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28/02/2024 | FRANCE | N°23PA01293

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 février 2024, 23PA01293


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2300701 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :



1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2300701 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 mars 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ;

- ils ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît le droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2023 le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a, sur sa proposition, dispensé la rapporteure publique de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant colombien né le 3 août 1983, est entré sur le territoire français le 5 septembre 2016 selon ses allégations. Il a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux par M. B... A..., et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de 1990. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier et qu'il doit être dans cette mesure annulé.

3. Ainsi, il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. B... A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions de la requête de M. B... A....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;(...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Si l'auteur de la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 611-1 et suivants et indique que M. B... A... ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français, il se borne ensuite à cocher, parmi plusieurs cases, celle mentionnant l'hypothèse de l'étranger dépourvu de documents de voyage et ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français. De même, s'il est ensuite indiqué que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce " dont aucune n'est au demeurant évoquée, " il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ", et qu'il "n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine (..) ", il s'agit de formulations stéréotypées dépourvues de tout élément relatif à la situation personnelle de M. B... A.... Dans ces conditions cette décision ne contient pas les éléments de faits sur lesquels elle se fonde, et est ainsi insuffisamment motivée. Par ailleurs il n'en résulte pas non plus que l'administration se serait livrée à un examen de la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors M. B... A... est fondé à demander, pour ces motifs, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre.

Sur la décision fixant le pays de destination :

6. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité. Dès lors M. B... A... est fondé à solliciter l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, et à demander, par la voie de l'évocation, l'annulation de cette décision, ainsi que, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, celle de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

9. Le présent arrêt qui n'annule pas une décision de refus de titre de séjour mais une obligation de quitter le territoire prononcée en dehors de toute demande de délivrance d'un tel titre, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite les conclusions de la requête à fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B... A... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300701 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 janvier 2023 du préfet de police portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de la formation de jugement,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie- Isabelle Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01293
Date de la décision : 28/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-28;23pa01293 ?
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