Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2213357 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mai 2022, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Benitez, d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 17 et 22 mars 2023 sous le n° 23PA01120, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2213357 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu, pour annuler son arrêté du 9 mai 2022, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au motif qu'il n'est pas établi que la convocation adressée à M. A... par le médecin de l'OFII pour qu'il soit procédé à une visite médicale lui a bien été notifiée ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 12 avril 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) fait valoir que même à conclure à l'existence d'un vice de procédure, celui-ci serait sans influence sur le sens de l'avis médical, et qu'en tout état de cause, le traitement dont M. A... a besoin est disponible au Mali.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2023, M. A..., représenté par Me Benitez, demande à être admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Benitez de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinés de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet de police n'est pas fondé ;
- la procédure est également irrégulière en l'absence de preuve de l'usage d'un procédé de signature électronique permettant l'identification des signataires et de preuve quant au caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'OFII ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 4 juillet 2023.
II. Par une requête enregistrée le 22 mars 2023 sous le n° 23PA01200, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2213357 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, l'annulation du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2023, M. A..., représenté par Me Benitez, demande à être provisoirement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Benitez de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinés de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 31 décembre 1989 à Yaguin (Mali), a sollicité, le 30 décembre 2021, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 23 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mai 2022, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Benitez, d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par une première requête, enregistrée sous le n° 23PA01120, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler le jugement du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter la demande de M. A.... Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 23PA01200, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées 23PA01120 et 23PA01200, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du jugement n° 2213357 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 23PA01120 :
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
4. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ". Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé précédemment : " L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 (...) ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions portées sur l'avis du collège des médecins du 30 mars 2022 et sur le rapport médical établi par le médecin instructeur de l'OFII que celui-ci a convoqué M. A... pour une visite médicale mais que l'intéressé n'a pas déféré à cette convocation. Dans ces conditions, le rapport a été établi au vu des seuls éléments dont le médecin disposait. Toutefois, M. A... soutient qu'il n'a pas reçu la convocation, datée du 25 janvier 2022, produite devant les premiers juges par l'OFII. Si cette convocation n'a pas nécessairement à être signée, il appartient à l'administration d'établir qu'elle a bien été notifiée à M. A..., ce qu'elle ne fait pas en l'espèce. A cet égard, le préfet ne peut pas utilement faire valoir la charge administrative que l'obligation de vérifier qu'une convocation à un examen médical est régulièrement notifiée à son destinataire entrainerait pour l'OFII et la diminution qui en résulterait, selon lui, des convocations à des examens complémentaires, ni l'indépendance des médecins de l'OFII et le fait qu'il ne lui appartiendrait pas de contrôler la régularité de la procédure suivie devant l'OFII. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'absence de la visite médicale auquel le médecin rapporteur avait librement choisi de procéder, en application des dispositions précitées de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardée comme ayant été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur la teneur de son rapport, sur lequel s'est fondé le collège des médecins dans son avis du 30 mars 2022 pour retenir que M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, de même que sur la décision attaquée portant, pour ce motif, refus de délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, cette décision, prise à l'issue d'une procédure irrégulière, est entachée d'illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a, notamment, annulé son arrêté du 9 mai 2022 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 4 juillet 2023. Par suite, d'une part, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions qu'il a présentées, tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle, d'autre part, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Benitez de la somme de 1 200 euros.
Sur la requête n° 23PA01200 :
9. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA01120 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2213357 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA01200 par laquelle le préfet demande à la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
10. Par ailleurs, alors que, d'une part, M. A... n'a pas introduit de demande d'aide juridictionnelle pour cette procédure et que, d'autre part, le tribunal a enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement du 23 février 2023, les conclusions reconventionnelles de M. A... tendant à être provisoirement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Benitez de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent en tout état de cause être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA01200 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 2 : La requête n° 23PA01120 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Benitez, conseil de M. A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... dans la requête n° 23PA01200 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01120, 23PA01200 2