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21/04/2023 | FRANCE | N°21PA02971

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 avril 2023, 21PA02971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ont refusé de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1909242 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistré

s le 1er juin 2021 et le 11 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Bracq, demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er mars 2019 par laquelle le ministre des solidarités et de la santé, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ont refusé de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 1909242 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er juin 2021 et le 11 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Bracq, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909242 du 31 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 1er mars 2019 du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- sa requête de première instance est recevable ;

- l'administration a commis une erreur de droit en ne prenant en compte que 60 % de ses années de formation au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement aux jeunes sourds ;

- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée ;

- une rupture d'égalité est caractérisée quant à la reprise des années de formation au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement aux jeunes sourds entre les professeurs d'enseignement général des instituts des jeunes sourds titularisés il y a moins de 4 ans et ceux titularisés avant ; en outre, des agents qui ont fait l'objet d'une " stagiairisation " concomitamment à sa propre " stagiairisation " ont bénéficié d'une reprise de leurs années de formation au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement aux jeunes sourds dans leur intégralité.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2022, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.

La requête a également été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 ;

- le décret n° 86-1151 du 27 octobre 1986 ;

- le décret n° 93-293 du 8 mars 1993 ;

- l'arrêté du 20 août 1987 fixant les modalités de formation, les conditions d'organisation de l'examen en vue de l'obtention du diplôme d'Etat intitulé certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir obtenu le certificat d'aptitude au professorat et à l'enseignement des jeunes sourds (E...), A... C... a été, par un arrêté du 22 mai 2012, nommée dans le corps des professeurs d'enseignement général des instituts nationaux de jeunes sourds (B...) de classe normale stagiaire au 1er septembre 2012, classée au 4ème échelon du grade de professeur d'enseignement général des INSJ de classe normale, avec une ancienneté conservée de 1 an, 1 mois et 3 jours, et affectée à compter de cette date à l'INJS de Paris. Par un courrier du 21 novembre 2018, dans lequel elle invoque la reconstitution de carrière accordée à une de ses collègues, Mme C... a demandé à l'administration de procéder à la reconstitution de sa carrière, estimant qu'elle pouvait prétendre à une reprise d'ancienneté, au 1er septembre 2012, de 1 an et 6 mois. Par une décision implicite née du silence de l'administration sur cette demande, puis par une décision expresse du 1er mars 2019, le ministre des solidarités et de la santé, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ont rejeté cette demande. Mme C... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut, en tout état de cause, pas utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Devant le tribunal administratif de Paris, le ministre des solidarités et de la santé a opposé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de Mme C.... Toutefois, d'une part, si une décision implicite de rejet de la demande du 21 novembre 2018 est née suite au silence gardé par l'administration pendant deux mois sur cette demande, conformément aux dispositions de l'article L. 231-4 5° du code des relations entre le public et l'administration, l'intervention, le 1er mars 2019, dans le délai de recours de deux mois ouvert contre cette décision implicite, d'une décision expresse de rejet a ouvert un nouveau délai de recours de deux mois à compter de sa notification. Par suite, la demande de Mme C..., tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2019, qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 2 mai 2019, n'était pas tardive.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des arrêtés de classement, nomination et titularisation produits par Mme C..., ainsi que des tableaux établis par celle-ci et dont l'exactitude n'est pas remise en cause en défense, s'agissant de deux agents titularisés l'un à compter du 1er janvier 2003 et l'autre à compter du 1er janvier 2008, que l'administration avait, antérieurement à la nomination et à la titularisation de Mme C..., admis de prendre en compte, pour l'application de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951, la totalité des deux années de formation pour l'obtention du E.... Il ressort également des pièces du dossier qu'alors qu'elle avait apparemment renoncé à cette doctrine aux dates auxquelles Mme C..., lauréate de la session 2011 du concours externe de professeur d'enseignement général des B..., a été nommée puis titularisée dans ce corps, la formation n'étant prise en compte qu'à hauteur de 60 %, correspondant aux heures passées en stage pédagogique et en stage clinique, à l'exclusion des enseignements théoriques et pratiques, l'administration a de nouveau admis, ultérieurement, une prise en compte à 100 % des années de formation pour l'obtention du E... et son application rétroactive aux professeurs déjà titularisés, sous réserve que la créance ne soit pas prescrite. Cela ressort en particulier du courriel du 28 mars 2019 adressé à une de ses collègues et représentante syndicale, Mme D..., par le directeur des ressources humaines du ministère chargé des affaires sociales, selon lequel " il résulte de la lecture combinée du décret n° 69-625 du 14 juin 1969 et de l'article 11-5 du décret n° 51 - 1423 du 5 décembre 1951, l'un et l'autre publiés au Journal officiel, que les élèves professeurs sont réputés suivre à temps plein leur formation diplômante et doivent donc bénéficier sur cette base des modalités prévues de reprise de la durée de leur formation lors de leur nomination dans le corps de PEG. / Les intéressés ou leurs représentants disposaient donc juridiquement, à la lecture de ces dispositions, de la possibilité de solliciter, dans les délais prescrits, de nouvelles modalités de classement et réclamer les créances qu'elles induisaient. ", ainsi que des termes mêmes de la décision attaquée, qui n'oppose à Mme C... que la prescription. Dans ce cadre, ainsi qu'en atteste notamment la lettre adressée à Mme D... le 3 juillet 2018 par la cheffe du bureau des personnels de la jeunesse et des sports, de l'éducation nationale et des instituts spécialisés, il a été fait droit, au cours de l'année 2018, à la demande de reconstitution de carrière d'au moins un des professeurs ayant passé le même concours que Mme C... et qui a, comme elle, été nommée en 2012 et titularisée en 2013.

5. Ce changement de position de l'administration, intervenu postérieurement aux arrêtés de nomination et de titularisation de Mme C..., constitue une circonstance de fait nouvelle qui empêche que la décision du 1er mars 2019 soit regardée comme purement confirmative de l'arrêté du 22 mai 2012. Par suite, alors même que celui-ci serait devenu définitif, Mme C... reconnaissant elle-même, dans ses écritures, en avoir eu connaissance avant le 21 novembre 2018, date à laquelle elle a saisi l'administration de sa demande de reconstitution de carrière, la demande de Mme C... devant le tribunal administratif de Paris n'était pas tardive.

Sur la légalité de la décision du 1er mars 2019 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 octobre 1986 instituant un diplôme d'Etat intitulé Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds : " Il est institué un diplôme d'Etat intitulé Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds (C.A.P.E.J.S.) destiné aux professeurs chargés de l'éducation précoce, de la rééducation et de l'enseignement des sourds qui ne peuvent acquérir le langage sans la mise en œuvre de techniques spécialisées ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Nul ne pourra exercer l'enseignement des enfants sourds dans les instituts nationaux de jeunes sourds, dans les établissements publics de sourds ainsi que dans les établissements privés de sourds visés par l'annexe XXIV quater du décret du 9 mars 1956 modifié, s'il n'est titulaire soit du diplôme d'Etat institué à l'article 1er du présent décret, soit du certificat d'aptitude à l'enseignement des sourds muets d'Asnières prévu par l'arrêté du 3 mars 1948, soit de l'un des trois diplômes attestant une qualification d'enseignant des sourds prévus à l'article 1er du décret n° 74-465 du 15 mai 1974 ". Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Le diplôme d'Etat institué à l'article 1er du présent décret est délivré par le ministre chargé des affaires sociales aux candidats ayant subi, avec succès, les épreuves de l'examen prévu ci-après. L'examen sanctionne une formation de deux années dispensée dans un centre de formation public ou privé agréé dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé des affaires sociales. La formation dispensée comprend des enseignements théoriques et pratiques ainsi que des stages pédagogiques et cliniques ".

7. L'article 1er de l'arrêté du 20 août 1987 fixant les modalités de formation, les conditions d'organisation de l'examen en vue de l'obtention du diplôme d'Etat intitulé certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds dispose : " Une formation spécialisée préparant au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds est organisée par des centres de formation publics ou privés agréés. A l'issue de cette formation, un examen en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds est organisé par le ministre chargé des affaires sociales ". Aux termes de l'article 8 de ce même arrêté : " Le cycle de formation s'étend au minimum sur deux ans et au maximum sur quatre ans, sauf cas de force majeure laissé à l'appréciation du jury. Il comprend des enseignements théoriques et pratiques ainsi que des stages cliniques et pédagogiques. Les enseignements théoriques et pratiques comprennent un minimum de 1 000 heures. Les stages cliniques, d'une durée de 50 heures, ont pour but de sensibiliser les élèves en formation aux aspects cliniques oto-rhino-laryngologiques, audiométriques et prothétiques. Les stages pédagogiques ont une durée minimum de 1 150 heures, dont 50 heures dans les classes ordinaires. Au cours de la formation, les élèves sont tenus de suivre les enseignements et d'effectuer les stages organisés par les centres de formation publics ou privés agréés en vue de préparer les épreuves du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds. Les enseignements théoriques et pratiques, les stages cliniques et pédagogiques donnent lieu à appréciations inscrites sur le livret de formation des élèves. Ce livret est porté à la connaissance du jury lors de chaque examen. Durant chaque stage pédagogique, l'élève en formation est suivi par le censeur ou un chef de service pédagogique de l'établissement et par au moins deux professeurs désignés par le directeur de l'établissement où s'effectue le stage ".

8. Aux termes de l'article 5 du décret du 8 mars 1993 portant statut particulier du corps des professeurs d'enseignement général des instituts nationaux de jeunes sourds : " Les concours externes sont ouverts, pour 50 p. 100 des emplois à pourvoir, aux candidats qui sont titulaires du diplôme d'Etat intitulé certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement des jeunes sourds prévu par le décret du 27 octobre 1986 susvisé, et qui sont titulaires d'une licence ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent correspondant aux disciplines des concours ouverts ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Les candidats reçus aux concours mentionnés à l'article 5 ci-dessus sont nommés professeurs stagiaires. Ils accomplissent un stage d'un an au cours duquel ils perçoivent la rémunération afférente au premier échelon du grade de professeur ". L'article 9 du même décret dispose : " (...) Les professeurs stagiaires sont classés selon les dispositions du décret du 5 décembre 1951 susvisé. Pour l'application de ces dispositions, le coefficient caractéristique 135 est attribué au corps des professeurs des instituts nationaux de jeunes sourds. La prise en compte des services de non-titulaires s'effectue selon les modalités de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951 susvisé. (...) ". Aux termes de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale : " Les agents non titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent sont nommés dans leur nouveau corps à un échelon déterminé du grade de début de ce dernier en prenant en compte, sur la base des durées d'avancement à l'ancienneté fixées par les dispositions statutaires régissant leur nouveau corps, pour chaque avancement d'échelon, une fraction de leur ancienneté de service dans les conditions suivantes : Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de douze ans ; (...) ".

9. Pour procéder au classement de Mme C... dans le corps des professeurs d'enseignement général des B... à la suite de sa réussite au concours prévu à l'article 5 du décret du 8 mars 1993, l'administration a estimé que les deux années de formation effectuées en vue de l'obtention du E... ne pouvaient être regardées comme des services effectués à temps plein en qualité d'agent non-titulaire et a uniquement pris en compte 60 % de ces services. L'administration a ensuite fait application de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951, précité, et a repris, au titre de ces deux années de formation, 7,2 mois d'ancienneté de service. Mme C... estime au contraire que l'administration n'aurait pas dû proratiser les deux années de formation à 60 % et aurait ainsi dû tenir compte d'une ancienneté de services d'un an et non de 7,2 mois après application des dispositions de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951 précité.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat et à l'enseignement des jeunes sourds, A... C... a suivi une formation de deux années auprès de l'INJS de Paris comprenant tant des enseignements théoriques et pratiques d'un minimum de mille heures que des stages pédagogiques et cliniques d'une durée de mille cent cinquante heures. Une telle formation, effectuée en qualité d'usager et non pas d'agent du service public de l'éducation, sans que l'élève ne soit nommé sur un emploi de la fonction publique, ne saurait être assimilée, en l'absence de disposition expresse le prévoyant, à des services effectués en qualité d'agent non-titulaire au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11-5 du décret du 5 décembre 1951. Aucune autre disposition de ce décret, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration, pour le classement dans le corps des professeurs d'enseignement général des instituts nationaux des jeunes sourds, à prendre en compte la formation suivie en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat et à l'enseignement des jeunes sourds. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

11. En second lieu, toutefois, si aucune disposition légale ou réglementaire ne lui en faisait l'obligation, ainsi qu'il vient d'être dit, aucune disposition ne faisait à l'inverse obstacle à ce que l'administration puisse légalement décider, si des circonstances particulières lui paraissaient le justifier, de prendre en compte, pour leur classement et la reprise d'ancienneté, tout ou partie des années de formation pour l'obtention du E... des élèves nommés dans le corps des professeurs d'enseignement général des B.... Dans ce cas, et sauf motif d'intérêt général, il lui appartenait, pour respecter le principe d'égalité, d'en faire également bénéficier, sans préférence ni faveur, tous les fonctionnaires se trouvant dans une situation analogue. Or, ainsi qu'il a été dit au point 4, à la date à laquelle l'administration a rejeté la demande de reconstitution de carrière de Mme C..., elle avait pourtant de nouveau admis une prise en compte à 100 % des années de formation pour l'obtention du E... et son application rétroactive aux professeurs déjà titularisés et, dans ce cadre, avait fait droit, au cours de l'année 2018, à la demande de reconstitution de carrière d'un professeur ayant passé le même concours que Mme C... et qui a, comme elle, été titularisé à compter du 1er janvier 2013. En défense, l'administration, qui a rejeté la demande de reconstitution de carrière de Mme C... au seul motif que les créances détenues par l'intéressée au titre de la reconstitution de sa carrière étaient prescrites, n'invoque aucun motif d'intérêt général pouvant justifier une différence de traitement à l'égard de Mme C.... Par suite, le refus de procéder à la reconstitution de carrière demandée par cette dernière, qui méconnaît le principe de l'égalité de traitement entre les agents publics, est illégal.

Sur la prescription :

12. Aux termes de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même (...) soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".

13. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. En l'espèce, le fait générateur de la créance dont se prévaut implicitement mais nécessairement Mme C... lorsqu'elle demande la reconstitution de sa carrière est constitué par le service qu'elle a effectué à l'INJS de Paris, à compter du 1er janvier 2012. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point 5 sur le changement de position de l'administration quant à la prise en compte de la formation pour l'obtention du E..., et alors que l'administration n'apporte aucun élément ni même ne soutient que ce changement était déjà connu de Mme C... à une date antérieure, celle-ci doit être regardée comme ignorant l'existence de sa créance jusqu'à ce que l'administration fasse droit à la demande de reconstitution de carrière d'une de ses collègues de travail, le 3 juillet 2018. Dès lors, à la date de sa propre demande de reconstitution de carrière, le 21 novembre 2018, les créances dont Mme C... se prévaut n'étaient pas prescrites.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2019 rejetant sa demande de reconstitution de carrière.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé à la reconstitution de carrière de Mme C..., la formation qu'elle a suivie pour l'obtention du E... devant être reprise en compte en totalité pour l'application de l'article 11-5 du décret du 5 septembre 1951. Il est enjoint au ministre de la santé et de la prévention de procéder à cette reconstitution de carrière de Mme C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909242 du 31 mars 2021 du tribunal administratif de Paris et la décision du 1er mars 2019 du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministre des sports sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la santé et de la prévention de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme C..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.

La rapporteure,

C. G...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02971 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02971
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-21;21pa02971 ?
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