Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par une ordonnance n° 221008 du 10 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 juin 2022, M. C..., représenté par Me Lefort, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'ordonnance n° 221008 du 10 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 14 avril 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Me Lefort, avocate de M. C... la somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat et, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que sa requête de première instance n'était pas tardive ;
- l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français est incompétent ;
- cette décision est insuffisamment motivée et est entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant délai de départ volontaire de 30 jours est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 11 juillet 2022.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen né le 21 octobre 1994, est entré en France le 25 novembre 2018, selon ses déclarations. La demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 3 septembre 2021 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 28 février 2022. Par arrêté du 14 avril 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Par ordonnance du 10 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande pour tardiveté. M. C... relève appel de cette ordonnance.
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... ayant été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 11 juillet 2022, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) Conformément aux dispositions de l'article L. 614-5 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. (...) ". Aux termes de l'article R.776-5 du même code : " (...) II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié par courrier recommandé à M. C..., qui en a accusé réception le 20 avril 2022. M. C... a saisi le Tribunal administratif de Paris le 3 mai 2022, avant l'expiration du délai de recours contentieux, d'une demande d'annulation de cette décision ainsi que des décisions notifiées simultanément, qui a été enregistrée le 3 mai 2022, soit, en application des dispositions précitées, avant l'expiration du délai de recours contentieux. Il est donc fondé à soutenir que sa requête n'étant pas tardive, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulée
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que sur ses moyens soulevés en appel.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2021-202 de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
7. En deuxième lieu, la décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 611-1 I 6°. Elle mentionne en outre la nationalité et la date de naissance de M. C... ainsi que celle de son entrée en France, précise que l'intéressé a sollicité l'asile et que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 3 septembre 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 février 2022. Elle indique également que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent sa décision et, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté. Une telle motivation révèle par ailleurs qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L' autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que par une décision lue en audience publique le 28 février 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours formé par M. C... contre la décision du 3 septembre 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté sa demande d'asile. La circonstance que cette décision ait été ou non notifiée à l'intéressé est dès lors sans incidence sur son droit au maintien sur le territoire français, qui prenait fin, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 542-1, à compter de la date de lecture de la décision de la Cour. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
10. En quatrième lieu, M. C... soutient que le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments caractérisant sa situation personnelle ainsi que la dégradation de la situation en Guinée à la suite du coup d'Etat du 5 septembre 2021. Toutefois, cette seule circonstance, au demeurant antérieure à la décision de la CNDA, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas pris en compte sa situation personnelle, ne suffit pas à établir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....
11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de destination et tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris n° 2210081 du 10 mai 2022 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Hamon, présidente,
- M. Segretain, premier conseiller,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
La rapporteure,
E. A...La présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02617 2