Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2210653 du 23 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Kati, demande à la Cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en désignant Me Kati ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas établi que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a été prise à l'issue d'une audience publique et qu'elle a été lue le 15 mars 2022 en audience publique ;
- par voie de conséquence, son droit de se maintenir sur le territoire français ne peut être regardé comme ayant pris fin à cette dernière date ;
- le préfet de police n'établit pas que le sens de la décision de la CNDA ait été publiquement et régulièrement affiché au sein de la Cour ;
- les mentions portées sur le relevé " Telemofpra " ne font pas foi par elles-mêmes ;
- la régularité de la notification de la décision de la CNDA n'est pas établie en l'absence notamment de notification des délais et voies de recours contre cette décision en langue pachto ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation, le magistrat s'étant cru lié par la décision de la CNDA ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- son droit d'être entendu a été méconnu ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 4.3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est illégale en ce qu'elle fixe l'Afghanistan comme pays de destination dès lors qu'elle n'est pas exécutoire vers ce pays qui n'est pas reconnu par la France.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, né le 3 septembre 1994, entré en France le 2 janvier 2019 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 7 mai 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 mars 2022. Par un arrêté du 14 avril 2022, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2022. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-00263 du 18 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation de compétence à M. B... A..., chef du 12ème bureau du service de l'administration des étrangers de la délégation à l'immigration de la préfecture de police, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires désignés par ce règlement, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés à la date de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. C... reprend en appel, dans des termes quasiment identiques, les moyens soulevés en première instance tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en ce que le préfet se serait cru lié par la décision de la CNDA. Dès lors qu'il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
5. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant.
6. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. M. C..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA dans les conditions mentionnées au point 1, ne pouvait ignorer qu'il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est présenté personnellement en préfecture pour l'enregistrement de sa demande d'asile, où il a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation. En outre, l'intéressé ne conteste pas avoir été entendu à plusieurs reprises tant par l'OFPRA que par la CNDA, ainsi qu'il a été relevé par le premier juge. S'il soutient avoir des éléments nouveaux en sa possession, il ne soutient ni même n'allègue qu'il aurait tenté en vain de les porter à la connaissance de l'administration avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il a d'ailleurs pu faire une demande de réexamen de sa demande d'asile le 17 mai 2022, postérieurement à la date de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu tel que reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
8. En quatrième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui n'est pas applicable à sa situation qui ne relève pas de la procédure spécifique à ce règlement.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Enfin, aux termes de l'article R. 532-57 dudit code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
10. M. C... soutient que son droit à se maintenir sur le territoire français ne peut être regardé comme ayant pris fin à la date de lecture en audience publique de la décision de la CNDA dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que cette décision ait été effectivement prise et lue à l'issue d'une audience publique, le préfet de police n'établissant notamment pas que le sens de celle-ci ait été publiquement et régulièrement affiché au sein de la Cour et, d'autre part, que la régularité de la notification de la décision de la CNDA n'est pas établie en l'absence notamment de notification des délais et voies de recours en langue pachto, les mentions portées sur le relevé " Telemofpra " ne faisant pas foi par elles-mêmes en l'absence de précisions quant aux modalités de renseignement de cette base et à l'identité et qualifications de l'agent chargé de son alimentation. Toutefois, il résulte des pièces du dossier, notamment de ce relevé " Telemofpra " dont, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause l'exactitude des mentions et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire qui n'est pas apportée par le requérant, que la lecture publique de la décision de la CNDA par laquelle cette dernière a confirmé le rejet de la demande d'asile de M. C... est intervenue le 15 mars 2022, date à laquelle il a été mis fin au droit de l'intéressé de se maintenir sur le territoire français, la régularité de la notification de cette décision étant sans incidence à cet égard. Dès lors, en prononçant une obligation de quitter le territoire français le 14 avril 2022, le préfet a fait une exacte application des articles L. 541-1 et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'ensemble des moyens précités doivent être écartés.
11. Enfin, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle aurait nécessairement pour conséquence de renvoyer M. C... en Afghanistan ne peut utilement être invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français qui ne fixe par elle-même aucun pays de destination.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet a fixé le pays de destination vise les textes dont il a été fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a mentionné le rejet de la demande d'asile de l'intéressé et indiqué que ce dernier n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait.
13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. M. C... invoque les dispositions et stipulations qui précèdent en soutenant qu'il est exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Il reprend à cet égard, en des termes quasiment identiques, l'ensemble de ses arguments de première instance relatifs à la situation actuelle en Afghanistan, d'un point de vue politique, sécuritaire et humanitaire. Dès lors, le moyen tiré de ces dispositions et stipulations doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 12 du jugement attaqué, le requérant ne démontrant pas plus en appel qu'en première instance la réalité des risques personnels encourus à la date de la décision attaquée.
15. Enfin, si M. C... soutient que la décision fixant l'Afghanistan comme pays de destination est illégale dès lors qu'il n'est pas envisageable de mettre à exécution des mesures d'éloignement vers ce pays qui n'est pas reconnu par la France, il n'invoque aucun élément précis au soutien de ces allégations, alors en tout état de cause qu'un tel moyen, qui relève des conditions d'exécution de la mesure d'éloignement, est sans incidence sur la légalité de cette décision.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.
Le rapporteur,
P. MANTZLa présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03488 2