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27/09/2023 | FRANCE | N°21PA06155

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 septembre 2023, 21PA06155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 4 662 897,81 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute commise par les services fiscaux.

Par un jugement n° 1913514/1-2 - 2001225/1-2 du 5 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2021, le 10 octobre 2022, le 13 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 4 662 897,81 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la faute commise par les services fiscaux.

Par un jugement n° 1913514/1-2 - 2001225/1-2 du 5 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 décembre 2021, le 10 octobre 2022, le 13 octobre 2022 et le 24 novembre 2022, l'entreprise unipersonnelle C... D..., représentée par Me Schmitt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913514/1-2 - 2001225/1-2 du 5 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de totale de 5 029 250,20 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en mettant à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ainsi que l'a définitivement jugé la Cour ;

- elle a commis une faute en établissant ces rappels de TVA en méconnaissance du 3° de l'article 272 du code général des impôts, la preuve de la fraude de la part de ses fournisseurs n'étant pas établie ;

- elle a également méconnu l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle a mis ces rappels à sa charge en procédant à des détournements de pouvoir et de procédure ;

- elle a commis une faute en émettant à son encontre 69 avis à tiers détenteur pour recouvrer les impositions mises à sa charge ;

- elle a commis une faute, censurée par la Cour, en refusant sans fondement de lui rembourser les crédits de TVA dont elle était titulaire pour les mois d'octobre et novembre 2012 ;

- ces fautes sont la cause directe de la perte du fonds de commerce, de la perte des revenus d'exploitation, de frais de licenciement et d'un préjudice moral ;

- les dispositions de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales ne lui sont pas opposables.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juillet 2022 et le 18 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat ne sont pas remplies ;

- à titre subsidiaire, en application de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, les éventuels préjudices antérieurs au 1er janvier 2016 ne peuvent être indemnisés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Schmitt pour l' entreprise individuelle C... D....

Une note en délibéré, enregistrée le 15 septembre 2023, a été présentée pour l'entreprise individuelle C... D....

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise individuelle C... D..., qui exerce une activité de commercialisation, revente, import-export, location de matériels photographiques, informatiques et électroniques sous l'enseigne A... B..., a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012, en conséquence de la remise en cause du droit à déduction de la TVA ayant grevé les achats réalisés par l'entreprise auprès de cinq de ses fournisseurs, au motif que ces derniers participaient à un schéma de fraude de type " carrousel ". Les rappels ont été mis en recouvrement le 5 septembre 2014 pour un montant, en droits et pénalités, de 3 393 473 euros. Par un arrêt du 27 septembre 2018, la Cour a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de TVA au motif que l'administration fiscale avait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. L'entreprise individuelle C... D... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de l'ensemble des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par l'administration fiscale lors de la procédure d'établissement et de recouvrement de ces rappels de TVA.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

3. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la seule circonstance que, par un arrêt définitif du 27 septembre 2018, la Cour a jugé que l'administration fiscale avait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne communiquant pas à la contribuable l'ensemble des pièces utilisées pour établir les rappels de TVA mis à sa charge et que cette mise en œuvre d'une procédure irrégulière constituait une faute, ne suffit pas à engager la responsabilité de l'Etat s'il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de communication des pièces litigieuses avant la mise en recouvrement des rappels de TVA aurait eu une incidence sur le bien-fondé de ces rappels et que l'administration fiscale n'aurait pas pris la même décision si elle avait communiqué l'ensemble des pièces en cause avant la mise en recouvrement.

4. En deuxième lieu, si l'administration fiscale a émis, à compter de 2013, soixante-neuf avis à tiers détenteurs visant les comptes bancaires de la requérante, il est constant que soixante-deux d'entre eux ne sont pas relatifs aux rappels de TVA en litige mais concernent d'autres impôts non acquittés par la requérante, dont le bien-fondé n'est pas contesté. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les sept avis concernant les rappels de TVA n'ont donné lieu à aucun paiement susceptible d'avoir eu une incidence sur la trésorerie de la société. Enfin, il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne ces créances, les sûretés n'ont été inscrites par l'administration qu'à compter de l'année 2015. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas que l'émission de ces avis à tiers détenteurs présenterait un lien de causalité direct et certain avec les difficultés de trésorerie qu'elle a connues depuis 2013 et dont elle soutient qu'elles sont à l'origine de tous les préjudices dont la réparation est demandée.

5. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'émission de ces avis à tiers détenteurs pour recouvrer des impositions dues par la requérante procéderait d'un détournement de pouvoir, ni d'un détournement de procédure.

6. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la suspension du numéro de TVA intracommunautaire de la requérante, à supposer qu'elle présente un caractère fautif, présente un lien de causalité direct et certain avec les préjudices allégués, dès lors qu'elle n'est intervenue qu'en 2017 et qu'il n'est pas établi que la majorité des fournisseurs de la requérante se situait hors de France et au sein de l'Union européenne à cette période.

7. En quatrième lieu, si par un arrêt devenu définitif n° 20PA01984, 20PA02024 du 24 novembre 2021, la Cour a jugé dans un litige distinct que l'administration avait à tort refusé à l'entreprise individuelle C... D... le remboursement d'un crédit de TVA au titre du mois de novembre 2012 dès lors que le service n'apportait pas la preuve de la participation à un schéma de fraude des deux fournisseurs à l'origine de ce crédit de TVA, et si ces deux fournisseurs sont au nombre des cinq fournisseurs dont les factures ont donné lieu aux rappels de TVA sur la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012, ces deux litiges portant sur des périodes différentes ont des objets distincts qui s'opposent à ce que la requérante invoque dans la présente instance l'autorité de la chose jugée par cet arrêt du 24 novembre 2021.

8. Par ailleurs, à supposer même que l'administration soit regardée comme ne rapportant pas, pour chacun des cinq fournisseurs en cause, la preuve de leur participation entre 2010 et 2012 à une fraude, et si cette absence de preuve s'opposerait à la mise en œuvre, pour établir les rappels de TVA en cause, du 3° de l'article 272 du code général des impôts, en tout état de cause il est constant que lesdits rappels de TVA, qui ont donné lieu à un sursis de paiement en octobre 2014, n'ont jamais été acquittés par la requérante avant que leur décharge ne fût prononcée par l'arrêt précité du 27 septembre 2018. Par suite, l'éventuelle faute commise par l'administration en mettant à sa charge ces rappels de TVA sur le fondement du 3° de l'article 272 du code général des impôts ne présenterait en tout état de cause pas de lien de causalité direct et certain avec les préjudices dont la réparation est demandée, à savoir la chute de son activité à compter de 2013.

9. En cinquième lieu, par l'arrêt définitif n° 20PA01984, 20PA02024 du 24 novembre 2021, la Cour, saisie d'un litige sur le refus par l'administration fiscale de rembourser à la requérante des crédits de TVA relatifs aux mois d'octobre et novembre 2012, a accordé à celle-ci, qui avait déjà obtenu en première instance un remboursement à hauteur de 175 612,12 euros au motif que ce refus n'était pas fondé, un remboursement complémentaire de 147 652 euros, pour le même motif. La requérante, qui est recevable à invoquer cette faute pour la première fois en appel, est fondée à soutenir qu'en refusant de procéder au remboursement des crédits de TVA dont elle était titulaire à hauteur de 323 264,12 euros, l'administration fiscale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

10. Toutefois, la requérante se borne à faire valoir que ce refus de remboursement, qui n'est fautif qu'à hauteur de la somme de 323 264,12 euros, aurait entraîné sa déconfiture définitive par l'impossibilité, faute de trésorerie suffisante, de poursuivre son activité principale d'achat-revente, sans établir, comme elle en a la charge, un tel lien de causalité direct et certain par la seule invocation de résultats d'exploitation négatifs à compter de l'exercice 2013, alors, d'une part, que ce résultat, qui avait déjà été divisé par plus de deux entre 2011 et 2012, soit avant les opérations de contrôle, a connu de très fortes variations au cours des exercices précédant comme au cours de ceux suivant ce refus de remboursement fautif, et, d'autre part, que l'administration fiscale, qui disposait d'un délai de six mois pour instruire cette demande, aurait été en droit de pratiquer, sur le fondement de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales, une compensation entre cette créance fiscale de l'entreprise et l'ensemble de ces dettes fiscales pour lesquelles elle a émis les avis à tiers détenteur mentionnés au point 4.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise individuelle C... D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'entreprise individuelle C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise individuelle C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06155
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-27;21pa06155 ?
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