Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Jet Foncière, venant aux droits de la société Bahit Technology, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL Bahit Technology a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1904578/1-2 du 2 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1 avril 2021, le 21 octobre 2021 et le 7 janvier 2022, la société Jet Foncière, représentée par Me Guillaume, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904578/1-2 du 2 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige.
Elle soutient que c'est à tort que le passif de 792 000 euros enregistré au bilan de la société Bahit Technology au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012 au compte courant 455100 CC 26M C... a été considéré comme injustifié, alors qu'elle justifie que les fonds proviennent d'un compte bancaire personnel de son gérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen de la requête n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Desvigne-Repusseau, rapporteur public désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,
- les observations de Me Guillaume, avocat de la société Jet Foncière,
- et les observations de M. B..., gérant de la société Jet Foncière.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bahit Techhology avait pour activité la vente, l'import-export de tous produits se rapportant aux énergies renouvelables ou connexes, le conseil et développement en énergie et la location d'un local commercial à Amilly (Loiret). Cette société a été dissoute sans liquidation par transmission universelle de patrimoine au profit de son associé unique, la société Jet Foncière, par une décision du 2 avril 2014 avec effet au 1er janvier 2014, et a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 5 janvier 2015. A la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013 et par une proposition de rectification du 30 juillet 2015, l'administration fiscale a notifié à la société Jet Foncière, venant aux droits de la société Bahit Technology, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La société Jet Foncière a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge des impositions restant en litige après le dégrèvement partiel qui lui a été accordé le 9 janvier 2019. Elle relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 février 2021, en tant qu'il a rejeté sa demande à hauteur d'un rehaussement en base de 792 000 euros.
Sur le bien-fondé de l'imposition restant en litige :
2. Aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Aux termes du 2 du même article : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ".
3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
4. Le vérificateur a constaté qu'au bilan de la société Bahit Technology au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012, le compte courant d'associé 455100 intitulé " 26.M C... " affichait un solde créditeur de 792 000 euros et a estimé que ce passif était injustifié. Pour justifier ce passif, la requérante a soutenu pendant les opérations de contrôle et devant les premiers juges que ce solde résultait d'un prêt de 865 000 euros consenti à la société Bahit Technology par son actionnaire à 50 % la société britannique 26.M C..., en vue de l'acquisition d'un ensemble immobilier situé à Amilly (Loiret) réalisée le 25 juillet 2011, et que les fonds provenaient d'investisseurs étrangers qui les avaient versés à la société 26.M C.... En appel, la société soutient désormais que la somme de 865 000 euros utilisée pour l'acquisition de l'ensemble immobilier ne provient pas de la société 26.M C..., mais de M. B..., gérant et associé de la société Jet Foncières.
5. Si, par les éléments qu'elle produit en appel, la requérante peut être regardée comme établissant que son gérant, M. B..., a directement versé au notaire chargé de la vente immobilière conclue le 25 juillet 2011 une somme de 865 000 euros par virement provenant d'un compte bancaire non déclaré dont celui-ci était titulaire en Suisse, de tels faits sont par eux-mêmes sans incidence sur le bien-fondé du rehaussement d'impôt sur les sociétés restant en litige, dès lors qu'ils n'établissent pas plus que les faits précédemment invoqués que la société 26.M C..., dont M. B... n'est au demeurant pas actionnaire, aurait consenti à la société Bahit Technology le moindre prêt susceptible de constituer pour celle-ci un passif justifié au titre de son exercice clos au 31 décembre 2012. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le passif litigieux n'était pas justifié et que l'administration fiscale était fondée à réintégrer la somme de 792 000 euros au résultat de l'exercice clos en 2012.
6. A supposer que la société requérante puisse être regardée comme demandant la rectification de l'erreur comptable consistant à avoir inscrit la somme litigieuse au crédit du compte courant de la société " 26.M C... " alors qu'elle aurait dû la figurer au crédit du compte courant d'associé de M. B..., les faits invoqués ne relèvent en tout état de cause pas de l'erreur comptable involontaire, et donc rectifiable.
Sur la pénalité de 40 % pour manquement délibéré :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
8. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré, l'administration a relevé que M. B..., représentant légal de la société Jet Foncière, ne pouvait ignorer la provenance réelle de la somme de 865 000 euros versée à la caisse du notaire dans le cadre de l'acquisition immobilière du 25 juillet 2011 et comptabilisée au crédit du compte courant de la société 26.M C..., dont sa fille est l'associée unique. L'administration a en outre relevé que le maintien au bilan de la société pendant plusieurs exercices successifs d'une dette d'un montant important qu'elle ne pouvait justifier ne pouvait être regardé comme une simple erreur commise de bonne foi. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence de manquements délibérés et justifie ainsi l'application des pénalités au taux de 40 % prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jet Foncière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Jet Foncières est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jet Foncières et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris (pôle juridictionnel administratif).
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Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Segretain, premier conseiller,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
La rapporteure,
E. A...La présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01725