Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 par lequel le maire de Montigny-sur-Loing s'est opposé à la déclaration préalable à fins de division en trois lots à bâtir du terrain situé rue des Nangeautes et la décision du 18 avril 2019 par laquelle son adjoint a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1905558 du 11 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 6 avril ,
M. A... B... et Mme C... B..., représentés par Me Rouhaud (SELARL Lexcap), demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905558 du 11 juin 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 par lequel le maire de Montigny-sur-Loing s'est opposé à la déclaration préalable à fins de division en trois lots à bâtir du terrain situé rue des Nangeautes et la décision du 18 avril 2019 par laquelle son adjoint a rejeté leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Montigny-sur-Loing de leur accorder une décision de non-opposition à déclaration préalable, ou de statuer de nouveau sur leur déclaration préalable au regard des règles d'urbanisme en vigueur le 31 décembre 2018, et de leur notifier une nouvelle décision dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-sur-Loing versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision litigieuse est entachée d'incompétence et d'un vice de procédure, dès lors que le maire s'est prononcé en l'absence d'avis conforme du préfet, en méconnaissance de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme ;
- les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations ont été méconnues, dès lors qu'ils étaient titulaires d'une décision tacite de non-opposition qui a fait l'objet d'un retrait sans procédure contradictoire préalable ;
- la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit et erreur d'appréciation, dès lors que le projet est situé à l'intérieur de la partie urbanisée de la commune et que les premiers juges n'ont pas pris en compte la question de savoir si la réalisation du projet de lotissement soumis à autorisation avait pour effet d'étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune, compte tenu en particulier du nombre et de la densité des constructions projetées.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 octobre 2022 et le 20 avril 2023, la commune de Montigny-sur-Loing, représenté par Me Corneloup (cabinet ADAES avocats) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire a été produit le 24 avril 2023 pour M. et Mme B..., postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Me Hortance, substituant Me Corneloup, avocat de la commune de Montigny-sur-Loing, et de Me Rouhaud avocat de M.et Mme B....
Une note en délibéré a été présentée le 3 mai 2023 pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 décembre 2018, le maire de Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne) s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par les requérants en vue de la division parcellaire de trois lots à bâtir des parcelles cadastrées section AC n° 182, n° 183, n° 184, n° 185, n° 186, n° 346, n° 347, n° 348, n° 349 et n° 353, situées rue des Nangeautes. Les requérants ont ensuite exercé, le 25 février 2019 un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été rejeté par une décision du 18 avril 2019. Par un jugement du 11 juin 2022 dont les intéressés relèvent appel devant la Cour, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté et de cette décision.
Sur la légalité des décisions litigieuses :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, les requérants soutiennent que les décisions attaquées sont illégales dès lors que le maire s'est prononcé sur leur demande en l'absence d'avis conforme du préfet, en méconnaissance de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme.
3. Aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. / (...) /. ". Aux termes de l'article R. 423-59 du même code : " (...) les collectivités territoriales, services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable. ". Si, en application des dispositions précitées, le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire en cas d'avis défavorable du préfet, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même préfet et peut, lorsqu'il estime disposer d'un motif légal de le faire au titre d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis, refuser d'accorder le permis de construire sollicité.
4. Il s'ensuit que le maire de la commune de Montigny-sur-Loing a pu légalement et sans entacher sa décision d'incompétence, rejeter la demande des requérants en l'absence d'un avis conforme du représentant de l'État, lequel, contrairement à ce que soutiennent les requérants, a été effectivement destinataire d'une demande d'avis en date du 4 décembre 2018, produite au dossier.
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. En l'espèce, si le maire a pris l'arrêté litigieux avant l'expiration du délai d'un mois imparti au préfet pour émettre son avis, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait exercé une influence sur le sens de la décision prise ou constitué une garantie pour les intéressés, dès lors en outre qu'aucun avis n'a été émis par l'autorité préfectorale postérieurement à l'expiration dudit délai.
7. En second lieu, les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations, en vertu desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées ainsi que les décisions qui sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable, ont été méconnues en l'espèce, dès lors qu'ils étaient titulaires d'une décision tacite de non-opposition.
8. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les requérants ont reçu la notification de l'arrêté litigieux le 3 janvier 2019, soit avant l'expiration du délai d'un mois imparti par les articles L. L24-2 et R. 423-23 du code de l'urbanisme pour l'instruction des déclarations préalables et la naissance éventuelle d'une décision implicite d'acceptation. Il s'ensuit que les intéressés n'étaient pas titulaires d'une décision tacite d'acceptation et que l'arrêté litigieux n'a donc pas procédé irrégulièrement au retrait d'une telle autorisation.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. La caducité du plan d'occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d'urbanisme antérieur. À compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et L. 422-6 s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc. ". Il est constant que le plan d'occupation des sols de Montigny-sur-Loing étant devenu caduc, le territoire de cette commune se trouvait, à la date de la décision attaquée, régi par le règlement national d'urbanisme en application des dispositions précitées et notamment par la règle de la constructibilité limitée aux parties urbanisées de la commune prévue par l'article L. 111-3 précité du code de l'urbanisme. Aux termes de ce dernier article : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Cet article interdit en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors des cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il est tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.
10. D'autre part, il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
11. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de division foncière, qui se borne, à ce stade, en la seule mention des superficies des futurs terrains à bâtir, emporterait par lui-même, faute de précisions, notamment, sur l'implantation de la construction prévue sur le futur lot C, pour laquelle il appartiendra à l'autorité compétente de délivrer ultérieurement une éventuelle autorisation de construire en tenant compte des règles d'urbanisme en vigueur, une méconnaissance de l'article L. 111-3 précité du code de l'urbanisme, alors en outre que le futur lot C ne peut être regardé comme intégralement situé " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune " au sens et pour l'application de ces mêmes dispositions. Par suite, le maire de la commune de Montigny-sur-Loing a commis une erreur d'appréciation en rejetant le projet de division qui lui était soumis au motif de sa contrariété globale avec les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.
12. M. et Mme B... sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du
31 décembre 2018 par lequel le maire de Montigny-sur-Loing s'est opposé à la déclaration préalable à fin de division en trois lots à bâtir du terrain situé rue des Nangeautes, et la décision du 18 avril 2019 par laquelle son adjoint a rejeté leur recours gracieux. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. L'annulation prononcée par le présent arrêt, qui fait disparaître la décision d'opposition à la déclaration préalable, laquelle est désormais susceptible d'emporter tous les effets de droit que lui confèrent les dispositions y afférentes du code de l'urbanisme, rend sans objet le prononcé des injonctions demandées par les requérants.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Montigny-sur-Loing, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement aux requérants d'une somme globale de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905558 du 11 juin 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 31 décembre 2018 par lequel le maire de Montigny-sur-Loing s'est opposé à la déclaration préalable à fins de division en trois lots à bâtir du terrain situé rue des Nangeautes, ainsi que la décision du 18 avril 2019 par laquelle son adjoint a rejeté leur recours gracieux, sont annulés.
Article 3 : La commune de Montigny-sur-Loing versera à M. A... B... et à Mme C... B... une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions de la commune de Montigny-sur-Loing fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme C... B... et à la commune de Montigny-sur-Loing.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03523