Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée de 24 mois, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2104616 du 26 février 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2022 M. B..., représenté par
Me Chemouilli, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 25 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée de 24 mois ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a à tort rejeté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien comme inopérant à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français, alors que sa résidence en France depuis plus de dix ans aurait tout de même dû être prise en compte, que sa demande était aussi dirigée contre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, et enfin que le jugement du tribunal l'empêche de déposer la demande de titre de séjour auquel il a droit en application de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté attaqué méconnait aussi les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'il justifie de sa vie commune, en France, avec une de ses compatriotes, titulaire d'un certificat de résidence d'algérien d'une durée de dix ans, et leur fille, née le
7 janvier 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le préfet de police demande à la Cour de rejeter la requête.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 17 septembre 1968 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 26 mars 1990 à Ain Taya (Algérie), est entré en France le 15 août 2010 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français, en 2011 après le rejet de sa demande de titre de séjour pour raison de santé, en 2015 après un nouveau refus de titre de séjour, en 2017 après avoir été interpellé lors d'un contrôle d'identité, et en 2019 après avoir été interpellé pour des faits de vol en réunion, et il semble s'être néanmoins maintenu sur le territoire français. Il a de nouveau été interpellé le 17 avril 2021 pour des faits de recel et a été placé en garde à vue. Puis, par arrêté du 18 avril 2021, le préfet de police a prononcé à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de 24 mois.
M. B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Transmise au tribunal administratif de Melun par ordonnance du
11 mai 2021, cette demande a été rejetée par cette juridiction par jugement du 26 février 2022 dont l'intéressé relève dès lors appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ". Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi le requérant peut utilement faire valoir à l'encontre de la décision en litige qu'il satisferait aux conditions posées par les dispositions précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, s'il soutient qu'à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, soit le 18 avril 2021, il résidait en France depuis plus de dix ans, la seule production pour l'année 2011 d'un récépissé de demande de titre en date du 3 janvier 2011 et de deux relevés de compte chèques, et pour 2012 d'une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat, d'un relevé de compte chèque et d'un avis d'impôt 2013 pour les revenus de 2012, ne faisant apparaitre aucun revenu pour cette année-là, ne permettent pas d'établir qu'il aurait résidé en France, notamment, au cours des années 2011 et 2012, ni, par suite, qu'il pouvait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence, en application des stipulations précitées de l'article 6.1 de l'accord franco-algérien. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces stipulations, et ce nonobstant la circonstance que cet arrêté rendrait difficile ou impossible l'octroi éventuel d'un titre de séjour sur le fondement de cet article 6-1 de l'accord franco-algérien.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
4. Si M. B... invoque sa vie commune depuis 2017 avec une de ses compatriotes et leur fille, née le 7 janvier 2018, et produit la carte de résident de sa compagne, valide du 31 mai 2014 au 30 mai 2024, ainsi que l'acte de naissance de leur fille, il ne démontre pas que leur vie commune, à supposer celle-ci établie, ne pourrait se poursuivre dans leur pays d'origine, qui leur est commun, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans et où il n'établit ni n'allègue ne plus avoir d'attaches. Par ailleurs, s'il fait état de ce qu'il résiderait en France depuis 2010, sans au demeurant que cela ressorte des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne justifie pas, en tout état de cause, d'une intégration particulière en France, où il se définit lui-même dans l'acte de naissance de sa fille comme " sans profession " et où il est constant qu'il s'est rendu coupable de diverses infractions. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, ni par suite qu'il méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.
5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
6. Si M. B... fait état de la présence en France de sa fille, née le 7 janvier 2018 et titulaire d'un document de circulation, ainsi qu'il vient d'être dit, il n'établit pas qu'il ne pourrait poursuivre sa vie familiale avec sa compagne et leur fille dans leur pays d'origine, à supposer même qu'il participe effectivement à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2023.
La rapporteure,
M-I. C...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01455