Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 août 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2007594 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2021 et le 23 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me Andrivet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007594 du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2020 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andrivet de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée, révélant un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par la voie de l'exception, à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- cette décision est illégale par la voie de l'exception, à raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale par la voie de l'exception, à raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire.
La Défenseure des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 portant création de cette haute autorité, a présenté des observations, enregistrées le 22 septembre 2022.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... ;
- et les observations de Me Andrivet, pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 4 décembre 1982 à Mascara (Algérie), a obtenu le 24 mai 2019 la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention " accompagnant d'enfant malade " valable jusqu'au 23 novembre 2019. Elle a sollicité le 12 février 2020 le renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour et la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 25 août 2020, le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée à l'issue de ce délai. Mme D... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ou de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté du 25 août 2020 vise notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour, et notamment l'état de santé de son enfant et sa situation familiale. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de Mme D....
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour l'accompagnement d'un enfant malade.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant de la requérante, âgé de seize ans à la date de la décision attaquée, souffre d'un diabète insulinodépendant de type 1 depuis l'âge de dix-huit mois, et d'un syndrome de Mauriac, caractérisé par un retard staturo-pondéral et pubertaire, une hépatomégalie et une cytolyse hépatique avec cholestase découverte au mois de janvier 2018. Les comptes rendus d'hospitalisation annuels de 2018 à 2020 relèvent par ailleurs de fréquents oublis de traitement et des réactions allergiques aux molécules d'insuline qui ont conduit à lui prescrire depuis le mois de février 2019 l'utilisation d'une pompe à insuline destinée à espacer les crises d'hypoglycémie relativement fréquentes jusque-là. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le collège de médecins de l'OFII a rendu un avis le 10 juin 2020 selon lequel l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager. Pour remettre en cause l'appréciation à laquelle le préfet du Val-de-Marne s'est livré au vu de cet avis, Mme D... fournit plusieurs certificats médicaux établis par le docteur A..., endocrinologue au Kremlin-Bicêtre, dont certains sont postérieurs à la décision attaquée, et selon lesquels l'enfant de Mme D... " (...) est actuellement suivi pour une pathologie grave nécessitant un suivi médical continu ne pouvant être dispensé dans son pays d'origine (...) ". Toutefois, ces certificats ne donnent aucune précision sur la nature du suivi médical en cause et les raisons pour lesquelles celui-ci ne serait pas possible en Algérie. Si Mme D... produit deux articles de presse rédigés par le président de l'association des diabétiques d'Alger et une étude réalisée par un médecin du centre hospitalier universitaire de Beni Messous attestant que le système de pompe à insuline n'est pas pris en charge par l'assurance maladie en Algérie et que son coût d'achat avoisine les 740 000 dinars algériens, auquel s'ajoute un coût d'environ 30 000 dinars par mois pour l'achat des produits injectables, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, son enfant était déjà équipé d'un tel dispositif, qui a été prescrit et pris en charge en France en février 2019 et dont la durée de vie moyenne est de six à huit années. Enfin, l'intéressée, qui produit des justificatifs de ses revenus ainsi que ceux de son époux en Algérie, dont il ressort qu'ils percevaient tous les deux en moyenne un peu plus de 99 000 dinars par mois, n'établit pas qu'ils ne seraient pas en mesure d'assumer financièrement l'achat des seuls consommables restant à leur charge, ainsi que des soins infirmiers à domicile dont il est allégué qu'ils sont nécessaires, alors même qu'ils ont quatre autres enfants mineurs à charge. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le refus implicite de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade serait contraire à l'intérêt supérieur de son enfant et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme D... fait valoir qu'elle est entrée en France en décembre 2017 avec son enfant malade, que son dernier enfant est né en France en mai 2018 et que son mari et leurs trois autres enfants les ont rejoints en juillet 2018. Elle fait également valoir la présence en France de son frère et de sa belle-sœur, de nationalité française, ainsi que ses capacités d'intégration, comme en attestent ses recherches d'emploi et le fait qu'elle a travaillé, comme intérimaire puis dans le cadre de la période d'essai d'un contrat à durée déterminée, de juin à septembre 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que son époux est également en situation irrégulière en France. Mme D... n'allègue pas ne plus avoir d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, ni que la vie familiale et la scolarité des enfants ne pourrait pas se poursuivre en Algérie. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et pour les mêmes motifs, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas établi que l'enfant malade de Mme D... ne pourrait pas effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement adapté à son état de santé, ni, par conséquent, qu'une poursuite de la vie familiale ne serait pas envisageable en cas d'exécution de la mesure d'éloignement en litige. Par ailleurs, si Mme D... fait valoir que son fils a bénéficié en France d'un projet d'accueil individualisé, permettant une scolarité adaptée, elle n'apporte au dossier aucun élément établissant qu'une telle scolarité n'aurait pas été possible en Algérie. Dès lors, et eu égard par ailleurs, à la date de la décision attaquée, à la faible durée de la présence en France de Mme D... et de son fils, ainsi que du reste de sa famille, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français reposerait sur un refus de séjour illégal doit être écarté.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme D... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français reposeraient sur un refus de séjour illégal doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :
14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français reposeraient sur un refus de séjour illégal doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., épouse C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne et à la Défenseure des droits.
Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2023.
La rapporteure,
C. E...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04410 2