Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1902615 du 16 juillet 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2021, M. C..., représenté par Me Chilot-Raoul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902615 du 16 juillet 2020 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Chilot-Raoul au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- le préfet du Val-de-Marne, en se croyant à tort en situation de compétence liée, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard du droit d'asile et a méconnu les dispositions des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 14 juin 2021, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2021 à midi.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant congolais de la République démocratique du Congo, né le 11 octobre 1980 et entré en France en décembre 2014 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen soulevé en première instance tiré de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait insuffisamment motivée. Cependant, la décision en litige mentionne les éléments relatifs à sa situation personnelle et M. C... ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 331-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à
l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne s'est notamment fondé sur l'avis du 8 octobre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo, son pays d'origine. M. C..., qui souffre d'un stress post-traumatique avec troubles du sommeil et cauchemars récurrents, soutient toutefois qu'il ne pourra bénéficier effectivement des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine dès lors qu'en République démocratique du Congo, pays dans lequel la neurologie et la psychiatrie ne sont pas des disciplines distinctes, le système de santé étant confronté à une pénurie d'infrastructures et de spécialistes. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical du 29 mars 2018 établi par le docteur E..., psychiatre, que la prise en charge médicale de M. C... consiste depuis 2016 en une consultation psychiatrique mensuelle, en une consultation hebdomadaire de psychothérapie au centre Primo Lévi ainsi qu'en la prise notamment de paroxétine et d'un hypnotique. Toutefois, la seule production par M. C... du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2013 sur la prise en charge des maladies mentales en République démocratique du Congo ainsi que, pour la première fois en appel, d'un article du journal Africanews en date du 17 avril 2019 faisant état, de l'absence de recours par les malades eux-mêmes aux soins médicaux dans la plupart des sociétés africaines en raison de l'association de la déficience mentale à la sorcellerie, ne permet pas d'établir que l'intéressé ne pourrait bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé dans son pays d'origine alors que M. C... précise dans ses propres écritures qu'il existe en République démocratique du Congo six structures spécialisées auxquelles s'ajoutent deux structures psychiatriques dans des hôpitaux généraux. En outre, si M. C... soutient qu'il ne pourra accéder financièrement à son traitement dès lors qu'il n'existe pas de système d'assurance publique en République démocratique du Congo et que les pénuries de médicaments impliquent de recourir à des importations entrainant une multiplication de deux à trois fois des prix d'achat, il est constant qu'il ne produit aucun élément de nature à établir le coût de son traitement dans son pays d'origine ni qu'il ne disposerait pas des ressources financières suffisantes pour y accéder. Enfin, si M. C... fait valoir que son suivi médical ne peut s'effectuer en République démocratique du Congo dès lors que les persécutions qu'il y a subies seraient à l'origine de ses troubles psychiques, toutefois l'attestation de suivi psychologique du 2 mai 2018 rédigée par Mme D'Elia, psychologue clinicienne au centre Primo Lévi, ne permet pas d'établir que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec un retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision en litige que celle-ci n'est pas fondée sur le refus de reconnaître à M. C... la qualité de réfugié. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet se serait à tort estimé lié par l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, de ce qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé au regard du droit d'asile et de ce qu'il aurait méconnu les dispositions alors applicables des articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la reconnaissance de la qualité de réfugié et au bénéfice de la protection subsidiaire doivent être écartés comme inopérants.
6. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. C... ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 423-23 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévues à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des mentions non contestées de la décision en litige que M. C..., entré en France en décembre 2014 selon ses déclarations, est célibataire et sans charge de famille. S'il soutient toutefois qu'il a noué des liens amicaux forts en France, M. C... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de cette allégation. En outre, la circonstance qu'il justifie à compter du 1er octobre 2020 d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide-monteur en échafaudage est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que cette expérience professionnelle est postérieure à la décision en litige. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé n'établit pas avoir fixé le centre de ses intérêts privés en France, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. C... soutient qu'un retour en République démocratique du Congo l'exposera à un risque de torture ou de mort compte tenu de son engagement au sein du parti de l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Il fait valoir qu'il a été interpellé et retenu à plusieurs dans un centre militaire du fait de cet engagement politique. Si l'intéressé produit devant la Cour un article de presse du 3 janvier 2014 sur l'interpellation de plusieurs militants de l'UDPS ainsi qu'un article du 16 juin 2020 relatant une attaque du siège du parti d'opposition de l'UDPS, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir la réalité de son engagement politique. En outre, il est constant que la demande d'asile déposée par M. C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 septembre 2016, et que sa demande de réexamen a également été rejetée en dernier lieu par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 5 juillet 2017. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas établi qu'un retour en République démocratique du Congo exposerait personnellement l'intéressé à un risque de traitements inhumains ou dégradants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI A... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02266