Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) société nationale de chemins de fer français (SNCF), venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE ci-après), et de la taxe additionnelle à cette cotisation, qu'elle a acquittées au titre des exercices 2010 à 2013, ainsi que des frais de gestion correspondants, pour un montant total de 15 088 122 euros.
Par un jugement n° 1914169 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 11 mai 2021, le 26 octobre 2021, le 11 février 2022 et le 29 avril 2022 la SA SNCF, venant aux droits de SNCF Mobilités, représentée par Me Olléon, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1914169 du 11 mars 2021 ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SNCF, la somme de 4 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est par une inexacte application des dispositions du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et au prix d'une erreur de droit que les premiers juges ont lié le caractère d'événement ouvrant le délai spécial de réclamation, à l'imprévisibilité de la solution retenue par l'arrêt n° 16PA02856 de cette cour en date du 27 décembre 2017 ;
- à supposer que ce critère soit légal, la solution retenue par cet arrêt n'était pas prévisible faute que les jugements rendus précédemment par le tribunal administratif de Paris se soient prononcés au fond sur la nature de la contribution en litige et sur le montant de la CVAE refacturée ;
- si elle a commis une erreur en comptabilisant le montant de la contribution C 2, au même titre que la redevance C 1, comme rémunération de service, cette erreur ne lui a pas été révélée avant l'intervention de l'arrêt mentionné de la Cour, en tant que ce dernier a retenu que la contribution C 2 présentait le caractère de subvention d'investissement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 septembre 2021, le 10 janvier 2022, le 31 mars 2022et le 30 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun de moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
-le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de M. Soyez ;
-les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
-et les observations de Me Olléon, pour la SA SNCF, venant aux droits de SNCF Mobilités.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public SNCF Mobilités, aux droits duquel vient la société anonyme SNCF (ci-après la SNCF), a réclamé à l'administration la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE ci-après) et de la taxe additionnelle à cette cotisation, acquittées au titre des exercices clos de 2010 à 2016, en raison d'une contribution qui leur a été versée durant cette période par le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu depuis Île-de-France mobilités, dite " contribution C 2 ", qui avait été intégrée à tort dans la base de ces impositions. L'administration a accordé la restitution de ces impositions, au titre des exercices clos de 2014 à 2016. La SNCF relève régulièrement appel du jugement n° 1914169 en date du 11 mars 2021, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande, portant sur la réduction des cotisations acquittées au titre des exercices 2010 à 2013.
2. En premier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. La SNCF ne peut donc soutenir utilement que les premiers juges ont, au prix d'une erreur de droit, lié le caractère d'événement ouvrant le délai spécial de réclamation à l'imprévisibilité de la solution retenue par l'arrêt n° 16PA02856 de la Cour en date du 27 décembre 2017.
3. En second lieu, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II.-1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) ". Aux termes de ce dernier article : " 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : (...) / - des subventions d'exploitation (...) ". En application de ces dispositions, éclairées par une instruction du 25 mai 2010, les subventions d'investissement n'ont pas à être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée constituant l'assiette de cette contribution. Et aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) / b) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ". Doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai prévu au b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales les événements de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant.
4. Il résulte de l'instruction que la SNCF était liée au STIF par des contrats pluriannuels couvrant les périodes 2008-2011 et 2012-2015, en vertu desquels elle assurait le service public de transports collectifs réguliers de voyageurs en Ile-de-France, ainsi que des investissements relatifs à ce service public et définis dans le plan quadriennal d'investissement. Aux termes de l'article 44-1 du premier contrat, elle percevait du syndicat une subvention d'exploitation, la contribution C 1, laquelle inclut le remboursement de la compensation de diverses charges et impositions, cependant qu'en vertu de l'article 44-3, une subvention lui était versée, la contribution C 2, en contrepartie de ses charges d'investissement. Il est constant que la SNCF a inclus dans la valeur ajoutée servant de base à la CVAE la contribution C 2. Estimant cette contribution étrangère à la base de l'imposition en cause qui lui était refacturée, le STIF a émis le 24 mai 2011 à l'encontre de sa cocontractante, un ordre de recettes n° 509 correspondant, notamment au montant de la CVAE acquitté, selon lui à tort, par la SNCF au titre de l'exercice 2010, à raison du financement de charges d'investissement. Par jugement n° 1404267 du 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande d'annulation de la SNCF. Saisie par le STIF, la Cour a confirmé, à hauteur du montant représentatif de la CVAE en litige, l'ordre de recettes contesté par l'arrêt n° 16PA02856 en date du 27 décembre 2017, devenu définitif, au motif que la contribution C 2 était, selon les termes du contrat, destinée à financer les charges d'investissement et ne pouvait de ce fait entrer dans l'assiette de l'impôt litigieux, telle qu'elle est définie au paragraphe 4 de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Elle a jugé que, dans cette mesure, la SNCF avait refacturé un montant excessif de cet impôt au syndicat. Estimant que ce motif retenu par le juge du contrat exerçait une influence directe sur le montant de la CVAE qu'elle avait acquittée au titre des exercices 2010 à 2013, la SNCF a regardé cet arrêt comme un événement de nature à ouvrir le délai spécial de réclamation prévu par les dispositions du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.
5. Si la SNCF admet avoir commis une erreur en traitant comptablement et fiscalement la contribution C 2, au titre des années couvertes par les contrats pluriannuels mentionnés, comme rémunération de service constitutive d'une recette d'exploitation, incluse en tant que telle dans l'assiette de la CVAE, il ne résulte pas de l'instruction que les contrats pluriannuels mentionnés aient eu une incidence sur le régime comptable et fiscal auquel étaient soumises, respectivement, les recettes de fonctionnement et les recettes d'investissement au regard de cet impôt, et, partant, sur l'existence d'une telle erreur, commise du fait de la SNCF. Par suite, si l'arrêt de la Cour du 27 décembre 2017 a eu une incidence sur l'équilibre des relations contractuelles entre la SNCF et le STIF en modifiant la répartition de la charge fiscale entre les deux parties, cet arrêt, qui s'est seulement prononcé contre l'inclusion de la contribution C 2, en tant qu'elle correspondait à une recette d'investissement, dans l'assiette de la CVAE, et sa refacturation au STIF, ne peut être regardé comme ayant modifié la situation de la SNCF en droit ou en fait en sa qualité de redevable, l'incertitude quant à l'issue de ce litige contractuel étant, en elle-même, sans incidence sur l'existence de l'erreur commise. En conséquence, l'arrêt de la Cour du 27 décembre 2017 mentionné ne présente pas le caractère d'un événement au sens des dispositions précitées du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SNCF, qui au demeurant n'établit pas avoir fait l'objet, à raison du titre de recettes en litige, d'une imposition établie à tort ou d'une double imposition, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en restitution comme étant tardive. Par suite, ses conclusions aux fins de restitution et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société anonyme (SA) SNCF venant aux droits de SNCF Mobilités est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) société nationale de chemins de fer français (SNCF) et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction des grandes entreprises (DGE).
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2024.
Le rapporteur,
J.-E. SOYEZ Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02565