Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2114019 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 14 octobre 2022 et 30 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Peiffer-Devonec, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114019 du 15 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant des décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elles se fondent ;
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- il justifie de circonstances particulières s'opposant à cette décision ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Michel-Bechet substituant Me Peiffer-Devonec pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 15 août 2002, est entré en France en janvier 2018 selon ses déclarations. Par un arrêté du 11 octobre 2021, la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France à l'âge de 15 ans, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Seine-Saint-Denis du 23 septembre 2018 jusqu'à sa majorité, sur décision judiciaire du 11 septembre 2018. Le requérant, qui a ensuite bénéficié de " contrats jeune majeur ", a d'abord été hébergé en hôtel social, puis a été, depuis le 27 janvier 2021, pris en charge dans la structure Alteralia, où il est accompagné par une équipe éducative. D'une part, le requérant, qui justifie avoir suivi, de 2018 à 2020, des formations en français et pour l'élaboration d'un projet professionnel et avoir effectué deux stages de trois mois, a obtenu, le 5 juillet 2021, une promesse d'embauche dans une boulangerie. D'autre part, M. B... soutient, sans être contredit, ne plus avoir de liens avec les membres de sa famille résidant dans son pays d'origine, sa mère étant décédée, les relations avec son père étant conflictuelles, son frère aîné ayant quitté le Mali et sa jeune sœur n'étant pas joignable. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant est psychologiquement vulnérable et a, au demeurant, été reconnu comme travailleur handicapé postérieurement à la décision attaquée. Enfin, si M. B... a sollicité, le 13 juillet 2021, un titre de séjour, sa demande n'a pu être examinée en l'absence d'une carte d'identité consulaire, qui ne lui a été délivrée que le 23 septembre 2021. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise à son encontre par la préfète du Val de Marne est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et, partant, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à en demander l'annulation.
3. L'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... étant ainsi entachée d'illégalité, les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dont elle est assortie doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée implique nécessairement que la préfète du Val de Marne ou le préfet territorialement compétent, d'une part, réexamine la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, d'autre part, lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2114019 du 15 septembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté de la préfète du Val de Marne du 11 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val de Marne ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val de Marne.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04444 2