Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1907113 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, M. B..., représenté par Me Ralitera, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907113 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 de la préfète de Seine-et-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'une semaine à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas pris en compte son mémoire et les pièces enregistrées respectivement le 18 et le 20 janvier 2021.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la décision attaquée a méconnu son droit à être entendu, au titre du principe général du droit à une bonne administration consacré par les articles 41 et 51 de la Charte des droits fondamentaux ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation justifie une régularisation par le travail ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est devenue caduque ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Ralitera, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 10 décembre 1982 à Tanjonatiana Dinasitraka (Madagascar), et entré en France le 28 mai 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité, le 13 octobre 2017, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-1-1 du même code : " Postérieurement à la clôture de l'instruction ordonnée en application de l'article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces ".
3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que, par une ordonnance du 4 janvier 2021, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Melun a clôt l'instruction au 11 janvier 2021. Le 18 janvier 2021, le greffe du tribunal administratif de Melun a demandé à la préfète de Seine-et Marne, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de lui communiquer une pièce qui, à sa réception le même jour, a été communiquée à M. B..., et qui n'a rouvert l'instruction qu'en ce qui concernait ladite pièce. M. B... a ensuite produit un mémoire, le 18 janvier 2021, dans lesquels il a pu faire valoir ses observations sur la pièce en cause, ainsi que des pièces complémentaires enregistrées le 20 janvier 2021, et qui n'avaient pas à être communiqués à la préfète de Seine-et-Marne. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 28 mai 2017 sous couvert d'un visa de type C à entrées multiples, après avoir épousé le 3 novembre 2016, à Madagascar, une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle de deux ans, renouvelée en dernier lieu le 30 juillet 2019, et avec laquelle il entretient une vie commune, ainsi qu'avec leurs trois enfants nés les 13 décembre 2012, 13 février 2019 et 14 septembre 2020. M. B... bénéficie d'un contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur livreur au sein de la société Twins qui l'a recruté en février 2018 pour un revenu net après impôt d'environ 1 470 euros par mois, et dont le gérant le soutient dans le cadre de ses démarches de régularisation au titre du travail. Son épouse est titulaire d'un titre professionnel d'assistante de vie aux familles délivré le 19 octobre 2016 qui lui permet de travailler en France, où elle vit depuis au moins 2012. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué a porté au droit de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de fait et de droit de M. B..., que le préfet de Seine-et-Marne lui délivre une carte de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, et dès lors que l'intéressé n'a pas sollicité ni, a fortiori, obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1907113 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 1er juillet 2019 de la préfète de Seine-et-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne, sous réserve d'un changement dans la situation de fait et de droit de M. B..., de délivrer à ce dernier un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne et à Me Ralitera.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.
La rapporteure,
C. A...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01844 2