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21/06/2023 | FRANCE | N°22PA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 juin 2023, 22PA01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Mary-Laure Gastaud, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SELARL du Dr B... A..., a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Province Sud à lui verser la somme de 44 945 603 francs CFP en paiement des actes de soins que cette société a réalisés au cours de la période allant de juillet 2018 à août 2019 au titre de l'aide médicale, dans un délai de deux mois à compter de la notification

du jugement.

Par un jugement n°2100159 du 16 décembre 2021, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Mary-Laure Gastaud, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SELARL du Dr B... A..., a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Province Sud à lui verser la somme de 44 945 603 francs CFP en paiement des actes de soins que cette société a réalisés au cours de la période allant de juillet 2018 à août 2019 au titre de l'aide médicale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n°2100159 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2022 et un mémoire en réplique enregistré le

2 décembre 2022, la SELARL Mary-Laure Gastaud représenté par Me Claveleau, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'enjoindre à la Province Sud de procéder au calcul des sommes dues à la SELARL du docteur B... A... au titre de l'année 2108 et de procéder au règlement de la somme entre ses mains, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner la Province Sud à lui verser des sommes dues au titre de l'aide médicale d'Etat de la SELARL du docteur B... A... pour les actes réalisés entre les mois de janvier 2019 et d'août 2019 pour un montant de 31 303 499 F CFP, augmenté des intérêts au taux légal dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Province Sud le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la Province Sud reste redevable envers la SELARL du docteur A... de la somme de 44 945 603 francs CFP au titre des feuilles de soins émises et des actes réalisés entre le mois de juillet 2018 et le mois d'août 2019 ; la créance au titre de la période d'activité du

1er janvier au mois d'août 2019 pour un montant de 31 303 499 F CFP est en tout état de cause certaine dès lors qu'aucune feuille de soins n'est contestée ;

- c'est à tort que le tribunal a cru qu'elle entendait se placer sur le terrain de la responsabilité pour faute de la Province Sud ;

- la suspension des droits à paiement du docteur A... postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire par une décision irrégulière ne lui est pas opposable ; la Province Sud aurait dû procéder à la suspension ou au retrait de l'agrément donné au docteur A... conformément aux dispositions de l'article 27 de la délibération n°49 du 28 décembre 1989 dès 2018 au lieu de laisser le docteur A... poursuivre son activité au titre de l'aide médicale jusqu'à la fermeture de son cabinet en août 2019 ; la Province Sud ne peut se prévaloir d'une situation qu'elle a elle-même créée ;

- la Province Sud ne parvient pas à établir la réalité de la créance dont elle se prétend titulaire dans le cadre de la procédure collective puisqu'elle l'évalue à 13 424 560 francs CFP pour 2018 mais fait valoir une créance de 60 320 000 francs CFP dans le cadre de la procédure collective ; ses pièces justificatives qui correspondent à 300 feuilles de soins n'établissent pas la réalité d'un préjudice au-delà de 13 424 560 francs CFP ; la Province Sud étant seule détentrice de la copie des feuilles de soins qui lui ont été transmises, le tribunal inverse la charge de la preuve en lui demandant de faire la preuve de la créance qu'elle détient et de poursuivre sa mission de mandataire liquidateur confiée par le tribunal de commerce ;

- le docteur A... n'a pas été condamné pour des faits d'escroquerie portant sur l'année 2019 et aucune procédure pénale ou civile n'est en cours à l'encontre du docteur A... ou de la SELARL du docteur A... pour des faits portant sur cette période et il ne ressort pas du jugement du tribunal correctionnel que ces faits se seraient poursuivis en 2019 ; le tribunal a outrepassé l'office du juge administratif en jugeant que le constat d'huissier du 12 août 2019 permettait de présumer que les actes de soins du docteur A... étaient de pure complaisance et sans véritable examen ;

- sa créance est certaine dès lors que le docteur A... a continué à travailler jusqu'au mois d'août 2019 ce qui a été constaté par le constat d'huissier du 12 août 2019 ;

- la SELARL du Dr A... n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale ou civile ;

- en tout état de cause, la présidente de l'assemblée de la province du Sud n'était pas compétente pour déclarer une créance de 155 810 092 francs CFP pour la période du 1er janvier 2016 au 18 novembre 2018 au passif de la SELARL du Dr A... dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire dont cette société fait actuellement l'objet ; seul le Trésorier de la Province sud était compétent pour ce faire.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, la Province Sud conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SELARL Mary-Laure Gastaud, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SELARL du docteur B... A..., à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 49 du 28 décembre 1989 cadre relative à l'aide médicale et aux aides sociales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Simon, représentant la Province Sud.

Considérant ce qui suit :

1. La CAFAT, gestionnaire du traitement des dossiers de soins des bénéficiaires de l'aide médiale accordée par la province Sud de Nouvelle-Calédonie a informé cette dernière de l'existence d'anomalies dans la pratique du docteur B... A..., qui ont donné lieu à des avertissements et une radiation du fichier des médecins libéraux conventionnés du 1er au

30 avril 2018 pour délivrance de plusieurs certificats d'arrêt de travail de complaisance. La Province Sud a alors procédé à un contrôle du volume et des principales caractéristiques de l'activité de ce praticien et a mis à jour un système d'escroquerie massif mis en place par le docteur A..., consistant en la facturation de milliers de prestations fictives au titre de l'aide médicale pour un montant total de plus d'une centaine de millions de francs CFP. Le président de l'assemblée de la Province du Sud a, par une décision du 11 décembre 2018, suspendu à titre conservatoire les droits au paiement des feuilles de soin au titre de l'aide médicale émanant du docteur A..., sur le fondement de l'article 27 de la délibération n° 49 du 28 décembre 1989 cadre relative à l'aide médicale et aux aides sociales. Cette décision a toutefois été annulée par un jugement n° 1900027 du 29 juillet 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, pour non-respect du principe du contradictoire de la procédure suivie. Estimant que la Province Nord restait redevable envers la SELARL du docteur A... de la somme de 44 945 603 francs CFP au titre des feuilles de soins émises et des actes réalisés entre le mois de juillet 2018 et le mois d'août 2019, la SELARL Mary-Laure Gastaud, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SELARL du docteur B... A..., placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 7 octobre 2019, a adressé à la Province du Sud un recours préalable du 12 janvier 2021 détaillant le montant de ses demandes, soit 906 375 francs CFP au titre du mois de juillet 2018, 1 464 380 francs CFP au titre du mois d'octobre 2018, 3 906 090 francs CFP au titre du mois de novembre 2018, 7 365 250 francs CFP au titre du mois de décembre 2018, 7 685 263 francs CFP au titre du mois de janvier 2019, 5 879 311 francs CFP au titre du mois de février 2019, 4 062 832 francs CFP au titre du mois de mars 2019, 3 116 862 francs CFP au titre du mois d'avril 2019, 2 981 281 francs CFP au titre du mois de mai 2019, 2 847 194 francs CFP au titre du mois de juin 2019, 3 332 369 francs CFP au titre du mois de juillet 2019, 1 398 387 francs CFP au titre du mois d'août 2019. Elle relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la Province Sud à lui verser une somme de 44 945 603 francs CFP en paiement des actes de soins que la SELARL docteur B... A... a réalisés au cours de la période allant de juillet 2018 à août 2019 au titre de l'aide médicale.

2. En premier lieu, la SELARL Mary-Laure Gastaud soutient que c'est à tort que le tribunal a cru qu'elle entendait se placer sur le terrain de la responsabilité pour faute de la Province Sud. Toutefois, si la requérante n'a pas invoqué en première instance la faute de la Province Sud, en réclamant à cette dernière le paiement de la somme de 44 945 603 francs CFP et en mettant en cause le bien-fondé des décisions de suspension provisoire du docteur A... et de non-paiement de ses actes, elle doit être regardée comme entendant engager la responsabilité pour faute de la Province Sud, à défaut de se placer explicitement sur un autre terrain. Le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la SELARL Mary-Laure Gastaud soutient en appel que la Province Sud aurait dû procéder à la suspension ou au retrait de l'agrément donné au docteur A..., conformément aux dispositions de l'article 27 de la délibération n°49 du 28 décembre 1989, dès 2018, au lieu de le laisser poursuivre son activité au titre de l'aide médicale jusqu'à la fermeture de son cabinet en août 2019 et que la Province Sud ne peut se prévaloir d'une situation qu'elle a elle-même créée. Toutefois, à supposer que la Province Sud soit responsable d'une inertie fautive à l'égard du docteur A... qui lui soit opposable dans le cadre des créances qu'elle prétend détenir à l'égard de la SELARL du docteur B... A..., cette circonstance est en revanche sans influence sur l'exigibilité d'une créance dont la SELARL Mary-Laure Gastaud se prévaut à l'égard de la Province Sud, si elle n'en démontre pas le caractère certain.

4. En troisième lieu, la circonstance alléguée par la SELARL Mary-Laure Gastaud que la Province Sud ne parviendrait pas à établir la réalité de la créance de 60 320 000 francs CFP dont elle se prétend titulaire dans le cadre de la procédure collective est inopérante dans le cadre du présent litige où il revient à l'appelante d'établir la réalité de sa propre créance. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal a inversé la charge de la preuve en lui demandant de faire la preuve de la créance qu'elle détient.

5. En quatrième lieu, est également inopérant le moyen tiré de ce que la présidente de l'assemblée de la province du Sud ne serait pas compétente pour déclarer une créance de 155 810 092 francs CFP pour la période du 1er janvier 2016 au 18 novembre 2018 au passif de la SELARL du docteur A... dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire dont cette société fait actuellement l'objet, qui relève également d'un litige distinct.

6. Enfin, la SELARL Mary-Laure Gastaud soutient que sa créance est certaine dès lors que le docteur A... a continué à travailler jusqu'au mois d'août 2019, ce qui a été constaté par le constat d'huissier du 12 août 2019, qu'il n'a pas été condamné pour des faits d'escroquerie portant sur l'année 2019 et qu'aucune procédure pénale ou civile n'est en cours à l'encontre du docteur A... ou de la SELARL du docteur A... pour des faits portant sur la période comprise entre juillet 2018 et août 2019. Toutefois, il résulte des relevés produits en première instance par la requérante elle-même, que le docteur A... a reçu entre juillet 2018 et août 2019, un très grand nombre de virements bancaires en provenance de la CAFAT. En outre, en se bornant à produire quelques factures d'honoraires d'aide médicale établies par le docteur A... entre juillet 2018 et août 2019 à l'attention de la Province Sud qui en conteste la sincérité et le caractère probant compte tenu des faits d'escroquerie au préjudice d'un organisme de protection sociale pour l'obtention d'une allocation ou prestation indue commis depuis le 1er janvier 2016 jusqu'au 31 décembre 2018 pour lesquels le docteur A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Nouméa par un jugement définitif du 21 août 2020, ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 12 août 2019 établissant que le docteur A... a reçu au cours de cette seule journée 88 personnes à son cabinet et une attestation d'un cabinet d'expert-comptable relatif à l'exercice des comptes annuels de l'entreprise du docteur B... A... pour la seule année 2018, la société appelante n'établit ni le détail, mois par mois, des créances dont elle a demandé le remboursement dans son recours préalable du

12 janvier 2021, ni, en tout état de cause, le caractère certain desdites créances. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la Province Sud à lui verser, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SELARL docteur B... A..., une somme de 44 945 603 francs CFP en paiement des actes de soins que cette société a réalisés au cours de la période allant de juillet 2018 à août 2019 au titre de l'aide médicale. Il en résulte également que ses conclusions d'appel tendant à ce que la Cour enjoigne à la Province Sud de procéder au calcul des sommes dues à la SELARL du docteur B... A... au titre de l'année 2108 et de verser les sommes dues au titre de l'aide médicale d'Etat de la SELARL du docteur B... A... pour les actes réalisés, d'une part, au titre de 2018, d'autre part, entre les mois de janvier et août 2019, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la Province Sud, qui n'est pas la partie perdante, verse à la SELARL Mary-Laure Gastaud la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la Province Sud présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SELARL Mary-Laure Gastaud est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Province Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Mary-Laure Gastaud, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SELARL Dr B... A... et à la Province Sud.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

M. JULLIARDL'assesseure la plus ancienne,

I. MARION

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01223 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01223
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CLAVELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-21;22pa01223 ?
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