Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Diévart a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 29 septembre et 20 octobre 2020 par lesquelles le président du conseil départemental de Seine-et-Marne lui a retiré son agrément en qualité d'assistant familial et l'a licencié, et d'enjoindre au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de lui restituer son agrément et de le réintégrer dans ses fonctions.
Par un jugement n° 2009587-2010312 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2023, M. Diévart, représenté par Me Dufour, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions des 29 septembre et 20 octobre 2020 du président du conseil départemental de Seine-et-Marne ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de le réintégrer dans ses fonctions d'assistant familial ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait ;
- la décision de suspension de son agrément n'a pas été précédée d'une enquête préalable ;
- les décisions de retrait de son agrément et de licenciement sont fondées sur des poursuites pénales qui avaient été classées sans suite et sur des faits anciens n'ayant donné lieu à aucune poursuites judiciaires et malgré lesquels il avait été maintenu dans ses fonctions.
Par une ordonnance du 13 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2023 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour le département de Seine-et-Marne a été enregistré le
12 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dufour, représentant M. Diévart.
Considérant ce qui suit :
1. M. Diévart a été agréé en qualité d'assistant familial le 19 juin 2008 pour l'accueil à son domicile d'une personne mineure ou majeure de moins de 21 ans et a été recruté par le département de Seine-et-Marne en septembre 2008. En novembre 2011 il a été agréé pour l'accueil de trois personnes mineures ou majeures de moins de 21 ans. A la suite d'une information préoccupante sur des faits de violence physique, sexuelle et psychologique, à l'encontre d'une jeune précédemment accueillie à son domicile, l'agrément de M. Diévart a été suspendu le 28 avril 2020. Par des décisions des 29 septembre et 20 octobre 2020, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne lui a retiré son agrément et l'a licencié. M. Diévart relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession (...) d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside (...). / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait (...) ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce même code, applicable aux assistants familiaux employés par une personne morale de droit public en vertu de l'article L. 422-1 : " (...) En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".
3. Il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil chez l'assistant familial garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant familial si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est exposé à de tels comportements ou risque de l'être. Par ailleurs, si la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte, le cas échéant, d'éléments factuels antérieurs à cette date mais révélés postérieurement.
4. Pour retirer l'agrément de M. Diévart, le président du conseil départemental de
Seine-et-Marne s'est fondé, d'une part, sur l'attitude inappropriée de M. Diévart à l'égard des jeunes dans son discours et dans ses gestes, révélée par ses antécédents et les éléments de l'enquête pénale initiée en avril 2020, d'autre part, sur sa fragilisation à la suite de l'enquête pénale en cours. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les informations préoccupantes dont a fait l'objet M. Diévart en octobre 2012, en octobre 2017 et le 28 avril 2020, qui ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête pénale, ont toutes été classées sans suite, ce dont le département a au demeurant été informé dès le 21 septembre 2020 s'agissant de la dernière enquête. Il ressort en outre des pièces du dossier que les accusations portées contre M. Diévart en avril 2020 ont été démenties par les autres jeunes confiés au couple, que la jeune-fille auteure de ces accusations tenait souvent des propos mensongers, que les examens gynécologiques réalisés sur elle n'ont pas corroboré ses allégations et qu'elle s'est finalement rétractée de ses accusations. S'il ressort également des pièces du dossier que M. Diévart a été mis en demeure en février 2013 de proscrire les violences physiques comme la gifle, qu'il a lui-même admis la même année avoir porté un coup de pied à un jeune surpris en train de voler, qu'il a également admis en 2017 avoir formulé une plaisanterie de mauvais goût sur le physique d'une jeune-fille et qu'il s'est vu notifier un blâme en avril 2018 après que le Parquet de Meaux a alerté les services départementaux de son comportement parfois inadapté à l'égard des jeunes, ces faits sont pour la plupart anciens et il ne ressort des pièces du dossier que M. Diévart aurait réitéré ce type de comportement par la suite. Par ailleurs, le compte-rendu du 25 mai 2020 de l'accompagnement professionnel dont M. Diévart a fait l'objet souligne la capacité et l'implication de
M. et Mme Diévart dans l'accueil d'enfants avec des problématiques complexes qui demandent une vigilance permanente. Enfin, il est constant que des enfants ont continué à être confiés à
M. Diévart jusqu'au mois d'avril 2020 et qu'il a été proposé à son épouse de continuer à en accueillir postérieurement à cette date. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le comportement de M. Diévart à l'égard des enfants qui lui étaient confiés pouvait raisonnablement laisser penser qu'il était de nature à en compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que le président du conseil départemental de
Seine-et-Marne, s'il n'avait retenu que le motif tiré de la fragilisation de M. Diévart, aurait pris la même décision, alors que ce motif a été évoqué pour la première fois dans l'avis de la commission consultative paritaire départementale sur le seul fondement d'une phrase prononcée par M. Diévart devant elle.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Diévart est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du président du conseil départemental de Seine-et-Marne du 29 septembre 2020 lui retirant son agrément ainsi que, par voie de conséquence, celle du 20 octobre 2020 le licenciant.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. L'annulation pour excès de pouvoir d'une décision administrative fondée sur plusieurs motifs, dont certains n'ont pas été censurés par le juge, implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la demande dont elle est de nouveau saisie par l'effet de cette annulation. Il en va ainsi alors même que le juge s'est fondé sur ce qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne retenant que le ou les motifs qui n'ont pas été censurés
8. Dès lors, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. Diévart. Un délai de deux mois à compter de la notification du présent d'arrêt lui est imparti pour y procéder. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros à verser à M. Diévart sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2009587-2010312 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Melun et les décisions des 29 septembre et 20 octobre 2020 du président du conseil départemental de Seine-et-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. Diévart dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le département de Seine-et-Marne versera une somme de 1 500 euros à M. Diévart en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Diévart et au département de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bruston, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02788