Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Courbeyre et Viallard a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge par l'avis de mise en recouvrement n° 9300702 324785 du 16 novembre 2016 et des amendes mises à sa charge sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1902179/3 du 16 décembre 2021, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2022, la SAS Courbeyre et Viallard, représentée par Me Homam Royaï, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des amendes litigieuses à hauteur de 106 544 euros pour la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2013, et de 77 528 euros pour la période courant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, le détail des sommes ayant servi de base à l'amende n'étant pas indiqué et l'élément intentionnel n'étant pas démontré ;
- les opérations pour lesquelles aucun versement n'a été constaté ne peuvent entrer dans la base de l'amende ;
- aucun détail n'est donné en ce qui concerne le client " Lin Hubert " ;
- l'élément intentionnel n'est pas établi.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet du 4 janvier 2016 au 4 mai 2016, la SAS Courbeyre et Viallard, grossiste du secteur de la marée au marché d'intérêt national (MIN) de Rungis, s'est notamment vue infliger des amendes sur le fondement du 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. La société Courbeyre et Viallard relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge de ces amendes.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 10 mai 2016 comporte les considérations de droit et de fait retenues par l'administration fiscale pour faire application de l'amende de 50 % prévue au 1 du I de l'article 1737 du code général des impôts. Cette proposition de rectification expose les irrégularités identifiées dans les facturations en cause, indique le total par client des factures établies au nom de certains clients dont l'existence n'a pu être confirmée, et le total des clients de passage dont l'identification n'est pas fournie. Elle annexe le détail des opérations retenues pour asseoir les amendes contestées. Si ce détail n'est pas fourni s'agissant du client " Lin Hubert ", son absence ne saurait caractériser une insuffisance de motivation, l'administration précisant qu'elle retient l'intégralité des factures établies au nom de ce client. L'élément intentionnel de l'infraction est également motivé, l'administration fiscale ayant souligné que la société Courbeyre et Viallard, grossiste sur le marché de Rungis, ne peut ignorer la réglementation bien connue des professionnels du secteur s'agissant notamment de règlements en espèces. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1737 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.
5. Si la société requérante fait valoir que les opérations pour lesquelles aucun versement n'a été constaté ne peuvent entrer dans la base de l'amende et que la base de l'amende a été calculée à partir de comptes clients qui n'impliquent pas, par eux-mêmes, l'existence d'un versement, l'administration fiscale affirme, sans être contestée, que les clients concernés par l'amende litigieuse ont réglé l'intégralité de leurs achats en espèces. L'administration a par suite valablement pu estimer que les sommes comptabilisées au nom de ces clients correspondaient à des sommes encaissées. S'agissant plus particulièrement du client " Lin Hubert ", le moyen tiré de ce que l'administration " ne donne aucun détail " ne saurait prospérer, dès lors que l'amende a été appliquée à l'intégralité des ventes réalisées en espèces auprès de ce client telle que la société requérante les a inscrites dans sa comptabilité au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et que ce client n'a pas pu être identifié à partir du numéro du registre du commerce et des sociétés et de l'adresse fournis.
6. Enfin, il résulte de l'instruction que la société Courbeyre et Viallard a émis, au cours de la période d'imposition en litige, des factures libellées à de faux noms, sociétés non immatriculées au registre du commerce et des sociétés, à de fausses adresses, ou ne portant aucune identification du client. Par " bienveillance économique ", l'administration fiscale a appliqué l'amende aux seules factures portées aux comptes " Lin Hubert ", " Lin Perso " et apparentés et " Clients de passage ", clients pour lesquels l'identité ne correspond à aucune entité existante ou est injustifiée. La société Courbeyre et Viallard, professionnelle expérimentée du MIN de Rungis depuis de nombreuses années, ne pouvait ignorer son obligation de délivrer des factures mentionnant l'identité exacte de son client. En outre, ainsi que le fait valoir l'administration fiscale dans ses écritures, la requérante ne pouvait davantage ignorer que les ventes sur le MIN de Rungis se font entre professionnels, détenteurs d'une carte d'acheteur. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que la requérante a, lors de l'établissement des factures litigieuses, sciemment dissimulé l'identité ou l'adresse de certains de ses clients. Par suite, le moyen tiré de ce que l'élément intentionnel ne serait pas démontré doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Courbeyre et Viallard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Courbeyre et Viallard est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Courbeyre et Viallard et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00762