Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n°2203464 du 9 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2203464 du 9 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 janvier 2022, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. G... dans un délai de deux mois courant à compter de la notification du jugement et a mis une somme de 800 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... G....
Il soutient que :
- la signataire de l'arrêté attaqué bénéficiait, en application de l'arrêté du 27 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, d'une délégation de signature pour signer l'arrêté attaqué ;
- M. G... n'a pas produit de visa long séjour et ne remplissait pas la condition d'entrée régulière en France pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence du refus de séjour ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, M. G..., représenté par Me Samandjeu, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police fait appel du jugement du 11 janvier 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 janvier 2022 refusant à M. G... de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui enjoignant de réexaminer la demande de M. G... dans un délai de deux mois courant à compter de la notification du jugement et a mis une somme de 800 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté litigieux était signé par l'adjointe à la cheffe du 9ème bureau et du pôle " admission exceptionnelle au séjour " et que cette dernière était incompétente pour statuer sur la demande de titre de M. G... alors qu'elle n'avait reçu de délégation de signature que pour instruire et prendre les décisions relatives aux demandes d'admission exceptionnelle au séjour ou aux demandes présentées sur le fondement des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien.
3. Toutefois, l'arrêté attaqué a été signé par Mme H... B..., attachée principale d'administration de l'Etat, adjointe à Mme F... D..., cheffe du 9ème bureau, lequel est chargé de l'instruction des décisions relatives aux demandes de titre de séjour des ressortissants étrangers domiciliés à Paris en vertu de l'article 12 d'un arrêté n° 2021-00355 du 26 avril 2021, publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture du 27 avril 2021. Mme B... dispose d'une délégation pour signer les décisions dans la limite des attributions du 9ème bureau en cas d'absence ou d'empêchement de la cheffe du 9ème bureau en vertu de l'article 10 de l'arrêté n° 2021-00991 du 27 septembre 2021, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que la chef du 9ème bureau n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, c'est à tort que le tribunal a annulé cet arrêté au motif que Mme B... n'aurait pas été compétente pour signer les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français à destination de la Tunisie contenues dans l'arrêté attaqué.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal :
En ce qui concerne le refus de séjour :
5. Aux termes d'une part, de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 412-1 du même code prévoit que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1". En outre, aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'une ressortissante française est subordonnée à certaines conditions, parmi lesquelles celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui ne peut être refusé que dans les cas prévus à l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si les dispositions de cet article n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, il n'en demeure pas moins que l'autorité préfectorale n'est tenue d'accorder sur place le visa à un conjoint d'une ressortissante française, vivant en France avec cette dernière depuis plus de six mois, qu'à l'étranger entré régulièrement en France.
7. Il ressort des pièces du dossier que si M. G... produit une copie d'un visa extrait d'un ancien passeport tunisien qui serait, selon ses déclarations, daté de 2003, ce visa est illisible et n'est pas accompagné des autres pages du passeport comportant un cachet d'entrée sur le territoire français. En outre, M. G... a déclaré à l'occasion de précédentes demandes de titre de séjour présentées en qualité de salarié, être entré en France pour la première fois en 2015 ou en 2016. Dès lors, ce dernier ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Par ailleurs, il est constant que M. G... ne justifie pas d'un visa long séjour. Par conséquent, il ne remplit pas les conditions d'entrée régulière ou de détention d'un visa long séjour pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et
L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a déjà fait l'objet de trois décisions de refus de séjour sollicités en qualité de salarié les 3 mars 2017, 30 octobre 2017 et 24 octobre 2019 et n'établit vivre avec son épouse de nationalité française, avec laquelle il s'est marié le
17 juillet 2020, que depuis le mois de novembre 2019. En outre, il est sans charge de famille et ne justifie pas d'une communauté de vie effective avec son épouse antérieure à novembre 2019 en se bornant à produire des relevés bancaires, des fiches de paye de son épouse et des attestations de connaissances postérieures à la décision de refus de séjour. Enfin, la circonstance que M. G... réside et travaille irrégulièrement en France depuis plusieurs années ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au égard des buts en vue desquels le refus de séjour a été pris. Dans ces conditions, la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de
M. G....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, en l'absence de toute illégalité de la décision de refus de séjour, le moyen tiré de l'illégalité par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, la décision d'éloignement n'implique qu'une séparation provisoire de M. G... avec son épouse, alors qu'il n'établit pas qu'existerait un obstacle à ce qu'il sollicite en Tunisie un visa long séjour afin de rejoindre régulièrement cette dernière. Par ailleurs, la circonstance que M. G... réside et travaille irrégulièrement en France depuis plusieurs années ne suffit pas, à elle-seule, à faire regarder la décision d'éloignement comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale qu'il tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. G.... Par suite, la demande de première instance ainsi que les conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. G..., partie perdante, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2203464 du 9 juin 2022 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. E... G....
Copie en sera adressée au préfet de police
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Isabelle Marion, première conseillère,
- Mme Gaelle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.
La rapporteure,
I. A...La présidente,
M. C...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03096