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16/11/2023 | FRANCE | N°22PA02637

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 22PA02637


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 11 juillet 2022 ainsi que le 31 août 2023, sous le n° 22PA02637, la société civile immobilière Le Dix, représentée par Me Cofflard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons

de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord ...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 11 juillet 2022 ainsi que le 31 août 2023, sous le n° 22PA02637, la société civile immobilière Le Dix, représentée par Me Cofflard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, car elle justifie d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ;

- l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux olympiques et paralympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut, le cas échéant, surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ;

- le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux techniques de la société d'exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ;

- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ;

- il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ;

- il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ;

- le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable car la société requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir et qu'en outre, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 2 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Le Dix une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juin et 18 juillet 2022 ainsi que le 3 septembre 2023, sous le n° 22PA02653, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E..., représentés par Me Cofflard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le permis de construire n° PC 075 107 20 V0034 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il autorise la création de deux pavillons de bagageries, ou en tant qu'il autorise l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, en ce que les solutions de substitution raisonnables n'ont pas été examinées en dehors des aménagements des piliers de la Tour Eiffel, et en ce que la nécessité des aménagements et de l'implantation des services sur le site prévus en lien avec les Jeux Olympiques n'est pas démontrée et n'a pas été examinée dans l'étude d'impact, et que ces insuffisances ont nui à l'information du public ; la Cour peut le cas échéant surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ;

- le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur l'accord donné en vertu de l'article R. 425- 17 du code de l'urbanisme par le ministre des sites le 21 janvier 2022, lui-même illégal, dès lors que le projet constitue une atteinte constitutive d'une dénaturation du site, compte tenu de la réduction des espaces boisés classés (D...) accessibles au public, par la construction des deux pavillons de bagageries et des locaux de la SETE ;

- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UV 2.1 a du règlement du PLU de Paris, compte tenu de la construction prévue des locaux techniques destinés à la SETE sur deux niveaux de sous-sol en dessous de la cote des plus hautes eaux connues (PHEC) ;

- il méconnaît l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UV 11.1 du règlement du PLU de Paris compte tenu de l'atteinte grave à la conservation de perspectives monumentales, qu'il porte ;

- il méconnaît l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, aurait dû faire l'objet d'une demande de permis d'aménager ;

- le permis de construire contesté est illégal en ce qu'il se fonde sur la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le PLU de Paris avec le projet, elle-même illégale, en ce que cette mise en compatibilité n'est pas cohérente avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; si la Cour déclarait illégale cette délibération, alors le permis ne pourrait pas être autorisé au regard du PLU dans sa version antérieure à cette mise en compatibilité, en ce qui concerne la suppression d'espaces boisés classés, sans méconnaître l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 juin et 4 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Cofflard, représentant la société civile immobilière Le Dix, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", Mme I... A..., M. H... F..., ainsi que Mme G... et M. J... E...,

- les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris,

- et les observations de Me Cuny substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant la société PariSeine.

L'association " France Nature environnement Paris " et autres ont produit le 25 octobre 2023 une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du projet de l'opération de réaménagement des espaces s'étendant de la place du Trocadéro, au Champ-de-Mars, jusqu'à l'Ecole Militaire, lancée par la Ville de Paris en décembre 2018, et ayant abouti au choix du projet de maîtrise d'œuvre dit " B... C... ", la société publique locale PariSeine a déposé une demande de permis de construire le 2 octobre 2020 pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel. Par décision du 7 avril 2022, la maire de Paris lui a accordé, sous prescriptions, ce permis, qui représente une surface de plancher créée de 1 514 m² et une surface de plancher démolie de 1 517 m² et comprend : le réaménagement du parvis (nivellement, plantations), et des jardins avec la construction de lieu à destination du public (guérites, kiosques, sanitaires) après démolition de l'intégralité des guérites et kiosques existants ; la réorganisation des parcours du public par l'aménagement paysager et par la création de nouveaux pavillons d'entrée et de sortie des piliers après démolition des éléments existants accolés aux pieds de la Tour Eiffel (entrée/sortie bureaux exploitation) ; l'extension en sous-sol des piliers Nord et Ouest pour des bureaux à destination de la société d'Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) ; la création de deux pavillons de bagageries après démolition des deux bâtiments de la direction des Espaces Verts et de l'Environnement (DEVE) ; la plantation de 42 arbres après abattages de 20 arbres. La société civile immobilière Le Dix, propriétaire d'un immeuble au 10 avenue de la Bourdonnais à Paris, demande l'annulation de ce permis de construire, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02637. L'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", ainsi que Mme I... A..., M. H... F..., Mme G... et M. J... E..., propriétaires ou occupants réguliers d'appartements situés rue de l'Université et rue Buenos-Aires à Paris, demandent également, par une requête enregistrée sous le n° 22PA02653, l'annulation du même permis de construire.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 22PA02637 et 22PA02653 concernent le même permis de construire. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation préalable du public :

3. Il est constant que les requérants, qui critiquent le choix d'une procédure de participation du public dérogatoire, ne soulèvent aucun moyen à l'encontre de cette procédure, les moyens soulevés étant énumérés dans les mémoires récapitulatifs du 31 août 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02637 et du 3 septembre 2023, en ce qui concerne la requête n° 22PA02653.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris mettant en compatibilité le plan local d'urbanisme (PLU) de Paris avec le projet :

4. Le Conseil de Paris a engagé une procédure intégrée pour la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Paris avec le projet " C... Tour Eiffel ", en application des dispositions de l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme, rendues applicables aux constructions et opérations d'aménagement nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 par les dispositions de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Par une délibération des 8, 9 et 10 février 2022, dont les requérants soulèvent, par voie d'exception, l'illégalité, il a approuvé la mise en compatibilité du PLU de Paris, qui était nécessaire pour la délivrance ultérieure des autorisations d'urbanisme liées à la mise en en œuvre du projet.

5. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

6. Les requérants soutiennent que la mise en compatibilité du PLU de Paris n'est pas cohérente avec l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris. Il est constant que la mise en compatibilité du PLU de Paris porte notamment sur la modification du règlement en vue de l'implantation de constructions nouvelles et la restructuration de constructions existantes dans des emprises qui bénéficiaient jusqu'alors d'une protection d'espaces boisés classés (D...).

7. L'objectif du PADD tenant à la mise en valeur du paysage architectural et urbain de Paris, qui vise " la qualité des bâtiments existants, et des constructions à venir ", et une attention portée " à la spécificité des quartiers, la cohérence de leur organisation le long des rues, la nature des commerces ", est peu pertinent en ce qui concerne le site de la Tour Eiffel, qui ne constitue pas un ensemble bâti. En tout état de cause, il ressort de la note de présentation du projet que celui-ci, qui a pour ambition de concilier les différentes perspectives d'un grand site patrimonial et de retrouver des continuités urbaines et paysagères faisant le lien entre la Tour Eiffel, et les jardins du Champ de Mars et du Trocadéro, procède à la mise en valeur du patrimoine architectural et paysager. L'implantation de deux pavillons de bagageries prévue par le projet à l'entrée du parvis de la Tour Eiffel, à l'Ouest et à l'Est, mise en cause par les requérants, n'est pas incohérente avec cette mise en valeur, dès lors que, comme le précise la note de synthèse du projet, l'architecture de ceux-ci est prévue pour s'intégrer dans le paysage. La végétalisation des toitures de ces bâtiments permet ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de limiter l'artificialisation du sol. Dans le même temps, le projet prévoit de requalifier le parvis de la Tour Eiffel en le libérant " des constructions existantes qui bloquent aujourd'hui les vues " par la réorganisation des services d'accueil des visiteurs. Si les requérants se prévalent de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, relatif à la protection par l'Etat et les collectivités territoriales des biens du patrimoine mondial, par la délimitation d'une zone, dite "zone tampon", incluant notamment l'environnement immédiat du bien, et les perspectives visuelles importantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que les bagageries en cause, d'une hauteur de 4 à 5 mètres obstrueraient les vues sur la Tour Eiffel, tandis que leur positionnement latéral sur le parvis ne gêne pas la perspective majeure de l'axe Champ de Mars/Trocadéro. Dès lors le moyen tiré de l'incohérence entre, la mise en compatibilité du PLU de Paris avec le projet, approuvée par la délibération des 8, 9 et 10 février 2022 du Conseil de Paris, et l'objectif du PADD tendant à mettre en valeur le paysage architectural et urbain de Paris, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'accord du ministre chargé des sites :

8. Aux termes de l'article R. 425-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site classé (...), la décision prise sur la demande de permis (...) ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l'environnement : (...) / b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas. ". Aux termes de l'article L. 341-10 du code de l'environnement : " Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale. (...) / Lorsque les modifications projetées portent sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les autorisations prévues aux articles L. 621-9 et L. 621-27 du code du patrimoine valent autorisation spéciale au titre du premier alinéa du présent article si l'autorité administrative chargée des sites a donné son accord. (...) / Lorsque les modifications projetées comportent des travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l'objet d'une enquête publique en application de l'article L. 123-2 du présent code, l'autorisation spéciale prévue au premier alinéa du présent article est délivrée après cette enquête publique. ".

9. Le classement d'un site sur le fondement des dispositions du code de l'environnement n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de classement, mais seulement de soumettre à autorisation tout aménagement susceptible de modifier l'état des lieux. Le permis de construire dans un site classé peut légalement être délivré avec l'accord exprès du ministre chargé des sites dès lors que le projet n'apporte pas dans l'état des lieux, des modifications qui rendraient le classement sans objet et seraient ainsi l'équivalent d'un véritable déclassement. Pour juger de la légalité d'une autorisation délivrée par le ministre et apprécier si des travaux ainsi autorisés ont pour effet de faire perdre son objet au classement du site, même sur une partie de celui-ci, il appartient au juge administratif d'apprécier l'impact sur le site de l'opération autorisée, eu égard à sa nature, à son ampleur et à ses caractéristiques, en tenant compte de la superficie du terrain concerné par les travaux à l'intérieur du site ainsi que, le cas échéant, de la nature des compensations apportées à l'occasion de l'opération et contribuant, à l'endroit des travaux ou ailleurs dans le site, à l'embellissement ou l'agrandissement du site.

10. Il est constant que le site du Champ de Mars a été classé par un arrêté du 22 octobre 1956. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'inspection régionale des sites pour la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) qui s'est réunie le 24 mars 2021, que le site du Champ de Mars est protégé au titre de son caractère historique et pittoresque et de sa place singulière dans l'art des jardins et que les motifs du classement portent essentiellement sur la perspective qu'il offre depuis l'axe central.

11. Il ressort des pièces du dossier que la ministre de la transition écologique, chargée des sites, a donné, en vertu de l'article L. 341-10 du code de l'environnement, son accord au projet de permis de construire le 21 janvier 2022, en prenant en compte l'avis de la CDNPS à l'issue de sa séance du 24 mars 2021 et l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) du 15 mars 2021. La ministre de la transition écologique a considéré que le projet " par l'aménagement paysager proposé, par l'harmonisation des constructions liées à l'accueil du public et du mobilier urbain, ainsi que par l'amélioration de la gestion des flux piétons qu'il propose, unifie l'espace, améliore sa lisibilité et n'est pas de nature à porter atteinte au site classé ", sous réserve de la prise en compte des prescriptions que son autorisation énonce, lesquelles reprennent celles qui ont été préalablement formulées par la CDNPS et l'ABF.

12. Les requérants soutiennent que le projet porte atteinte aux espaces boisés classés (D...) et à l'accessibilité des jardins publics et qu'en conséquence, le permis de construire accordé sur le fondement de l'accord du ministre chargé des sites, constitue l'équivalent d'un déclassement du site.

13. D'une part, si les requérants font valoir que le bilan du projet dans sa dimension allant de la place du Trocadéro à l'Ecole Militaire, amènerait à une réduction des espaces boisés classés existants, ils ne contestent que la légalité du permis de construire du 7 avril 2022, limité aux aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel, et par exception, celle de l'arrêté du ministre en charge des sites portant spécifiquement sur ce permis de construire. Dès lors, la branche du moyen tiré de la dénaturation du classement du site, dans son ensemble, est inopérante.

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ".

15. Les requérants ne contestent pas que le bilan des D... supprimés et de ceux qui sont créés par le projet, sur le secteur de la Tour Eiffel en cause, est positif, apportant un supplément de 1 369 m² D..., comme cela ressort du rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris pour le projet d'aménagement du site de la Tour Eiffel. Ils soutiennent que les extensions de jardins de part et d'autre de la Tour au pourtour du parvis, simplement engazonnées, n'auraient pas dû être prises en compte dans le calcul des D.... Toutefois les dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme précitées autorisent le classement de " parcs à créer " dans les espaces boisés. Si les requérants soutiennent également que le calcul des surfaces D... après projet n'aurait pas dû prendre en compte l'emprise des deux bâtiments de la Direction des Espaces Verts de la Ville de Paris (DEVE) destinés à être démolis dès lors que, selon eux, ils étaient déjà classés en D..., il ressort de la planche D07 du sous-secteur ouest de l'atlas général, contenue dans le rapport de présentation de la mise en compatibilité du PLU de Paris, que, s'agissant du document alors en vigueur, ces emprises y étaient classées en zone urbaine verte, et non en D.... Les requérants ne démontrent donc pas que les surfaces de 2 938 m² D... créées, à comparer aux 1 569 m² D... supprimés, seraient inexactes. Enfin, la circonstance que les extensions de jardins sur le parvis de la Tour soient inaccessibles au public, car comprises dans l'enceinte sécurisée du parvis, ne fait pas obstacle à leur prise en compte dans le calcul des D..., ce classement ayant pour seul but d'assurer la protection de ces espaces.

16. Les requérants font valoir, par ailleurs, qu'il existe un changement de nature entre les D... qui seront supprimés pour la construction des pavillons de bagagerie et des locaux techniques de la SETE, et les espaces végétalisés qui prennent place sur les toitures de ces constructions, dès lors que ceux-ci ne sont pas accessibles au public. Contrairement à ce qu'indiquent les requérants, la surface des D... supprimés ne peut être calculée que par rapport à la superficie au sol des espaces boisés qui existaient, et non par rapport aux superficies qui seront créées, notamment en élévation sur les toitures des bâtiments comme les pavillons de bagageries, lesquelles ne constituent pas des D.... En tout état de cause, il ressort de la note de synthèse de présentation du projet " B... ", que pour le secteur du permis de construire en cause, les espaces libres végétalisés qui étaient d'une superficie de 19 665 m² avant le projet, seront portés à 25 418 m² au sol et 1 891 m² sur toiture. Dès lors, quand bien même certaines surfaces d'espaces végétalisés ne sont pas accessibles au public, le projet permet une augmentation des espaces verts au sol.

17. Ainsi, compte tenu, d'une part, du renforcement de la protection d'espaces boisés par le projet, et, d'autre part, de l'augmentation de la part des espaces libres végétalisés, lesquels contribuent à la préservation des jardins du site, le projet n'entraîne pas une dénaturation du site classé, les requérants ne démontrant pas que l'autorisation de la ministre chargée des sites serait entachée d'illégalité en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 341-10 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :

18. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 2° Une description du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ".

19. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant des solutions de substitution examinées :

20. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact expose les principales solutions de substitutions examinées, sur les sites majeurs concernés par le projet, comme la place du Trocadéro, ou pour ce qui concerne le secteur du permis de construire en cause, l'aménagement des pavillons d'accueil et auvents des piliers de la Tour Eiffel et l'aménagement du Champ de Mars. La circonstance qu'elle n'étudie pas de variantes pour les deux bagageries en cause n'est pas en l'espèce susceptible de vicier la procédure dès lors, d'une part, que cette étude a précisé le parti d'aménagement retenu pour les bagageries et les kiosques, et justifié les raisons de ce choix, et, d'autre part, que ces constructions sont secondaires à l'échelle de l'aménagement du site.

21. Il ressort des pièces du dossier que le projet vise un équilibre entre la préservation des enjeux patrimoniaux et paysagers, et l'amélioration des usages du site. Il répond, parallèlement, à ce second objectif de la Ville de Paris, par les bagageries jugées nécessaires pour augmenter l'offre de services à l'usage des visiteurs, compte tenu du sous-équipement actuel du site pour une dimension touristique mondiale, et à celui de la mise en valeur du grand paysage du site. L'étude d'impact expose que " le parvis de la Tour Eiffel, très minéral et encombré, est réinséré dans la continuité du grand parterre de pelouse du " tapis vert " s'étendant du Champ de Mars à la place du Trocadéro. Dans la même logique les jardins latéraux du parvis se développent selon la logique pittoresque d'origine " et " les aménagements architecturaux prévus suivent cette logique : - Les piliers sont débarrassés des extensions qui sont venues encombrer le site au fil du temps (...) - Les allées latérales qui guident le visiteur vers l'entrée de l'enceinte sécurisée accueillent deux nouveaux bâtiments appelés pavillons. Le site retrouve ainsi son esprit d'origine ; la Tour semble émerger d'un jardin dégagé de tout édifice superflu. ". Le positionnement des bagageries est ainsi pensé à proximité de portes urbaines d'entrée sur le site, de manière à résoudre la concentration actuelle des flux au pourtour de la Tour Eiffel, qui dégrade les espaces publics du site, en amenant les visiteurs à partir de ce point de départ à se répartir sur le parcours de l'ensemble du site Trocadéro/Tour Eiffel/Champ de Mars, conçu comme unitaire. Il ressort également des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que le projet a fait le choix d'une intégration des bagageries dans le paysage pour en atténuer l'impact visuel et environnemental par une architecture discrète et végétalisée. L'étude d'impact ne peut donc être regardée comme insuffisante sur la construction des bagageries, celle-ci justifiant du lieu d'implantation de ces pavillons, ainsi que de leur impact sur l'environnement paysager et monumental, quand bien même l'autorité environnementale a pu émettre dans son avis du 10 mars 2021 une recommandation pour la présentation de solutions de substitution raisonnables pour chacun des équipements préexistants ou à créer sur le site.

S'agissant de la justification des choix d'aménagement au regard de l'accueil des visiteurs pour les Jeux olympiques et paralympiques :

22. Il ressort de la note de synthèse du projet de permis de construire en cause que les objectifs d'aménagement du site portés par la Ville de Paris visent notamment à l'amélioration de la gestion des grands événements qui y prennent place de façon régulière ou exceptionnelle, en leur réservant des emplacements et infrastructures dédiés et en préservant les espaces verts, la vocation événementielle du site, historiquement liée à l'exposition universelle, étant réaffirmée, ainsi que, dans le contexte d'un site sous-équipé et sous aménagé par rapport au nombre annuel de visiteurs, à la mise à niveau de l'accueil par une montée en gamme de l'offre de service et sa localisation dans un cadre cohérent et unifié. Les aménagements pérennes du site sont ainsi destinés à mieux accueillir les 150 000 visiteurs quotidiens réguliers et doivent servir à faciliter l'accueil du public pendant la tenue des Jeux olympiques et paralympiques, avec, en ce sens, une programmation prioritaire de l'implantation des services d'accueil du public.

23. Il ressort de l'étude d'impact, dans sa partie description du projet, qu'elle rappelle toutes les études qui ont été réalisées " avec pour objectif d'alimenter les réflexions tant sur les usages quotidiens que lors d'évènements exceptionnels comme les JO " et renvoie à un site internet relatif à la concertation autour du site de la Tour Eiffel, dans lequel sont mises en ligne des études sur les usages du site et l'appréciation que portent les visiteurs sur leur expérience de visite, telles que, notamment, le rapport de l'agence d'urbanisme Gehl de 2017, le plan guide du Champ de Mars et du Trocadéro de mars 2018, ou l'enquête " expérience utilisateurs " du 30 avril 2018, ainsi que le bilan de la concertation ayant eu lieu du 21 janvier au 1er mars 2019. Il ressort de ces documents que le flux piéton est très important, engendrant des encombrements et débordements ainsi qu'un piétinement sur les pelouses du Champ de Mars, et que l'offre globale de services est jugée quantitativement insuffisante par rapport à la fréquentation du site et à sa renommée mondiale, tant sur le plan de l'accueil que de l'information ou de l'animation du lieu, créant des expériences de visite insatisfaisantes et des attentes de service très élevées.

24. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le sous-dimensionnement des services pour le site Tour Eiffel/Champ de Mars résulte donc bien de ces analyses, et l'étude d'impact a pu en déduire que : " Du fait de son caractère emblématique et de sa visibilité internationale, le site accueille déjà un nombre important de grands évènements tout au long de l'année, bien qu'il ne soit pas dimensionné pour ce faire. Le constat actuel est donc celui d'un site sur-fréquenté et sous-équipé. En cela, le site n'est aujourd'hui pas en capacité d'accueillir de manière exemplaire le site Olympique de 2024 et doit donc être réaménagé. ". Il ressort de ce qui précède que la tenue des Jeux olympiques et paralympiques n'impacte pas directement les aménagements et l'implantation de services sur le site, qui sont dimensionnés à l'accueil des visiteurs réguliers, mais qu'elle en sera facilitée par ceux-ci. L'étude d'impact n'avait donc pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à évaluer les incidences des Jeux olympiques et paralympiques sur les besoins en aménagement et l'implantation de services sur le site. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale, que le comité d'organisation des Jeux " Paris 2024 " a la charge de l'évaluation des incidences environnementales globales des Jeux, incluant les installations temporaires et la tenue des épreuves au sein du site Tour Eiffel, le projet des Jeux étant distinct de celui du site Champ de Mars/Trocadéro, quand bien même ils entretiennent des interfaces. En outre ce mémoire en réponse indique que les incidences cumulées en matière de déplacements lors du déroulement des Jeux a fait l'objet d'une analyse globale par Paris 2024, annexée à ce mémoire.

25. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne la méconnaissance de certains articles du code de l'urbanisme et du règlement du PLU de Paris :

S'agissant de la méconnaissance de l'article UV 1 c) du règlement du PLU :

26. Il est constant que le projet se situe en zone urbaine verte (UV) du règlement du PLU de Paris, qui regroupe des espaces de densité bâtie faible, dont la fonction écologique, la qualité paysagère ou la vocation récréative, sportive ou culturelle doivent être préservées et mises en valeur.

27. Aux termes de l'article UV 1, relatif aux occupations et utilisations du sol interdites, de ce règlement : " Les constructions et installations, ainsi que les travaux divers de quelque nature que ce soit, à l'exception des travaux d'accessibilité, d'hygiène, d'isolation phonique ou thermique ou de sécurité, sont soumis aux interdictions suivantes : (...) / c - les constructions ou installations qui, par leurs nature, dimensions, volume et aspect, seraient incompatibles avec le paysage ou porteraient atteinte au caractère du site. ".

28. Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article UV 1 c) du règlement du PLU sont méconnues dès lors que les constructions des deux pavillons de bagagerie dénatureront les vues sur le patrimoine mondial, alors que celles-ci sont notamment protégées dans la "zone tampon" prévue par l'article L. 612-1 du code du patrimoine.

29. Toutefois, il ressort du rapport d'analyse de l'inspection régionale des sites, pour la CDNPS qui s'est réunie le 24 mars 2021, que, dans les jardins latéraux adjacents aux pavillons, la végétation sera densifiée et que l'intégration des bagageries se fera par un soulèvement du sol sur un arc de cercle " qui accompagne le double alignement d'arbres autour du cheminement de l'allée cavalière du grand site. Cette 5ème façade végétalisée permet de faire oublier ces constructions depuis l'extérieur du site. (...) / La toiture végétalisée est recouverte d'une prairie (...) tout comme les alcôves des jardins d'art en continuité. ". Il ressort donc de ce rapport, alors que l'inspection régionale des sites a donné un avis favorable au projet, sous réserve, en ce qui concerne les bagageries, de la seule modification du revêtement en stabilisé du sol aux pieds des arbres, que ces constructions ne sont pas considérées comme impactant de manière importante les perspectives du site. En outre, les vues latérales du site au niveau de l'implantation des bagageries ne peuvent être regardées comme des " perspectives visuelles importantes " au sens de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, à l'instar de celles de l'axe central Champ de Mars/Trocadéro qui sont mises en valeur par le projet.

30. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que les bagageries s'intègrent dans le paysage pittoresque des jardins latéraux de la Tour Eiffel. Il ressort en effet du rapport de l'inspection régionale des sites, que les jardins de la Tour Eiffel situés de part et d'autre des piliers de la Tour à l'ouest et à l'est, et dans lesquels sont situées ces bagageries, ont été conçus comme des jardins romantiques agrémentés de pièces d'eau et d'une grotte, et traversés par deux allées cavalières, la première formée d'alignements courbes de platanes, et la deuxième, droite, à l'arrière, bordant sur le côté intérieur, une composition de jardins à l'anglaise et, sur le côté extérieur, les îlots bâtis des rues adjacentes au Champ de Mars. Les pavillons des bagageries se situent dans l'espace compris entre ces allées cavalières, en continuité des compositions de jardins à l'anglaise, auxquels leur toiture végétalisée s'intègre. Dès lors ces pavillons ne peuvent être regardés comme étant incompatibles avec le paysage ou portant atteinte au caractère du site, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UV 1 c du règlement du PLU de Paris.

S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UV 2.1. a) du règlement du PLU de Paris :

31. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UV 2.1, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières, de ce règlement : " (...) / a - Dans les zones de risque délimitées par le Plan de prévention du risque d'inondation (P.P.R.I.) du Département de Paris, la réalisation de constructions, installations ou ouvrages, ainsi que les travaux sur les bâtiments existants et les changements de destination sont subordonnés aux dispositions réglementaires énoncées par ledit document (...) ".

32. Il est constant, comme le remarquent les requérants eux-mêmes, que le secteur du Champ de Mars et de la Tour Eiffel n'est pas classé au PPRI en zone bleue, qui correspond aux zones urbanisées situées en zone inondable, compte tenu de ce que les côtes de l'unité foncière sont supérieures à celles des plus hautes eaux connues (PHEC), exprimées dans le système de nivellement général de la France (IGN 69), qui sont à 32,80 mètres à l'est de l'axe central du Champ de mars et 32,70 mètres à l'ouest de cet axe selon le plan de zonage du PPRI. Ainsi les requérants notent qu'il ressort des plans du projet, que le niveau du terrain sur le parvis de la Tour Eiffel pour les piliers nord et ouest est compris entre 33,20 et 34 mètres nivellement " Ville de Paris (NVP) ", cette mesure étant inférieure de l'ordre de 33 cm à celle exprimée dans le système IGN 69, et est donc supérieur aux côtes des PHEC.

33. Les requérants estiment que les bureaux de la SETE, qui sont prévus par le projet en sous-sol, au pied des piliers nord et ouest de la Tour, ne pouvaient être autorisés dès lors qu'ils se situent selon les plans du projet à la côte 31,40 NVP pour le pilier nord, et 31,15 NVP pour le pilier ouest, soit en dessous des côtes des PHEC. Toutefois, dès lors que ces constructions, qui ne sont prévues que sur un niveau de sous-sol, contrairement à ce qu'indiquent les requérants, ne se situent pas dans les zones de risque délimitées par le PPRI au sens des dispositions de l'article UV 2.1 du règlement du PLU de Paris, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues par le projet. Il ressort en outre des plans du projet, que dans l'état existant des piliers de la Tour Eiffel, ceux-ci abritent déjà des locaux sur deux niveaux de sous-sol à plus de 6 mètres de profondeur du niveau du terrain naturel. Il ressort par contre de l'étude d'impact qu'il existe dans le secteur du parvis de la Tour Eiffel un risque de remontées de la nappe phréatique, soit en l'occurrence de la nappe d'accompagnement de la Seine, dont la profondeur du toit est à 5 mètres de profondeur. A ce titre, il ressort de cette étude que les extensions des locaux souterrains prévues, se situent à une profondeur de 4 mètres environ sous le terrain actuel, donc au-dessus du niveau de la nappe et que des pieux y seront forés jusqu'à une profondeur de 18 mètres, sans nécessiter de rabattement de la nappe alluviale. Dans ces conditions, ces mesures de prévention du risque d'inondation paraissant adéquates, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la maire de Paris au regard des exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

S'agissant de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris :

34. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UV 11, relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords, protection des immeubles et éléments de paysage, du règlement du PLU et de son point UV 11.1 : " L'autorisation de travaux peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de prescriptions si la construction, l'installation ou l'ouvrage, par sa situation, son volume, son aspect, son rythme ou sa coloration, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Les interventions sur les bâtiments existants comme sur les bâtiments à construire permettant d'exprimer une création architecturale peuvent être autorisées. ".

35. Les requérants soutiennent que les dispositions précitées sont méconnues dès lors que le projet, par l'implantation des deux pavillons de bagageries, porte atteinte aux perspectives monumentales depuis les rues perpendiculaires au Champ de Mars, soit à l'est la rue de l'Université et à l'ouest la rue de Buenos-Aires. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit aux points précédents, que les vues qui caractérisent le site dans son caractère historique et patrimonial sont celles de l'axe central, lesquelles sont préservées et améliorées par le projet, qui a pour objectif de transformer le parvis de la Tour Eiffel par la végétalisation de l'axe dans la continuité du grand parterre de pelouse du Champ de Mars. Ainsi ces bagageries ne peuvent être regardées comme portant atteinte aux perspectives monumentales du site. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et UV 11.1 du règlement du PLU de Paris, doit donc être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme :

36. Aux termes de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme : " Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, les abords des monuments historiques (...) doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : (...) - les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et portant sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ; - la création d'un espace public. ".

37. Les requérants soutiennent que le projet, situé aux abords de monuments historiques, aurait dû, en application de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme précité, faire l'objet d'un permis d'aménager, dès lors qu'il prévoit des affouillements d'une profondeur de 4,4 mètres, des exhaussements supérieurs à 2 mètres et qu'il comporte la création d'espaces publics. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, d'une part, le projet ayant été autorisé par le permis de construire contesté, l'obligation de solliciter un permis d'aménager prévue à l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme ne trouve pas à s'appliquer, eu égard aux finalités communes des deux permis, à l'identité de composition des dossiers de demande et aux contrôles identiques auxquels leur délivrance donne lieu. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les affouillements et exhaussements du sol excédant 2 mètres de profondeur ou de hauteur porteraient sur une surface supérieure ou égale à cent mètres carrés, ni que le projet, qui consiste en un réaménagement de l'espace public existant autour de la Tour Eiffel, prévoirait la création d'espaces publics. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-20 du code de l'urbanisme doit être écarté.

38. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre de la société civile immobilière Le Dix, cette société, d'une part, ainsi que l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société PariSeine pour les aménagements paysagers dans le périmètre de la Tour Eiffel.

Sur les frais liés à l'instance :

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société civile immobilière Le Dix d'une part, et l'association " France Nature environnement Paris " et autres, d'autre part, demandent au titre des frais qu'ils ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Le Dix et de l'association " France Nature Environnement Paris " et autres, chacun, une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris et une somme de 1 500 euros à verser à la société PariSeine, en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Le Dix est rejetée.

Article 2 : La requête de l'association " France Nature environnement Paris " et autres est rejetée.

Article 3 : La société civile immobilière Le Dix versera à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'association " France Nature environnement Paris " et autres verseront à la Ville de Paris et à la société PariSeine, une somme de 1500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Le Dix, à l'association " France Nature environnement Paris ", première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants de l'instance n° 22PA02653, à la Ville de Paris et à la société publique locale PariSeine.

Délibéré après l'audience 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA02637, 22PA02653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02637
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : COFFLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-16;22pa02637 ?
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