Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. D... et Mme B... épouse D... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités.
Par un jugement n° 1908822/1-2 du 20 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a déchargé Mme B... des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. D... et Mme B... épouse D... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Guidet, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1908822/1-2 du 20 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- le Tribunal se réfère irrégulièrement à des pièces n'étant pas au dossier et qui, si elles existent, ne lui ont pas été communiquées ;
- le service a méconnu les principes d'égalité des armes, du contradictoire, et les droits de la défense en refusant de lui communiquer une copie des pièces sur lesquelles les rehaussements sont fondés, la mettant dans l'impossibilité de contester les rehaussements sur le fond ;
- elle devait faire l'objet d'une imposition distincte de son époux en application du c) du 4 de l'article 6 du code général des impôts ;
- la preuve de l'abandon du domicile conjugal peut résulter de plusieurs éléments ayant une valeur probante relative en vertu de la doctrine référencée BOI-CTX-20120912 n°100, invoquée sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- le service ne démontre pas que son ancien époux aurait eu la disposition des sommes regardées comme distribuées ;
- l'application des pénalités pour manquement délibéré de son fait est insuffisamment motivée dans la proposition de rectification ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne peuvent être mises à sa charge au titre de la solidarité entre époux ;
- les pénalités pour manquement délibéré aux obligations déclaratives en matière d'impôt sur le revenu ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts peut être substitué comme fondement de l'imposition des retraits d'espèces à la base légale initialement retenue, qui était le 2° du 1 du même article ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., avec lequel Mme B... était mariée jusqu'en 2015, était associé et gérant jusqu'en avril 2014 de la SARL KBG 93, qui exerçait principalement une activité de plomberie, peinture, et ramassage de gravats. A la suite de la vérification de sa comptabilité, conclue notamment par des rectifications en matière d'impôts sur les sociétés, M. et Mme D... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013, notifiées par deux propositions de rectification successives du 10 septembre 2015 et du 9 octobre 2015. Mme B... fait appel du jugement du 20 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme B... soutient que le Tribunal, au point 10 du jugement attaqué, s'est irrégulièrement référé à des pièces n'étant pas au dossier et qui, si elles existent, ne lui ont pas été communiquées, il ressort des termes en cause du jugement que les premiers juges, en indiquant qu'il " résulte de l'instruction " qu'un ensemble de pièces a mis en évidence des encaissements, doivent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme ayant repris à leur compte les constatations de l'administration sans s'être fondés sur des pièces qu'ils n'auraient pas communiquées à la requérante. Le moyen doit donc être écarté.
Sur la régularité de la procédure :
3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., par quatre réclamations successives, a demandé une copie de la proposition de rectification à l'origine des impositions litigieuses, qui lui a été communiquée, ainsi que de l'ensemble des pièces de la procédure suivie à l'encontre de la société et les documents obtenus dans le cadre du droit de communication exercé par le service dans le cadre de cette même procédure. Il est constant que l'administration a adressé à Mme B... et à son conseil, en annexe des propositions de rectification des 10 septembre 2015 et 9 octobre 2015, la proposition de rectification notifiée à la société KBG 93. Par suite, et contrairement à ce qu'elle soutient, elle a été mise à même de contester les motifs de rectification et de se défendre, la circonstance que des pièces appuyant ces rectifications ne lui ont pas été transmises, en vertu du secret professionnel invoqué par l'administration, et au motif que la société est un contribuable distinct, n'y faisant en tout état de cause pas obstacle, alors au demeurant qu'elle n'invoque aucun chef de rectification qu'elle serait dans l'incapacité de contester. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes du contradictoire, de l'égalité des armes, et des droits de la défense doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. En vertu du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ", Mme B..., qui s'est abstenue de répondre, dans le délai de trente jours, à la proposition de rectification du 9 octobre 2015, supporte, en conséquence, la charge de démontrer le caractère exagéré de l'imposition en litige.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. (...) Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie aux noms des époux. (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : (...) / c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts ".
6. Si Mme B... soutient qu'en application des dispositions précitées, elle devait faire, au titre des années en cause, l'objet d'une imposition distincte de son époux, dès lors qu'en 2012 et 2013, elle disposait de revenus distincts et que son mari avait quitté le domicile conjugal en octobre 2009, il est constant, d'une part, que les époux avaient déposé, en 2013, une déclaration commune d'imposition sur leurs revenus 2012, mentionnant une adresse commune à Paris et, d'autre part, que, dans la convention de divorce annexée au jugement de divorce prononcé le 31 mars 2015, il est énoncé, au paragraphe 3 relatif au " logement des époux ", que " durant l'instance les époux résideront au 33 bd Poniatowski 75012 Paris. M. D... quittera l'appartement fin mars 2015. Mme B... quittera l'appartement fin avril 2015. " La requérante n'établit pas la réalité de l'abandon du domicile conjugal en 2012 et 2013 par la production d'une déclaration de main courante du 1er octobre 2010 en ce sens, de documents d'EDF ou de son assurance à son nom de jeune fille, d'un courrier de janvier 2011 adressé à la CAF de Paris pour justifier pourquoi elle n'avait alors pas demandé de pension alimentaire à son mari, de deux attestations de voisins d'immeuble témoignant l'y avoir toujours croisée seule entre 2008 et 2014 alors que son mari vivait avec elle au moins jusqu'en octobre 2009, et enfin d'une attestation du père de son ex-époux, datée du 14 juin 2018, mentionnant l'emménagement chez lui de son fils fin 2009, sans préciser la durée de ce séjour, ainsi que la relation nouée par celui-ci avec une nouvelle compagne avant le divorce de 2015, sans plus de précisions. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a soumis les revenus de Mme B... et de son époux à une imposition commune en 2012 et 2013 sur le terrain de la loi. En outre, la requérante n'invoque pas utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les commentaires administratifs de la loi fiscale, sous la référence BOI-CTX-DRS-20120912 n°100, qui, en tout état de cause, n'en donnent pas une interprétation différente de celle qui a été retenue.
7. En second lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. "
8. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 9 octobre 2015, le service a établi l'imposition de revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. S'agissant des retraits d'espèces réalisés avec la carte bancaire de la société en 2012 et 2013, l'administration demande en appel de procéder à une substitution de base légale, qui ne prive la contribuable d'aucune garantie, et à laquelle il y a donc lieu de faire droit, afin de fonder l'imposition de ces sommes sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. L'administration fait valoir, sans être utilement contredite, que l'ancien époux de Mme B... était gérant de droit et était le titulaire de la carte bancaire de la société en cette qualité. Par suite, elle est fondée à soutenir qu'il devait être regardé comme le maître de l'affaire et à imposer en conséquence entre ses mains les sommes retirées en espèces avec cette carte, constitutives de revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. S'agissant des chèques et virements en cause, l'administration fait valoir qu'elle a relevé que de nombreux chèques de la société, dont elle a obtenu la copie en réponse à l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire de la société KBG 93, ont été libellés au nom de l'ancien époux de Mme B..., et encaissés directement au guichet ou sur les comptes personnels, dont elle donne les numéros, que celui-ci détenait aux agences Daumesnil du CIC et de la BRED, que des virements de la sociétés avaient également été encaissés sur les mêmes comptes personnels, et que le montant global de ces encaissements s'élevait à 21 100 euros en 2012 et 96 921 euros en 2013. La requérante ne conteste pas utilement ces constats en se bornant à relever que l'administration ne produit pas la copie des chèques libellés au nom de son époux et à faire valoir qu'elle n'établit pas que c'est lui qui a encaissé les chèques à son nom. L'administration doit par suite être regardée comme démontrant l'appréhension de l'ensemble des sommes litigieuses par l'ancien époux de Mme B....
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). " Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines, qui s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus.
10. Pour fonder les pénalités litigieuses, le service a retenu que M. D..., en tant que gérant de la société KBG 93, assurant en droit et en fait le fonctionnement de l'entreprise, ne pouvait ignorer l'absence de déclarations fiscales et de comptabilité, qu'il avait la disposition exclusive du compte bancaire de la société, et ne pouvait donc ignorer que des chèques avaient été libellés à son nom et encaissés par lui-même, et que d'importantes sommes en espèces avaient été retirées, qu'il a omis de déclarer. Le service a également notamment relevé qu'à la date d'envoi des propositions de rectification de 2015, Mme B... et son époux étaient défaillants en matière de déclaration à l'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014, qu'ils n'avaient pas signalé leur changement d'adresse aux services fiscaux et que Mme B... n'a jamais fait de déclaration de revenus distincte indiquant qu'elle était divorcée ou séparée. L'administration établit ainsi le caractère délibéré du manquement du foyer fiscal et était fondée à appliquer les pénalités litigieuses, qui sont suffisamment motivées, aux rectifications touchant le revenu imposable commun de Mme B... et son ancien époux.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
C. JARDINLa greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03427 2