Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 30 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus responsable de la covid-19 et à M. A... C..., la somme totale de 5 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de la contamination de sa mère par le virus responsable de la covid-19.
Par un jugement n° 2115301 en date du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2022, Mme et M. C..., représentés par Me Fellous, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2115301 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 30 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus responsable de la covid-19 et à M. A... C..., la somme totale de 5 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de la contamination de sa mère par le virus responsable de la covid-19.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il appartenait à l'Etat, à qui il incombe de prévenir et de gérer les crises sanitaires, au titre de son pouvoir de police sanitaire, de prendre les mesures sanitaires pour empêcher la propagation du virus responsable de la covid-19 et permettre à la population de se protéger ;
- une faute simple dans la mise en œuvre de ces attributions est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- en l'espèce, l'absence d'anticipation de la survenue d'une épidémie telle que celle de la covid-19, qui s'est traduite par le constat d'une pénurie de masques de protection à l'apparition de ce virus, constitue une faute, l'Etat n'ayant pas mis en œuvre les mesures de prévention adaptées, en méconnaissance du principe de précaution tel que garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement ;
- la gestion de la pénurie de masques entre les mois de janvier et mars 2020 s'est révélée défaillante ;
- la communication contradictoire et inexacte des autorités de l'Etat quant à l'utilité des masques pour le grand public et des dépistages d'une part, et quant à l'éventualité de la mise en place prochaine de mesures visant à fermer les écoles et instaurer un confinement de la population d'autre part, n'a pas permis à la population de se protéger et est constitutive d'une faute ;
- la pénurie de gel hydroalcoolique constatée au début de la crise sanitaire, conséquence d'une absence d'anticipation de la part des autorités de l'Etat, qui ont en outre tardé à remédier au problème, révèle une carence fautive de l'Etat ;
- le choix du Gouvernement français de ne pas procéder au dépistage massif des personnes présentant des symptômes de la covid-19 aux mois de mars et d'avril 2020 ainsi que l'absence d'anticipation pour permettre une production suffisante de tests sont constitutifs d'une faute ;
- en prenant la décision de confiner la population le 16 mars 2020 et non dès le 31 janvier 2020 l'Etat a commis une faute ;
- l'ensemble de ces fautes est à l'origine de la contamination par le virus de la covid-19 de Mme D... C... ou, à tout le moins, d'une perte de chance de ne pas être contaminée ; les premiers juges ont considéré à tort que la contamination de Mme C... n'était pas avérée ;
- le préjudice moral et d'affection de Mme D... C... s'élève à 30 000 euros
- le préjudice d'anxiété de M. A... C... s'élève à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'Etat avait commis une faute dans la constitution d'un stock de masques et dans sa communication sur l'utilité du port du masque pour la population générale ;
- l'Etat, n'a pas commis de faute dans la date d'adoption d'une mesure de confinement, dans sa communication, en ce qui concerne le gel hydroalcoolique, dans la gestion des masques, ni dans sa stratégie de dépistage ;
- le principe de précaution ne peut être invoqué qu'à l'encontre des décisions affectant l'environnement ; en tout état de cause, aucune atteinte n'a été portée au principe de précaution dans la gestion de l'épidémie de la covid-19 ;
- à titre subsidiaire, la contamination de Mme C... par le virus de la covid-19 n'est pas établie ; en tout état de cause, aucune des fautes invoquées par les requérants ne présente un lien de causalité direct et certain avec sa contamination par le virus responsable de la covid-19 ;
- à titre infiniment subsidiaire, la réalité des préjudices dont se prévalent les requérants, n'est pas démontrée ; en tout état de cause, les montants sollicités doivent être ramenés à de plus justes proportions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de M. B..., représentant le ministre de la santé et de la prévention.
Le ministre de la santé et de la prévention a présenté une note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La découverte d'un nouveau coronavirus a été annoncée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le 9 janvier 2020. Le 22 janvier 2020, l'OMS a confirmé la transmission interhumaine de ce virus. Cette organisation a déclaré le 30 janvier 2020 que le nouveau coronavirus constituait une urgence de santé publique de portée internationale et, le 11 mars 2020, elle l'a qualifié de pandémie.
2. Mme D... C..., infirmière, indique avoir ressenti le 8 février 2020 les premiers symptômes de la maladie à coronavirus 2019 (ou covid-19) et avoir été placée en congé pour maladie du 12 au 14 février 2020 puis du 17 au 21 février 2020. Elle indique également s'être rendue aux urgences de l'hôpital Bichat le 27 février 2020, et que malgré la prescription par son médecin traitant d'un test RT-PCR, l'hôpital lui a refusé par deux fois la réalisation du prélèvement. Elle a été placée de nouveau en congés pour maladie du 2 au 6 mars 2020, du 11 mars au 15 avril 2020 puis du 16 au 30 avril 2020. Mme D... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 30 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de la covid-19 et à M. A... C..., la somme de 5 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation en réparation des préjudices résultant de la contamination de sa mère par le virus responsable de la covid-19. Par un jugement du 28 juin 2022 dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
3. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été placée le 12 février 2020 en congé de maladie pour une " bronchite sur suspicion covid-19 ", qu'ont été effectués le 28 mars 2020, un test de virologie moléculaire puis le 4 mai 2020, un test sérologique et que ces deux tests se sont révélés négatifs. Si l'intéressée produit le compte-rendu d'une téléconsultation du 5 mai 2020 qui indique qu'elle avait " probablement contracté une infection à covid-19 qui n'a pas encore été authentifiée ", ainsi qu'un courrier de son médecin traitant établi le 7 janvier 2021 et indiquant qu'elle présentait à chaque consultation entre le 12 février 2020 et le 30 avril 2020 " des symptômes compatibles avec l'affection à Covid-19 ", elle n'établit pas par ces seuls éléments qu'elle aurait été effectivement contaminée par le virus. Dans ces conditions, faute pour les requérants de justifier de l'existence même de cette contamination, ils ne sauraient obtenir réparation de préjudices en résultant ni se prévaloir d'une perte de chance de Mme C... de l'éviter. Dès lors, il y a lieu de rejeter, sans qu'il soit besoin de rechercher si les fautes alléguées dans la gestion de la crise sanitaire sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat, leurs conclusions présentées en appel.
4. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Madame D... C... et M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., première dénommée pour l'ensemble des requérants, et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.
Le rapporteur,
F. HO SI FAT
La présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03996