Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet de police lui a retiré son titre de séjour pluriannuel, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2208056 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 octobre 2022, M. D..., représenté par Me Pouly, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208056 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer sa carte de séjour pluriannuelle dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le retrait de sa carte de séjour pluriannuelle revêt un caractère disproportionné ;
- il a été sanctionné plusieurs fois à raison des mêmes faits ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le respect de son droit à une vie privée et familiale normale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 9 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- et les observations de Me Pouly, avocat de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien né le 25 janvier 1981, a bénéficié d'un titre de séjour valable du 5 mai 2015 au 4 mai 2016, renouvelé annuellement jusqu'au 4 mai 2019, puis d'un titre de séjour pluriannuel valable du 5 mai 2019 au 4 mai 2023. Par un arrêté du 24 mars 2022, le préfet de police lui a retiré son titre de séjour pluriannuel, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut être retirée à tout employeur, titulaire d'une telle carte, en infraction avec l'article L. 8251-1 du code du travail [...] ". Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France [...] ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal établi à la suite d'un contrôle effectué par les services de police le 10 août 2021, sur réquisition du substitut du procureur près le tribunal judiciaire de Paris, au sein d'un magasin de téléphonie exploité par la société ASRL, que M. D..., gérant de cette société, y employait M. B..., ressortissant tunisien alors dépourvu d'autorisation de séjourner sur le territoire et d'y travailler. Il ressort également du document intitulé " fiche de situation - proposition de fermeture administrative ", daté du 20 septembre 2021, émanant des services de la préfecture de police, d'une part, que M. B... avait été embauché par la société ASRL en octobre 2020, et d'autre part, que le requérant avait par le passé déjà employé, durant deux mois, à compter de juillet 2019, M. A..., ressortissant tunisien en situation irrégulière. Le préfet de police a relevé, dans les motifs de l'arrêté contesté, que M. D..., convoqué devant le tribunal judiciaire de Paris le 8 septembre 2021 dans le cadre d'une composition pénale, a été condamné à une amende de 1 500 euros pour emploi d'un étranger démuni de titre de séjour.
4. Si M. D..., qui se prévaut de sa bonne foi, soutient qu'il ne pouvait se douter que M. B... se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français dès lors que ce dernier lui avait présenté un document d'identité faisant état de sa nationalité italienne, qu'il ignorait que ce document était un faux et qu'il aurait procédé aux démarches visant à sa régularisation après que son employé lui avait fait savoir qu'il était en réalité en situation irrégulière, il ressort toutefois du document intitulé " fiche de situation - proposition de fermeture administrative ", dont la teneur n'est pas contestée par le requérant, que des documents qu'il avait en sa possession mentionnaient la nationalité tunisienne de son employé. A supposer même que M. D... n'aurait pas été informé, ainsi qu'il le soutient, de la situation irrégulière de son employé avant le mois de janvier 2021, il ne précise pas même la date à laquelle il a entrepris les démarches de régularisation dont il se prévaut, alors que M. B... a été convoqué à la préfecture de police, pour l'examen de sa demande de titre de séjour, par un courrier daté du 15 juillet 2021, soit six mois plus tard. Par ailleurs, M. D... reconnaît dans ses écritures avoir employé M. A... pendant deux mois alors que ce dernier ne disposait d'aucun titre de séjour ni d'autorisation de travail. Dans ces conditions, et à supposer même que la santé et la sécurité des employés de M. D... n'auraient pas été mises en danger, il n'est pas fondé à soutenir, compte tenu des faits qui lui sont reprochés, lesquels sont établis, que la sanction de retrait de son titre de séjour pluriannuel revêtirait en l'espèce un caractère disproportionné. La circonstance que la circulaire du ministre de l'intérieur du 27 novembre 2012 prévoit qu'un étranger peut présenter des fiches de paye à l'appui d'une demande de régularisation de son séjour est à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la décision de retrait doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la circonstance que M. D... a fait l'objet d'une sanction pénale à raison des faits en cause ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de police lui retire son titre de séjour pluriannuel, en application de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si la société ASRL, qui employait M. B..., a été rendue redevable de la contribution spéciale ainsi que de la contribution représentative des frais d'éloignement de l'étranger du territoire français, prévues respectivement à l'article L. 8253-1 du code du travail et à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance ne faisait pas davantage obstacle à ce que le préfet de police retire à M. D... son titre de séjour, en application de l'article L. 432-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que M. D... aurait été sanctionné plusieurs fois à raison des mêmes faits doit être écarté.
6. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. D... soutient que l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le requérant, entré sur le territoire français muni d'un visa Schengen le 3 février 2010, démontre son intégration professionnelle, en dépit de son handicap reconnu le 9 mars 2021 par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, dès lors qu'il a exercé, entre janvier 2013 et novembre 2016, des fonctions de vendeur polyvalent puis, entre décembre 2017 et février 2019, des fonctions d'agent logistique, et entre février 2019 et mars 2022, des fonctions de logisticien, qu'il a suivi diverses formations, à savoir, en 2017, une formation d'agent magasinier ainsi qu'une formation sur le développement durable, et, en 2018, une formation sur la conduite de chariots, et qu'il a créé et géré une société de commerce de matériel informatique et télécommunications dont l'activité a débuté le 1er juin 2019. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté contesté, qui ne sont pas critiqués par M. D..., que celui-ci est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa fratrie. Par ailleurs, le requérant n'apporte aucun élément, en dehors de ses activités professionnelles, de nature à établir qu'il aurait noué des relations stables et intenses sur le territoire qui feraient ainsi obstacle à l'exécution des mesures en litige. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04353 2