Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2217468/8 du 6 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Dupuy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation en vue de la délivrance d'un titre de séjour, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros HT sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a statué, par ordonnance du 1er août 2022, sur son recours dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 avril 2022 sans qu'il ait été entendu sur les événements survenus au Sri-Lanka en juillet 2022 dont il a fait état devant le tribunal ;
- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour au Sri-Lanka, notamment du fait de sa participation aux manifestations de soutien organisées en France pour la contestation qui a conduit à la fuite du président Rajapaksa en juillet 2022 ;
- l'arrêté attaqué méconnait l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment au regard de l'ancienneté de son séjour et de celui de son épouse ainsi que de la scolarité de leurs enfants ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu la décision d'aide juridictionnelle n° 2022/033639 du 8 décembre 2022 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A... ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sri-lankais né le 6 août 1965 et entré en France, selon ses déclarations, le 25 juin 2017, a sollicité son admission au statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 février 2018, qui a été confirmée le 17 décembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La demande de réexamen présentée par le requérant a été rejetée le 28 février 2019 par l'OFPRA puis par la CNDA le 20 juin 2019. Sa deuxième demande de réexamen a également été rejetée par l'OFPRA, par une décision d'irrecevabilité du 19 avril 2022. Par un arrêté du
12 juillet 2022, le préfet de police a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité. M. A... relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté querellé ni d'aucune autre pièce versée au dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen approfondi et personnalisé de la situation personnelle du requérant, tant au regard de sa vie privée et familiale qu'au regard des risques en cas de retour dans son pays d'origine, avant de prendre à son encontre l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doit, ainsi, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 2017 et de ce qu'il y séjourne depuis lors avec son épouse et leurs deux enfants, nés respectivement en 2010 et 2017 et scolarisés en France. Il invoque en outre l'insertion sociale et professionnelle significative de la cellule familiale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la résidence en France de M. A..., à la supposer même continue depuis son entrée en France, en 2017, est en tout état de cause relativement récente et qu'il ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle stable. En outre, à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 52 ans, ni à ce que son épouse, également en situation irrégulière, l'accompagne ou le rejoigne, avec leurs deux enfants, afin d'y reconstituer la cellule familiale, ni encore que ses enfants ne pourraient pas y bénéficier d'une scolarisation normale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français en tant qu'elle méconnaîtrait les dispositions et stipulations qui précèdent doivent être regardées comme dirigées en réalité contre la décision fixant le pays de destination.
8. Il est constant que la demande d'asile de M. A..., qui a été réexaminée à deux reprises, a fait l'objet en dernier lieu, à la date de l'arrêté attaqué, d'un rejet par une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 19 avril 2022, sur le fondement de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'Office a en effet estimé, en application de l'article L. 531-42 du même code, qu'à la suite d'un examen préliminaire, les faits ou éléments nouveaux présentés par M. A... n'augmentaient pas de manière significative la probabilité que ce dernier justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. M. A... invoque, au soutien du moyen tiré des craintes en cas de retour au Sri-Lanka, outre le compte rendu de la mission de collecte d'informations envoyée à Colombo en août 2009 par le gouvernement britannique concernant les procédures en vigueur à l'aéroport de cette ville pour les tamouls de retour dans leur pays, la situation générale existant dans ce pays durant l'été 2022 à la suite de la fuite du président Rajapaksa et sa participation à des manifestations organisées en France à la même période, en soutien à la contestation ayant provoqué cette fuite. Toutefois, M. A... ne verse au dossier aucun élément nouveau de nature à établir, qu'à la date de l'arrêté contesté, il se trouvait personnellement exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ainsi que des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.
Le rapporteur,
P. MANTZLa présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00318 2