Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Panorama LAL a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 22 janvier 2021 par laquelle le maire de la commune de Tremblay-en-France l'a mise en demeure de procéder, dans un délai de trente jours, à la dépose de cinq dispositifs publicitaires le long de l'autoroute A 104 et de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2214750 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 2 000 (deux mille) euros à verser à la commune de Tremblay-en-France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2023, la société Panorama LAL, représentée par Me Bonfils, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2214750 du tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la lettre du maire de la commune de Tremblay-en-France du 22 janvier 2021 portant mise en demeure de déposer cinq dispositifs publicitaires installés sur le territoire de cette commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a informé les parties d'une substitution de base légale consistant à substituer aux dispositions de l'article R. 581-31 du code de l'environnement celles de l'article 2.1.8 de l'arrêté du 19 septembre 1987 alors que cet arrêté avait été abrogé depuis le 4 juillet 2022, et l'acceptation par la commune de cette substitution révèle une volonté de tromper le tribunal ;
- le tribunal a à tort jugé que la lettre de mise en demeure contestée du 21 janvier 2021 ne s'inscrivait pas dans le champ d'application de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et que dès lors les éventuelles irrégularités du relevé effectué le 1er octobre 2020 par la DRIEF étaient inopérantes, alors que ce relevé se réfère lui-même à l'article L. 581-27 de ce code ;
- le tribunal se fonde à tort sur les dispositions de l'article 2.1.8 de l'arrêté du 19 septembre 1987 alors que cet arrêté avait été abrogé depuis le 4 juillet 2022 et que la substitution de base légale ainsi effectuée était dès lors impossible, outre que cet arrêté mentionne à la fois l'A 104 et la RN 2 bis et est insuffisamment précis ;
- la lettre de mise en demeure contestée se fonde sur le relevé d'infraction du 1er octobre 2020 qui ne mentionne ni l'identité ni le grade et les fonctions de son auteur et est ainsi entaché de plusieurs irrégularités ;
- la demande de première instance était bien recevable compte tenu des termes de la lettre de mise en demeure du 21 janvier et de son caractère décisoire ;
- cette décision est entachée d'illégalité interne dès lors que l'A 104 / RN 2 ne peut être considérée comme une voie hors agglomération, et que les plans font apparaitre qu'il s'agit de la
RN 2 et non de l'A 104.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 15 décembre 2023, la commune de Tremblay-en-France représentée par Me Peru, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la société Panorama LAL sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle était en situation de compétence liée pour mettre en demeure la société requérante d'enlever ses dispositifs publicitaires et dès lors le moyen tiré de l'irrégularité du relevé d'infraction est en tout état de cause inopérant ;
- les moyens soulevés par la société Panorama LAL ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Bonfils, représentant la société Panorama LAL,
- et les observations de Me Astre, représentant la commune de Tremblay-en-France.
Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 26 avril 2024 présentée pour
la commune de Tremblay-en-France représentée par Me Peru.
Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 14 mai 2024 présentée pour
la société Panorama LAL, représentée par Me Bonfils.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 22 janvier 2021, le maire de la commune de Tremblay-en-France a prescrit à la société Panorama LAL la dépose dans un délai de 30 jours maximum de cinq dispositifs publicitaires installés le long de l'autoroute A 104. Cette société a dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cette lettre de mise en demeure, mais par une ordonnance du 25 octobre 2021 la présidente de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande pour irrecevabilité manifeste sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative du fait qu'elle aurait été dirigée contre un acte dépourvu de caractère décisoire. La Cour de céans a annulé cette ordonnance par un arrêt du
29 septembre 2022 et a renvoyé le litige devant le tribunal administratif de Montreuil. Celui-ci a rejeté cette demande par un jugement n° 2214750 du 8 juin 2023, dont la société Panorama LAL relève dès lors appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement dans sa version applicable au présent litige : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les cinq jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la préenseigne irrégulière. / Si cette personne n'est pas connue, l'arrêté est notifié à la personne pour le compte de laquelle ces publicités, enseignes ou préenseignes ont été réalisées ". / Aux termes de l'article
L. 581-40 du même code : " I. - Pour l'application des articles L. 581-14-2, L. 581-27, L. 581-34 et L. 581-39, sont habilités à procéder à toutes constatations, outre les officiers de police judiciaire : / 1° Les agents de police judiciaire mentionnés aux articles 20 et 21 du code de procédure pénale ; / 2° Les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux lois du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et au titre IV du livre III du présent code ; / 3° Les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux dispositions du code de la voirie routière ; / 4° Les fonctionnaires et agents publics habilités à constater les infractions au code de l'urbanisme ; /
5° Les fonctionnaires et agents des services de l'Etat et de ses établissements publics, commissionnés à cet effet et assermentés ; / 6° Les agents habilités par les collectivités locales à constater les infractions au code de la route en matière d'arrêt et de stationnement des véhicules automobiles en vertu de l'article L. 130-4 dudit code ; / 7° Les agents des collectivités territoriales assermentés et commissionnés à cet effet par l'autorité compétente en matière de police définie à l'article L. 581-14-2 ; / 8° Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 341-20 du présent code, commissionnés et assermentés ; / 9° Les agents des réserves naturelles mentionnés à l'article
L. 332-20 agissant dans les conditions prévues à cet article ; / 10° Les gardes du littoral mentionnés à l'article L. 322-10-1, agissant dans les conditions prévues à cet article ").
3. Il ressort des termes de la lettre du maire de la commune de Tremblay-en-France du
22 janvier 2021 qu'il mettait en demeure la société requérante " de procéder, dans le délai de trente jours (..), à la dépose des dispositifs publicitaires susmentionnés et d'adresser à (ses) services tout justificatif attestant de la mise en conformité de la situation avec la règlementation (...). Passé ce délai la commune sera contrainte de dresser un procès-verbal d'infraction et de prendre un arrêté municipal vous ordonnant de procéder à la dépose des dispositifs sous cinq jours avec copie à la procureure de la république (...) ". Ainsi cette mise en demeure donnait à la société Panorama LAL un délai de trente jours pour déposer les dispositifs publicitaires faute de quoi interviendrait ensuite, après établissement d'un procès-verbal d'infraction, l'arrêté visé à l'article L. 581-27 qui lui ordonnerait de nouveau de déposer les dispositifs en cause en lui donnant cette fois, conformément aux dispositions de cet article, un délai de cinq jours pour se conformer à cette obligation. Il en résulte que la mise en demeure litigieuse ne constitue pas l'arrêté visé par l'article L. 581-27, arrêté qui par ailleurs n'a pas vocation à être pris sur le fondement du relevé d'infraction du 1er octobre 2020 puisque la commune annonçait l'établissement d'un procès-verbal d'infraction avant d'ordonner la dépose des dispositifs dans un délai de cinq jours. Dès lors le moyen tiré de ce que le relevé d'infraction du 1er octobre 2020 méconnaitrait les dispositions de l'article L. 581-40 du code de l'environnement est inopérant, ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal.
4. En deuxième lieu, d'une part aux termes de l'article R. 581-31 du code de l'environnement : " Les dispositifs publicitaires non lumineux, scellés au sol ou installés directement sur le sol sont interdits dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d'une unité urbaine de plus de 100 000 habitants./ Dans les autres agglomérations ces dispositifs sont interdits si les affiches qu'ils supportent sont visibles d'une autoroute ou d'une bretelle de raccordement à une autoroute ainsi que d'une route express, déviation ou voie publique situées hors agglomération/ (...) ". Par ailleurs l'article L. 581-14-3 du même code dispose que : " (...)Les réglementations spéciales qui sont en vigueur à la date de publication de la loi
n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement restent valables jusqu'à leur révision ou modification et pour une durée maximale de dix ans et six mois à compter de cette date. Elles sont révisées ou modifiées selon la procédure prévue à l'article L. 581-14-1. Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de plan local d'urbanisme, un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou la métropole de Lyon a prescrit l'élaboration d'un règlement de publicité intercommunal, la durée prévue au présent alinéa est de douze ans ".
5. D'autre part l'article 2.1.8 du règlement local de publicité, applicable aux lieux litigieux dispose que " toute publicité installée ne doit pas être visible de l'autoroute A. 104 (R.N n° 2bis) ".
6. Or, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
7. Par ailleurs la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, la requérante ne peut utilement soutenir que le règlement local de publicité de la commune de Tremblay-en-France, issu d'un arrêté municipal du 19 septembre 1987, n'aurait pu servir de fondement légal à la décision en litige, en date du 21 janvier 2021, du fait qu'il a été abrogé à compter du 4 juillet 2022. De plus, il ressort des dispositions précitées de l'article
L. 581-14-3 du code de l'environnement que les règlementations spéciales en vigueur à la date de publication de la loi n° 2010-788, à défaut de modification ou révision entretemps, restent valables pour une durée maximale de dix ans et six mois à compter de cette date de publication, ce délai étant toutefois porté à douze ans, et l'échéance ainsi repoussée jusqu'au 13 juillet 2022, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de plan local d'urbanisme, ou un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris a prescrit l'élaboration d'un règlement de publicité intercommunal. Or il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté que l'établissement public territorial Terre d'Envol est un établissement public de coopération intercommunal compétent en matière de plan local d'urbanisme, et a prescrit par délibération du 3 février 2020 l'élaboration d'un règlement de publicité intercommunal englobant la commune de Tremblay-en-France. Ainsi le règlement de publicité communal de cette commune adopté par délibération du 19 septembre 1987 était toujours valide et en vigueur à la date d'intervention de la décision attaquée, le 22 janvier 2021.
8. Enfin le tribunal a mis les parties en mesure de présenter des observations sur cette substitution de base légale, consistant à substituer aux dispositions de l'article R. 581-31 du code de l'environnement celles de l'article 2.1.8 du règlement local de publicité, qui n'a par ailleurs privé la requérante d'aucune garantie. De plus si celle-ci fait valoir qu'en interdisant toute publicité " visible de l'autoroute A. 104 (R.N n° 2bis) " cet article 2.1.8 du règlement local de publicité aurait créé une ambiguïté sur la nature d'autoroute ou de route nationale de la voie en cause, il n'en résulte pas que la substitution de base légale opérée par les premiers juges serait " juridiquement impraticable " alors que la voie en cause est parfaitement identifiée. Ainsi la société Panorama LAL, qui ne peut utilement faire état de l'abrogation du règlement local de publicité de la commune de Tremblay-en-France postérieurement à l'intervention de la mise en demeure contestée, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait à tort substitué les dispositions de ce règlement à celles de l'article R. 581-31 du code de l'environnement.
9. En troisième lieu, dès lors qu'il y a lieu d'appliquer ces dispositions de l'article 2.1.8 du règlement local de publicité et que celles-ci, ainsi qu'il vient d'être dit, interdisent toute publicité " visible de l'autoroute A. 104 (R.N n° 2bis) ", sans distinguer selon que cette voie traverse des zones situées ou non en agglomération, la requérante ne peut davantage faire utilement état de ce que la voie en cause, se trouvant dans une zone largement construite, ne pourrait être considérée comme une voie hors agglomération. De même ces dispositions visant " l'autoroute A 104
(RN n° 2bis) " la requérante ne peut non plus soutenir utilement que la voie en cause serait en réalité la RN 2bis et non l'A 104, l'interdiction visant l'une et l'autre voie. Enfin le moyen tiré de l'ambiguïté alléguée, résultant des termes de cet article, sur la nature d'autoroute ou de route nationale de cette voie est inopérant dès lors qu'il n'est pas contesté que la voie concernée par cet article est parfaitement identifiée, que l'interdiction qu'il prononce n'est pas subordonnée à la nature de la voie, et que les dispositifs publicitaires litigieux se situent bien le long de cette voie.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Panorama LAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tremblay-en-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Panorama LAL au titre des frais liés à l'instance et exposés par elle.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Panorama LAL le paiement à la commune de Tremblay-en-France de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Panorama LAL est rejetée.
Article 2 : La société Panorama LAL versera à la commune de Tremblay-en-France une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Panorama LAL, à la commune de Tremblay-en-France et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2024.
La rapporteure,
M-I. A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03633