 918 B du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie pour les années 2015 à 2017. Elle soutient que ces prestations n'ont pas été réalisées par des conseillers, des ingénieurs ou des bureaux d'études mais par de simples techniciens de maintenance en charge de permettre un fonctionnement normal du système informatique, et consistaient en la correction de bugs et la livraison de mises à jour, sans conception ou développement de logiciels ou de programmes informatiques. Les prestations en cause sont toutefois nécessairement l'aboutissement de solutions logicielles nécessitant la mise en œuvre d'ingénierie informatique, développées en amont par un ingénieur informatique, alors même qu'elles ont été en fin d'opération installées par des techniciens n'apportant à leur niveau aucune prestation de conseil ou d'ingénierie. Il suit de là, et sans qu'il y ait besoin d'attribuer à l'une ou l'autre partie la charge de la preuve, que lesdites prestations étaient imposables à la taxe de solidarité sur les services en application des dispositions précitées.
En ce qui concerne la demande de compensation avec la taxe de solidarité sur les services qui aurait été acquittée à tort :
4. La société SGCB demande, par ailleurs, que le rehaussement de taxe de solidarité sur les services auquel elle a été soumise soit compensé par la taxe de solidarité sur les services qu'elle aurait collectée à tort sur des prestations facturées aux sociétés Casden et Sogecap, assujetties situées en métropole, dès lors que ces dernières prestations n'entraient pas dans le champ du 6° du IV de l'article Lp. 918 B du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Il résulte de l'instruction que les prestations en cause ont été effectuées et facturées par la société requérante, établie en Nouvelle-Calédonie, aux sociétés Casden et Sogecap et entraient ainsi dans le champ d'application de la taxe de solidarité sur les services en application des dispositions du II de l'article Lp. 918 B mentionné plus haut, la société requérante, prestataire, ayant son siège en Nouvelle-Calédonie. La double circonstance que le IV de l'article Lp. 918 B prévoit l'assujettissement à la taxe des opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de la Nouvelle-Calédonie et lorsque le preneur est un professionnel exerçant une activité indépendante qui a en Nouvelle-Calédonie le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle, et que la société requérante ne réaliserait pas elle-même des prestations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance, ne saurait conduire à exonérer la société requérante de la taxe sur les prestations qu'elle a elle-même réalisées. La société requérante n'est par suite fondée à demander à cet égard ni la compensation avec les rehaussements non contestés ni le remboursement d'une taxe qui aurait été établie à tort. En l'absence de droit à compensation, le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait dû, lors de son contrôle, opérer spontanément cette compensation en constatant l'erreur commise par la société vérifiée ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
Sur l'impôt sur les sociétés :
5. Le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie dispose : " Les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie peuvent déduire du montant de leur bénéfice imposable, la quote-part des frais généraux supportés a lieu du siège social ou de la direction, afférente aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie, dans la limite de 5 % du montant des services extérieurs, au sens de la comptabilité privée, nécessités par lesdites activités. Un arrêté du gouvernement précise les services extérieurs à prendre en compte pour l'application de cette disposition. /Cette déduction est subordonnée aux conditions cumulatives suivantes : 1. les frais affectés aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie ont été engagés dans l'intérêt direct des entreprises en Nouvelle-Calédonie. (...) / Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent également aux frais généraux facturés aux sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie, par les sociétés liées non imposables à cet impôt en Nouvelle-Calédonie, lorsque ces dernières détiennent, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital de l'entreprise imposée en Nouvelle-Calédonie. Deux sociétés sont réputées liées lorsqu'elles ont en commun des dirigeants de droit ou de fait, ou sont détenues, directement ou indirectement, par une personne morale ou physique, à hauteur de 10 % au moins de leur capital, ou encore lorsqu'au moins 10 % du capital de l'une est détenu, directement ou indirectement, par l'autre. ". Dans son article 6, la loi de pays citée ci-dessus dispose : " Des arrêtés du gouvernement précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi du pays ". L'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 pris pour application de la loi du pays de 2015 qui modifie le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dispose en son article 2 : " Les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie s'appliquent aux frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établi (e) en dehors de le Nouvelle-Calédonie, à l'exception toutefois de ceux afférents : 1°) aux achats de marchandises, matières premières, fournitures ; 2°) aux autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production ; 3°) aux charges financières ". Il résulte enfin du point 21. de la décision QPC 2019-819 du 7 janvier 2020 du Conseil constitutionnel que les dispositions du V de l'article 21 du code des impôt ne sauraient sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques faire obstacle à ce que l'entreprise soit autorisée à apporter la preuve que la part de ses frais généraux qui excède le montant de 5 % de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que, contrairement à ce qui est soutenu, il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, d'apporter la preuve de l'absence de transfert de bénéfices en justifiant de l'existence et de la valeur de contreparties au moins équivalentes aux frais exposés. La circonstance que l'administration fiscale n'a pas apporté la preuve d'un transfert indirect de bénéfices ne saurait par suite être utilement invoquée.
7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, l'article 6 de la " loi du pays " du 18 décembre 2015 habilite le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à préciser par arrêté les dispositions de cette loi modifiant le V de l'article 21 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement de la Nouvelle Calédonie était donc habilité à préciser par voie d'arrêté la notion de frais généraux figurant audit V de cet article. En excluant du dispositif de plafonnement les achats de marchandises, de matières premières et de fourniture, les autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production et les charges financières, et en soumettant à ce dispositif les autres frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établi en dehors de la Nouvelle-Calédonie, l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 n'a pas méconnu l'habilitation donnée par le législateur, qui ne saurait être regardée comme ayant limité la déductibilité du plafonnement aux seuls frais de direction et d'administration.
8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, pour refuser à la société SGCB la déduction de la quote-part des frais généraux excédant 5 % du montant des services extérieurs facturés par sa société mère, la SA Société Générale, au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, l'administration fiscale a considéré que la société SGCB avait déduit à tort des charges correspondant à prestations informatiques réalisées par la société mère et des refacturations de prestations informatiques réalisées par des sociétés non liées, mais facturées par une société liée intermédiaire, et portant sur des charges de maintenance informatique et de développement ainsi que sur des contrats de maintenance de logiciel. L'administration a ainsi réintégré ces charges indirectes de production dans le résultat fiscal en retenant que ces frais avaient été déterminés sur des bases forfaitaires sans lien direct avec le niveau de production de l'entreprise et ne pouvaient dès lors être affectés directement au coût de la réalisation d'un service précis.
9. La société SGCB soutient d'une part que les charges en litige, relatives à des opérations de gestion de banque à distance, de transaction bancaire dématérialisée ou d'aide à la réalisation de projet sont constitutives de frais de production techniques dont la déductibilité n'est pas plafonnée et non pas de frais généraux, tels que l'entretien courant informatique qui est réalisé par d'autres sociétés, implantées en Nouvelle-Calédonie en cas de panne sur le système informatique. Toutefois, il résulte de l'instruction que les prestations ayant donné lieu à réintégration de charges par l'administration fiscale émanent de services intra-groupe, et que le mode de facturation global ainsi que l'absence de coût unitaire empêchent d'affecter directement ces charges à la réalisation d'une prestation de service spécifique, de telle sorte que ces prestations informatiques ne peuvent être considérées comme des charges directes de production. Dès lors qu'ils ne sont pas rattachables au coût de réalisation d'une prestation déterminée rendue par la société requérante, et alors même que les sommes facturées le sont sur la base d'une politique de prix de transfert à prix coutant ou à faible marge qui n'a pas été remise en cause, et seraient déterminées en fonction de l'intensité d'utilisation des services en cause, ces dépenses ont le caractère de frais généraux au sens des dispositions précitées du code des impôts. La société requérante, qui est seule en mesure de le faire, ne fournit aucun élément permettant de rattacher les frais facturés aux opérations à l'origine de son chiffre d'affaires. Les frais en cause ont, par suite, le caractère de frais généraux au sens des dispositions combinées du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 pris pour son application. Les circonstances que ces frais correspondent à des prestations nécessaires à l'exercice de l'activité de l'établissement situé en Nouvelle Calédonie et qu'ils soient refacturés aux clients dans le cadre de l'usage des services virtuels qui permettent de générer des transactions ne sont pas de nature à faire obstacle à leur qualification comme frais généraux au sens desdites dispositions.
10. D'autre part, et à fin d'établir l'absence de transfert de bénéfices, la société requérante se borne à faire état de considérations générales sur le caractère nécessaire des prestations intragroupes en cause et sur le caractère adapté des modalités de facturation à prix coutant ou à faible marge, et à produire des documents, pour l'essentiel en langue étrangère, relatifs aux modalités de répartition des charges intragroupes. Elle ne met pas ce faisant la Cour en mesure de chiffrer la valeur des prestations rendues et d'apprécier le caractère normal des sommes facturées en échange desdites prestations, en l'absence de pièces justificatives de la consistance et de l'affectation des dépenses en cause.
Sur la contribution sociale additionnelle et la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés :
11. Ainsi qu'il a été dit aux points 5. à 10., les frais généraux de nature informatique ne peuvent être qualifiés de charges de production et la société requérante n'apporte pas la preuve de l'absence de transfert indirect de bénéfices vers la société mère. Dès lors sa demande tendant à la décharge des rappels de contribution sociale additionnelle et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2015, 2016 et 2017 doit être rejetée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Générale Calédonienne de Banque n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la Nouvelle-Calédonie.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Société Générale Calédonienne de Banque est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Générale Calédonienne de Banque et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA00871