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07/12/2022 | FRANCE | N°21PA04913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 décembre 2022, 21PA04913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1917445/1-2 du 6 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, M. A..., repr

senté par Me Robert Bouquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui lui ont été assignées au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1917445/1-2 du 6 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Robert Bouquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne facture pas ses services par l'intermédiaire d'une société située au Royaume-Uni ;

- il perçoit des salaires de la part de la société TOL laquelle exerce un véritable rôle de gestion de trésorerie au sein du groupe ;

- l'interposition de la société TOL permet de faciliter la gestion de la société française ;

- la société TOL n'est pas dépourvue de substance économique ;

- en ne redressant pas la société Vocalcom au titre du flux de management fees versé à la société TOL au cours d'exercices antérieurs, l'administration a nécessairement pris position quant à la réalité des fonctions exercées par la société holding TOL ;

- l'administration n'établit pas la volonté d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

30 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était, en 2014, 2015 et 2016, dirigeant unique et associé de la société TOL, dont le siège social est situé au Royaume-Uni. Dans le cadre d'une convention de mandat en date du 17 mai 2011, la société TOL a facturé à la société Willink, dont le siège est en France et dont M. A... était alors salarié et administrateur, des prestations de services relatives à l'exercice de la présidence de la société Willink par la société TOL, prestations intégralement refacturées par la société Willink à la société Vocalcom. A l'occasion d'un contrôle sur pièces des revenus de M. A... ayant porté sur les années 2014 à 2016, consécutif à une vérification de comptabilité de la société Willink, l'administration, faisant application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, a réintégré dans les revenus de M. A... les sommes facturées par

la société TOL à la société Willink à raison de ces prestations de services, pour la réalisation desquelles M. A... était expressément désigné. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts au titre des trois années considérées, ont été en conséquence mises à la charge du contribuable. M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi :

2. Aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; (...) ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

3. Il résulte de l'instruction que la société Willink a été créée en avril 2011 et a acquis, en mai 2011 auprès de la société TOL, dont M. A... est le dirigeant et l'actionnaire majoritaire, la totalité des actions de la société Vocalcom, dont le siège est en France. Une convention de mandat a été signée le 17 mai 2011 entre la société Willink et ses actionnaires, dont la société TOL, en présence de M. A..., qui stipule, à son article 2, qu'à compter du jour de la signature, la société TOL est désignée en qualité de président, mandataire social, de la société Willink pour une durée indéterminée, moyennant une rémunération annuelle hors taxes de 516 000 euros en contrepartie de l'exercice de cette présidence selon l'article 3 de la convention. Cette convention comprend un article 6 intitulé " Intuitu personae ", qui stipule qu'elle est conclue en considération de la personnalité du dirigeant et de son représentant légal, M. A..., et que la société TOL s'engage à désigner ce dernier, associé et dirigeant unique, en qualité de représentant permanent pendant toute la durée de son mandat. Il suit de là que les sommes litigieuses ont été perçues par la société TOL en rémunération de l'activité de dirigeant salarié de la société Willink exercée par M. A.... Il appartient ainsi à M. A... d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation des prestations de présidence de la société Willink par la société TOL aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui aurait été propre à cette société et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.

4. M. A... soutient que la société TOL concentre les fonctions de gestionnaire de la trésorerie du groupe Vocalcom, ce qui lui permet de concéder des apports en compte courant et des avances de trésorerie à la société Willink, d'un montant largement supérieur aux prestations facturées, afin de financer le développement du groupe, et qu'il ne pourrait exercer seul ce rôle de gestionnaire de trésorerie, l'interposition de la société TOL permettant de concentrer la trésorerie à un coût fiscal moindre en raison d'une centralisation des coûts de structure et d'un régime fiscal avantageux pour la remontée de dividendes. Il fait également valoir que la désignation d'une personne morale en tant que mandataire social présente des avantages pour la gestion de la responsabilité des dirigeants. Par ailleurs, il soutient que la société TOL, dont l'existence est reconnue par l'administration fiscale britannique et qui a accueilli d'autres actionnaires, n'est pas dépourvue de substance économique, dès lors qu'elle détient d'autres participations et a effectivement exercé l'activité de présidence de la société Willink, ce qui justifie l'absence de montage purement artificiel.

5. Toutefois, ces arguments généraux ne sont pas de nature à établir que les sommes en litige n'auraient pas rémunéré les prestations de présidence de la société Willink effectuées par M. A..., mais des prestations résultant d'une intervention propre de la société TOL pour son compte, l'incapacité alléguée du requérant à assumer seul les fonctions de présidence, et notamment la gestion de la trésorerie du groupe Vocalcom, étant contredite par les termes mêmes de l'article 6 de la convention de mandat du 17 mai 2011. En outre, M. A... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la société TOL, alors même qu'elle n'est pas dénuée de substance économique et que son intervention aurait apporté une " plus-value " au groupe, aurait effectué en propre des tâches relatives à la présidence de la société Willink autres que celles effectuées par le requérant dans le cadre du mandat. En particulier, il n'est pas démontré que l'activité alléguée de gestion de trésorerie au bénéfice du groupe aurait été exercée en propre par la société TOL et non par M. A..., lequel était d'ailleurs dirigeant et unique salarié de la société TOL, dans le cadre de l'activité de présidence de la société Willink exercée par lui. C'est par suite à bon droit qu'en application des dispositions précitées, les sommes versées à la société TOL pour les services de présidence de la société Willink ont été considérées comme imposables à l'impôt sur le revenu en France au nom de M. A....

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

7. M. A... soutient que la société Vocalcom a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2005 et 2006, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir adressé une proposition de rectification du 18 décembre 2008 remettant en cause la déductibilité par la société Vocalcom de management fees versés à la société TOL pour ses fonctions de direction, en l'absence d'éléments permettant d'apprécier la nature exacte des prestations et leur chiffrage, a abandonné ces rectifications au stade du recours hiérarchique, compte tenu des explications fournies. Il en conclut que cet abandon constitue une prise de position formelle quant à la réalité des fonctions exercées par la société TOL, sans qu'ait d'incidence la création de la société Willink intervenue postérieurement.

8. Toutefois, ces rectifications, dont l'abandon n'a pas été motivé et qui portaient sur une période antérieure à la création de la société Willink, ne concernaient pas le même impôt, non plus que le même contribuable, ni les mêmes années. Il n'en résulte aucune prise de position de l'administration sur l'existence d'une contrepartie réelle dans une intervention au bénéfice de la société Willink qui aurait été propre à la société TOL et sur le fait que les prestations en litige auraient été rendues pour le compte de cette société. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par M. A... ne révèlent aucune prise de position formelle dont il serait en droit de se prévaloir sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A..., en tant que dirigeant et associé de la société britannique TOL, a fait facturer par cette société, qu'il contrôle, des prestations relatives à l'exercice de la présidence de la société Willink, alors qu'il a lui-même effectué ces prestations et qu'il a été expressément désigné à cet effet. Il ne pouvait ainsi ignorer que les sommes en cause ne rémunéraient aucune intervention propre de la société TOL et a, par suite, commis un acte intentionnel qui a permis, du fait de l'interposition de la société de droit britannique, d'exclure de ses salaires imposables en France une majeure partie de ses revenus. Ainsi et alors même qu'il déclarerait au Royaume-Uni, ainsi qu'en France pour l'application du taux effectif, les sommes d'un montant différent qui lui ont été versées par la société TOL, dont rien n'établit d'ailleurs qu'elles rémunéraient les mêmes fonctions, et que cette dernière aurait par ailleurs une activité économique propre, la volonté délibérée de M. A... de soustraire une partie de ses revenus salariaux à l'imposition en France doit être regardée comme établie et l'administration justifie dès lors du bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré prévues au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA04913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04913
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : BOUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-07;21pa04913 ?
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