Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 26 avril 2022 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2209845/2-3 du 6 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2022 et 7 mars 2023,
M. A..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 26 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisi préalablement de son cas sur le fondement des dispositions des articles L. 432-13 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9, L. 425-10, L. 432-15 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elle méconnaît le dixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 9 du code civil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elle méconnaît le dixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 9 du code civil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour est inopérant et que les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2023 à 12 heures.
Par un courrier du 15 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au motif que le Tribunal administratif de Paris a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police du 26 avril 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant douze mois, lesquels ont été implicitement mais nécessairement abrogés par la délivrance à M. A... d'un récépissé de demande de titre de séjour le 8 juin 2022.
Par des mémoires, enregistrés les 22 mai 2023 et 8 juin 2023, M. A..., représenté par Me Dujoncquoy, a répondu au moyen d'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2023, le préfet de police a répondu au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Dujoncquoy, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés distincts du 26 avril 2022, le préfet de police a, d'une part, obligé M. A..., ressortissant égyptien, né en 1975, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le préfet de police a délivré à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour le 8 juin 2022, soit après l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français attaquée ainsi qu'après la saisine du Tribunal administratif de Paris pour contester cette mesure d'éloignement, il ressort toutefois des pièces du dossier que la délivrance de ce récépissé est intervenue en exécution d'une ordonnance n° 2206851 du 1er avril 2022 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, et non de la propre initiative du préfet de police. Par suite, en ne constatant pas un non-lieu à statuer en raison de l'abrogation de la mesure d'éloignement, le premier juge n'a pas entaché sa décision d'irrégularité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée / (...) ".
4. La décision attaquée, qui vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A... " s'est vu refuser la délivrance (...) d'un titre de séjour par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 17 septembre 2020 notifiée le 30 septembre 2020 " et que " depuis cette date, il s'est maintenu sur le territoire français ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes de l'article L. 432-15 de ce code : " L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec l'assistance d'un interprète / (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 / (...) ".
6. M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre d'une mesure d'éloignement des dispositions précitées des articles L. 432-13, L. 432-15 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois (...) ".
8. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
9. D'une part, M. A... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, aucun des documents médicaux produits par le requérant ne fait apparaître que celui-ci ou l'un de ses enfants mineurs souffrirait d'une pathologie nécessitant en France une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé ou l'un de ses enfants ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. D'autre part, si M. A... est présent sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué et si son épouse et leurs trois enfants, nés en 2002, 2005 et 2009, sont venus le rejoindre en France en juillet 2018, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'aîné, qui est devenu majeur en 2020, et l'épouse du requérant, qui est également de nationalité égyptienne, sont en situation irrégulière à la date de l'arrêté attaqué, dès lors que le requérant et son épouse ont obtenu du préfet de police, après injonction du juge des référés du Tribunal administratif de Paris, la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour le 8 juin 2022, soit après l'intervention de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale de M. A... ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine ni que les deux enfants mineurs du requérant ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Egypte. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que M. A... se prévaut d'une promesse d'embauche afin de travailler au sein de la société " Space Projects " en tant que chef de chantier, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée / (...) ".
12. Les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10.
13. En cinquième lieu, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10.
14. En sixième lieu, le moyen tiré d'une erreur de droit n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ". Aux termes du dixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ".
16. À l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions à valeur constitutionnelle mentionnées ci-dessus, qui tendent de manière générale à la protection de la liberté et l'épanouissement individuel. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il (...) ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
18. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... " s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 17 septembre 2020 " et qu'il " ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, l'autorité administrative n'étant pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
19. En deuxième lieu, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du dixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que des dispositions de l'article 9 du code civil, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10.
20. En troisième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 16 que le préfet de police n'a pas fondé sa décision sur ces dispositions.
21. En quatrième lieu, dès lors que M. A... a reconnu, lors de son audition par les services de police le 26 avril 2022, qu'il avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2020, que le préfet de police a indiqué, dans la décision attaquée, que le préfet de la Seine-Saint-Denis avait pris à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français le 17 septembre 2020, laquelle lui avait été notifiée le 30 septembre 2020, et qu'il ressort des pièces du dossier que, malgré cette précédente mesure d'éloignement, le requérant s'est maintenu sur le territoire français, le préfet de police, qui a considéré que M. A... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ne peut être regardé comme ayant commis une erreur dans l'appréciation du risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français attaquée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
22. En dernier lieu, le moyen tiré d'une erreur de droit n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
23. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
24. Il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
25. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
26. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, qui vise les dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois au motif que, d'une part, l'intéressé allègue être entré en France en 2001, que, d'autre part, il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dans la mesure où, s'il a déclaré être marié avec trois enfants à charge, rien n'empêche la reconstitution de sa cellule familiale dans le pays où il est légalement admissible et qu'enfin, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 17 septembre 2020 par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Le préfet de police, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé de façon précise les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions citées au point 23. En outre, la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de police. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
27. En deuxième lieu, le moyen tiré d'une erreur commise dans l'appréciation des critères mis en œuvre pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12.
28. En dernier lieu, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont serait entachée la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
C. JARDIN
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04714 2