Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom en celui de " C... de D... ", ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 13 juin 2019.
Par un jugement n° 1915760/4-3 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, et des mémoires complémentaires et en réplique, enregistrés les 14 mars 2021, 10 février, 31 mars et 3 août 2022, M. C..., représenté par Me Potier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915760/4-3 du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 12 avril 2019 de la garde des sceaux, ministre de la justice ayant rejeté sa demande de changement de nom ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil, à changer de nom tenant à un motif affectif ;
- le nom " de D... " est en voie d'extinction ;
- il fait un usage constant et ininterrompu, comme son épouse et ses enfants du nom demandé ; son nom étant reconnu par l'administration, le changement de nom devrait être facilité dans le contexte de la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation ;
- la décision porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lapouzade,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Me Potier pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., agissant également au nom de son fils prénommé B..., mineur, a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, d'adjoindre à son nom, celui de " de D... " pour se nommer " C... de D... ". Par une décision du 12 avril 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. M. C... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 15 janvier 2021, dont il fait appel, ce tribunal a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ".
En ce qui concerne le motif affectif :
3. Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
4. Si M. C... fait valoir qu'il souhaite changer de nom à cause des relations conflictuelles qu'il a eu avec son père, les seuls certificats médicaux produits au dossier, dont deux émanent de son généraliste et le dernier, d'un psychiatre l'ayant reçu en consultation, se bornent à faire état de ce qu'il déclare vouloir changer de nom en raison de ces relations, et ne sauraient démontrer, pas plus que les attestations de sa famille, que s'il a souffert de l'autorité de son père, il justifie de circonstances exceptionnelles, ou d'un trouble suffisamment grave résultant du port de son nom, caractérisant un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil.
En ce qui concerne l'extinction du nom :
5. Le relèvement d'un nom afin d'éviter son extinction ne saurait s'appliquer à un nom d'usage mais suppose qu'il soit établi que le nom en cause a été légalement porté, par un ascendant de celui qui demande à changer de nom ou par un collatéral jusqu'au quatrième degré. La réalité de l'extinction alléguée s'apprécie à l'intérieur de la famille du demandeur du nom à relever, dans le cadre ainsi défini.
6. Dès lors qu'il est constant que le nom de " de D... " est le nom d'une famille irlandaise, qui s'est éteint et que M. C... a racheté auprès d'une société de vente de titres de noblesse, sans être aucunement rattaché à cette famille, et que ce nom ne fait donc pas partie du patrimoine onomastique français, à supposer qu'il ait entendu soulever ce moyen, il ne peut se prévaloir d'un motif de relèvement de ce nom au sens des dispositions de l'article 61 du code civil.
En ce qui concerne l'usage du nom :
7. La possession d'état qui résulte du caractère constant et ininterrompu, pendant plusieurs dizaines d'années, de l'usage d'un nom, peut caractériser l'intérêt légitime requis par les dispositions de l'article 61 du code civil.
8. M. C... se prévaut de l'usage constant du nom de " C... de D... " par lui-même, son épouse et ses enfants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a produites, qu'il n'a fait enregistrer son nouveau nom qu'en avril 2015 en Irlande et en 2016 en France. Ainsi, s'il produit des documents d'identité et administratifs mentionnant son nom d'usage " C... de D... ", et fait valoir qu'il est connu sous ce nom de l'administration française, la possession d'état dont il entend se prévaloir ne présente pas un caractère suffisamment ancien et constant pour justifier le changement de nom sollicité. M. C... ne peut en outre se prévaloir des nouvelles dispositions de la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, dans le champ desquelles sa situation n'entre pas.
En ce qui concerne le respect de la vie privée et familiale :
9. Il ne ressort pas des éléments versés au dossier que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. En outre, rien ne fait obstacle à ce que les membres de sa famille, comme lui-même, portent le nom de " C... de D... " comme nom d'usage.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
Le président-rapporteur,
J. LAPOUZADELe président-assesseur,
S. DIEMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01299