Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
4 janvier 2021 par lequel le préfet de police lui a retiré sa carte de résident.
Par un jugement n° 2103158/5-3 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 janvier 2021 et a enjoint au préfet de police de restituer à
M. B... sa carte de résident dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés le 10 novembre 2022 et le 26 décembre 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2022 du Tribunal administratif de Paris du
28 septembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, l'application de la sanction prévue à l'article L.432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présentait des conséquences disproportionnées par rapport à la gravité des faits qui en fondaient l'application et qui, nonobstant leur caractère isolé, revêtent, compte tenu de leur nature, une gravité particulière ;
- compte tenu de la délivrance concomitante d'une carte de séjour temporaire, l'arrêté en en litige n'a pas porté atteinte au droit de l'intéressé une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par M. B..., il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2023, M. B..., représenté par
Me Bulajic, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les observations de Me Bulajic, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant indien né le 2 mai 1959, entré en France en 1989 selon ses déclarations et en situation régulière depuis 1992, a fait l'objet, suite à un contrôle des services de police le 11 août 2020, d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Paris le 30 août 2021 en tant que gérant de fait de la SARL JEEVESH pour des faits de travail dissimulé et d'emploi d'un salarié étranger dépourvu de titre de séjour. Par un arrêté du 4 janvier 2021, le préfet de police lui a retiré sa carte de résident valable du 25 février 2012 au 24 février 2022 et lui a délivré une carte de séjour valable du 4 janvier 2021 au 3 janvier 2022. Le préfet de police relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 janvier 2021 et lui a enjoint de restituer à M. B... sa carte de résident dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout employeur titulaire d'une carte de résident peut se la voir retirer s'il a occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ". Et aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". La mesure de retrait de la carte de résident, telle que prévue par les dispositions précitées, revêt le caractère d'une sanction dont la contestation conduit le juge à vérifier la proportionnalité à la gravité des faits reprochés.
3. Pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont estimé qu'en dépit de l'atteinte portée à l'ordre public des faits d'exécution de travail dissimulé et d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail reprochés à M. B..., eu égard au caractère isolé de l'infraction, à la circonstance que celle-ci ne concernait qu'une seule des six personnes employées dans son commerce et à la durée de séjour en France de l'intéressé, l'application de la sanction prévue à l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présentait pour ce dernier des conséquences disproportionnées à la gravité des faits qui en fondaient l'application. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet de police a assorti cette sanction de la délivrance à M. B... d'un titre de séjour d'un an. Par suite, dans ces conditions, eu égard aux faits reprochés sanctionnés par jugement du 30 août 2021 du tribunal correctionnel de Paris par une peine de 90 jours-amende d'un montant unitaire de 30 euros et à une peine de 1 000 euros d'amende avec sursis, l'application de la sanction prévue à l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne revêt pas un caractère disproportionné.
4. Le préfet de police est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé pour ce motif son arrêté.
5. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le tribunal administratif de Paris que devant elle.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision litigieuse :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... fait valoir qu'il dispose depuis 1992 de titres de séjour régulièrement renouvelés, et depuis 2002, de cartes de résident valables en dernier lieu jusqu'au 24 février 2022, qu'il justifiait ainsi d'une durée de séjour régulier en France de trente ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'il a toujours travaillé et n'a pas troublé l'ordre public, que son épouse est également titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 27 juin 2023, et que deux de ses trois enfants sont de nationalité française. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt que le préfet de police a assorti la décision litigieuse de retrait de sa carte de résident d'une décision de délivrance d'un titre de séjour d'une année, valable du 4 janvier 2021 au 3 janvier 2022. Par suite, la décision litigieuse ne fait pas obstacle à la poursuite de sa vie privée et familiale en France et ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
8. Enfin, la circonstance alléguée devant la Cour par M. B... que le préfet de police n'aurait pas exécuté le jugement attaqué, à la supposée établie, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
4 janvier 2021. Il en résulte que les conclusions de M. B..., y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103158/5-3 du 28 septembre 2022 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à
M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04799 2