Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 avril 2019 et l'arrêté du 18 juillet 2019, remplacé par l'arrêté du 10 janvier 2020, par lesquels le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé sa mise à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2019 puis l'a radié des cadres et a prononcé sa mise à la retraite d'office à compter du 30 mai 2018.
Par un jugement n° 1918643/5-1-1924007/5-1 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 août 2021 et le 3 août 2022, M. B..., représenté par Me Pinto, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 janvier 2020, pris à la suite du retrait de l'arrêté du 18 juillet 2019, par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a radié des cadres et prononcé sa mise à la retraite d'office à compter du 30 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder à sa réintégration avec reconstitution intégrale de sa carrière à compter du 30 mai 2018 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il entend maintenir les moyens développés en première instance tirés de de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du vice de forme à défaut de visa de délégation de signature, de la méconnaissance de l'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, de l'insuffisance de motivation et du vice de procédure tiré de l'irrégularité de la composition des instances consultatives ;
- l'arrêté du 10 janvier 2020 prononçant sa mise à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service constitue une sanction déguisée prise dans l'unique but de l'écarter du service ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation, alors que son taux d'incapacité n'a été évalué qu'à 50 % ;
- la carence de l'administration dans l'encadrement et la protection de son agent a été le déclencheur de la maladie à l'origine de son invalidité, laquelle doit être considérée comme imputable au service ;
- l'arrêté du 10 janvier 2020 est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'administration s'est crue liée par l'avis du comité médical supérieur et de la commission de réforme ;
- l'administration aurait dû examiner la possibilité de le reclasser avant de décider sa mise à la retraite d'office.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au
14 octobre 2022.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-57 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., admis au concours d'adjoint administratif du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2002, a été nommé dans ce corps à compter du 15 janvier 2003 et titularisé à compter du 15 janvier 2004, par un arrêté du 22 avril 2004. De 2003 à 2008, il a été en poste auprès de la direction des affaires politiques et de sécurité à l'administration centrale du ministère des affaires étrangères. De septembre 2008 à septembre 2011, il a été affecté à l'ambassade de France à Washington. Le 1er septembre 2011, il a, de nouveau, été affecté en administration centrale, à la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire. Un blâme lui a été infligé le 5 mars 2012 en raison de la diffusion par la voie de la messagerie professionnelle de courriers électroniques mettant en cause ses anciens supérieurs hiérarchiques nommément désignés. Le 3 avril 2013, il a fait l'objet d'une suspension à titre conservatoire après avoir, le 25 mars 2013, adressé à onze destinataires un courrier électronique contenant des menaces explicites d'atteinte aux personnes. Il a ensuite été placé en congé de maladie puis a bénéficié d'un congé de longue maladie à compter du 30 mai 2013 transformé en congé de longue durée le
30 mai 2014 et plusieurs fois renouvelé. Le 25 juillet 2017, le comité médical a émis un avis favorable à la prolongation du congé de longue durée du requérant et, à l'issue de ce congé, à une mise à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2018.
M. B... a contesté cet avis devant le comité médical supérieur qui l'a confirmé par avis du 11 décembre 2018. Le 2 avril 2019, la commission de réforme a constaté l'inaptitude définitive de M. B... à exercer toutes fonctions, sans possibilité de reclassement et émis un avis favorable à la mise à la retraite d'office de l'intéressé pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2018 et a fixé à 50% le taux d'invalidité acquise par le requérant. Par courrier du
8 avril 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé M. B... de l'avis de cette commission et de sa décision de suivre cet avis. Le 25 avril 2019, le requérant a formé un recours administratif contre cette décision. Par arrêté du 18 juillet 2019, le ministre a prononcé la mise à la retraite d'office du requérant à compter du 30 mai 2018 avec jouissance immédiate de la pension. Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 8 avril 2019. Par une seconde requête, il a demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2019. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ayant, par un arrêté du 10 janvier 2020, retiré la décision du 18 juillet 2019 et de nouveau prononcé la mise à la retraite d'office de M. B..., le tribunal a regardé les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2019 comme tendant également à l'annulation de la décision du
10 janvier 2020 dont la portée est identique, et a considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 18 juillet 2019. Par le jugement attaqué du
22 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses deux requêtes. M. B... en demande l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 janvier 2020, pris à la suite du retrait de l'arrêté du 18 juillet 2019, par lequel le ministre de l'Europe et des affaires étrangères l'a radié des cadres et prononcé sa mise à la retraite d'office à compter du 30 mai 2018.
2. En premier lieu, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. Si M. B... déclare reprendre plusieurs moyens déjà invoqués en première instance, qu'il se borne à énoncer sommairement, il ne fournit pas les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé, en particulier la mention de la ou des décisions auxquels ils se rapportent, ni ne joint à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions.
3. En deuxième lieu, le requérant soutient que son changement d'affectation revêt le caractère d'une sanction déguisée dès lors que cette mesure aurait été prise dans le seul but de l'écarter du service. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la mesure dont il a fait l'objet a été prise en raison de l'état de santé de l'intéressé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant cette décision, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères aurait eu l'intention de le sanctionner. Par suite, la mesure litigieuse ne revêt pas le caractère d'une sanction déguisée, alors au demeurant que le requérant ne se prévaut d'avoir été privé d'aucune garantie procédurale disciplinaire.
4. En troisième lieu, si le rapport d'expertise psychiatrique réalisée en 2017 à la demande du requérant conclut que " le tableau clinique encourage tant que faire se peut à espérer de nourrir l'espoir que ce sujet puisse rencontrer la possibilité de reprendre une activité professionnelle ", cette seule mention, au demeurant exprimée sous la forme d'un vœu ne permet pas de remettre en cause l'inaptitude totale et définitive de M. B... à l'exercice de ses fonctions constaté par l'avis de la commission de réforme, lequel est cohérent avec l'avis du comité médical du 25 juillet 2017 confirmé par l'avis de comité médical supérieur du 11 décembre 2018, quand bien même son taux d'incapacité n'a été évalué qu'à 50 %.
5. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2°) A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
6. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Si M. B... soutient que la maladie à l'origine de l'invalidité constatée a pour origine le harcèlement moral dont il dit avoir été victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques lorsqu'il était en poste à Washington, il n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément susceptible de démontrer la réalité des faits qu'il invoque. En outre, il ressort de l'ensemble des documents médicaux produits au dossier que l'invalidité du requérant est la conséquence d'un état préexistant.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration se serait crue liée par l'avis du comité médical supérieur et de la commission de réforme, le ministre ayant fondé sa décision sur les rapports et avis médicaux émis par les médecins et les différentes instances.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ".
8. Après que la commission de réforme a estimé, dans son avis du 2 avril 2019, que M. B... était définitivement inapte à exercer toutes fonctions, sans possibilité de reclassement, l'administration a admis l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite en raison de son inaptitude. Dans ces conditions, dès lors que M. B... est inapte physiquement de manière définitive à l'exercice de toutes fonctions, l'administration n'était pas tenue d'inviter le requérant à présenter une demande de reclassement ou de rechercher un reclassement.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 janvier 2020.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que les frais liés à l'instance soient mis, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. HEERS La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04851